J+1 partie 2

196 29 7
                                    

"Comment ça, tu vas mourir?"

Un rire amer passa la limite de mes lèvres, je me demande bien comment je pourrais synthétiser trois années de souffrance, les longs moments de doutes et de peur et cette décision qui devait servir d'apogée macabre à ma vie remplie de désillusion. Mon esprit n'est plus assez clair pour réussir de telles réflexions, alors je pense que j'ai un peu simplifié.

"Tu sais, sauter de haut pour en finir, ce genre de chose."

A ces mots, ils se figèrent tous, sont-ils naïfs à ce point? Ça en devient presque désespérant. Un rire nerveux passe mes lèvres puis un fou rire s'empare de moi sans que je ne m'en rende compte.  Aucun d'eux n'osent bouger, trop surpris par mon rire si bruyant, qu'ils pensent sans doute injustifié. Il ne l'est pas, je ris de cette situation ridicule, de leurs têtes aux yeux grands ouverts, de ma vie, de mes décisions qui n'auront eu aucun intérêt, de cette haine qui brûle ma gorge et qui me donne envie de lâcher toutes mes pensées dans un flot de paroles incontrôlées, sans filtre, sans envie de connaître les pensées des autres, pourtant si facilement visibles sur leurs visages. Je ris aux années gâchées. Je ris à mes rêves et mes envies piétinés. Je ris à mon amour à sens unique. Je ris à mon manque de passion. Je ris à mon ancienne envie de vivre normalement et de me battre qui s'est effondré en seulement quelques mots. Je ris à mon corps si faible. Je ris à mon égoïsme. Je ris à ma lâcheté. Et enfin je ris à ma mort proche et à ma vie dépourvue de sens.

"Ça ne vous a jamais effleuré l'esprit que je voulais faire ça? Vous êtes plutôt lents à la détente... J'en ai marre! Marre de m'en vouloir et d'en vouloir au monde! Je suis faible et ce monde est rempli d'abrutis..."

Une des personnes qui m'entourent osa enfin esquisser un mouvement, c'est ma mère.

"Minghao... Pourquoi tu ne nous en as pas parlé?"

"Et comment tu voulais que j'aborde le sujet? Je sais que vous avez perdu foi en moi, enfin surtout vous, Monsieur. Xu."

Mes parents ont l'air tellement choqué que ça en deviendrait presque comique. Il ne va pas tenter de me faire croire qu' après tous ses reproches et ses regards accusateurs, qu'il croyait encore en moi. Ma sœur a l'air si dépassé par l'événement. Mon père semble s'énerver, ses sourcils sont froncés, quand il prit la parole, je pouvais sentir qu'il se retenait d'exploser:

"Minghao...Tu sais que c'est faux, tu es mon fils et je t'aime quoiqu'il se passe. Je suis fière de toi malgré ce qu'il se passe, car je sais que tu vas t'en sortir."

"Tu te fous de ma gueule? Arrête de faire comme si tu étais une bonne personne, tu as toujours été distant avec moi! Tu m'expliquais continuellement que j'avais tord, que je n'étais qu'un petit con qui ne comprenait rien à la vie! Tu te rends compte que c'est la première fois que tu me dis que tu m'aimes sans détour ou phrase alambiquée? La première fois que mon père m'avoue q'il m'aime c'est quand je lui dis que je vais me suicider... Ça donne une idée du personnage, non?"

Je regarde ma sœur et je vois ses beaux yeux brillants de larme, alors je passe ma main avec douceur sur sa joue.

"Je suis désolé ma princesse... Ton prince n'est pas assez fort pour rester avec toi."

Alors qu'elle était sur le point de parler, ma mère lui coupa la parole.

"Ma chérie tu peux monter s'il te plaît?"

Elle voulait me dire quelque chose, je le savais mais on ne voulait pas la laisser parler. C'est ce comportement qui m'énervait le plus avec mes parents. Ils veulent nous protéger en nous cachant des choses, en nous empêchant de mettre un nom sur nos craintes, car après tout, si on ne met pas de nom sur quelque chose, cette chose n'existe pas vraiment.

Ma sœur venait de se lever quand je me mis à parler.

"Vous voyez, c'est ça qui me dégoutte avec vous, vous ne voulez rien nous dire comme si on était trop bête pour gérer le moindre problème! Vous évitez tous les sujets que vous ne pensez pas adapté à nos esprits de faibles. Alors vous savez quoi? Je vais tout vous dire."

Je le sentais, j'allais tout laisser sortir, ce flot de parole incontrôlé, ces douces mélodies mensongères, ces envies et vices inavoués, je vais tous les laisser sortir. Au fond, ça doit être pour ça que je bois autant, je bois pour m'enivrer et vomir mes principes, libérant de mes tripes ce que j'ai sur le cœur.

" Je vous aime mais je ne peux plus supporter tout ça. Les gens qui peuplent ce monde sont mauvais et je le suis aussi, je me dégoutte. J'ai continuellement envie de vomir, de cracher sur la première personne qui me passera à coté. Je ne vois même plus à quoi toute cette mascarade peut bien servir... Je devrais peut être dire ces mots qui vous font si peur: je suis alcoolique et ma jambe est foutue à vie. Et tant que j'y suis, je suis gay, je me suis dit que ça pouvait peut être vous intéresser de savoir que votre cher fils aime les hommes. "

Mon père se massa les tempes.

"Ne dis pas ce genre de choses Minghao, tu es dans une mauvaise phase mais ça va te passer. Tu vas pas mourir et tu n'es pas homosexuel. Mon fils ne peut pas aimer les hommes, je t'ai éduqué comme il faut, ce n'est pas possible."

Ses paroles firent remonter de la bile dans ma gorge.

"T'es sérieux? C'est ça qui te fait le plus chier dans ce que je viens de te dire? Je te dis que je suis foutu à vie, que je me dégoûte de penser comme je pense et c'est le fait que je sois homo que tu retiens? Au final, je retire ce que j'ai dit, je ne t'aime pas... Je pensais que tu avais changé ces derniers jours, mais j'ai du me tromper vu que tu réagis comme je l'avais imaginé il y a quelques semaines..."

Ils n'osent pas parler, ils me regardent juste avec des yeux grands ouverts. 

"Je sors."

Je ne leur laisse pas le temps de répondre. Ma mère se lève, mais j'ai déjà dépassé la porte d'entrée. Je me laisse porter par mes pas et j'arrive devant le parc qui avait connu mon dernier jour, hier. Je traverse la route pour me rendre au lycée pour retenter d'en finir. C'est étrange, je n'ai plus de regrets à barrer sur ma liste alors pourquoi je ne me sens pas plus libre qu' hier. Ces non-dits ont été prononcés, plus de pensées inavouées alors pourquoi je me sens si lourd, pourquoi j'ai l'impression que mon cœur se serre dans mon thorax. Sans doute parce que mon corps est devenu trop lourd pour que je puisse le porter sans me sentir faible. 

J'entends une voix résonner dans mon dos. C'est cette voix, la plus douce des mélodies mais je ne sais pas si je suis si heureux de l'entendre maintenant. Je me retourne et je le vois, lui et ses cheveux légèrement décoiffés et ses grands yeux qui semblent si inquiets. J'avais oublié que c'était aujourd'hui qu'il était obligé de rester plus tard du lycée pour assister à une énième réunion des délégués. Son uniforme est un peu mal mis, il est définitivement beau.

Un autre bruit attira mon attention, une voiture, ce fut le dernier son que j'entendis. J'aurais préféré que ce soit la voix de Jun... Au moins, c'est finit et tous mes regrets sont barrés sur la liste. Alors, pourquoi j'ai encore l'impression qu'il manque quelque chose? Je me sens partir et j'entends une simple voix résonnant dans ma tête "ce n'est pas bon".

C'est fini, pour la deuxième mais je ne sais pas si c'est encore la bonne.         

J-10 [✔]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant