1er septembre 1939 :
Cette lettre, qu'Archie avait précieusement dissimulée dans sa chambre, était tout ce qui lui restait de Robbie, maintenant parti depuis une semaine, ainsi que son cœur, qui s'en était allé avec lui.
Il souffrait, le jour comme la nuit. Jamais il n'avait autant aimé une personne. Ce dernier était, sans aucun doute, l'homme de sa vie. Celui avec qui il voulait la faire, se marier, vieillir et mourir. Maintenant il était seul, horriblement seul.
Cette souffrance était aussi forte que la haine qu'il ressentait envers son père. Cet homme qu'il avait toujours admiré, était aujourd'hui, quelqu'un qu'il haïssait de tout son être.
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C'est en ce premier jour de septembre 1939, que des cris se mirent à retentir partout dans le pays : "La Guerre est à nouveau déclarée ! La Guerre est à nouveau déclarée !" Cette phrase, provoquant la terreur et l'affolement, fut répétée des centaines de fois tout au long de la journée.
Un médecin, ami de Jack Lilis, était venu exprès de la ville afin de prévenir la famille de cette terrible nouvelle. Tous furent ébranlés par cette dernière.
Le père annonça, d'un ton décidé, qu'il devait faire quelque chose d'urgent et que, par conséquent, il devait s'absenter quelques heures.
Archie pensa immédiatement partir à son tour, pour aller voir Robbie, mais il savait que c'était impossible. Et si ce dernier refusait de lui parler ? Et si ce dernier avait peur et ne lui ouvrait pas la porte ? Et si simplement, ils se faisaient attraper ? Tant d'affreuses et frustrantes possibilités l'empêchant de rendre visite au garçon qu'il aime.
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Jack Lilis, ou l'homme le plus détesté par son fils, revint en fin de journée. Les triplées, quant à elles, heureuses de revoir leur père, lui sautèrent dans les bras en riant.
- Où étiez-vous ? Demanda Iris sans aucune indiscrétion
- Et bien, j'inscrivais quelqu'un pour défendre notre pays de cette nouvelle menace !
Il lui avait dit cela avec fierté et joie.
Archie, ayant écouté les paroles de son géniteur, arriva subitement et lui demanda :
- Vous avez osé mettre mon nom !?
Ce dernier releva la tête pour faire face à son fils. Son sourire disparu et il lui répondit sèchement : - Rassure-toi mon fils, tu es épargné. Les filles, laissez nous, s'il vous plaît.
Les trois petites filles partirent donc.
- Alors, de qui parlez-vous ?
- De Robbie.
Des larmes commencèrent à perler ses yeux à l'entente de son nom.
Il ne pouvait, il ne voulait pas y croire. Non, cela était faux.
- Je ne vous crois pas.
- Pourtant tu devrais mon fils.
- Vous mentez !
- Je ne mens jamais enfin.
- Comment avez vous pu ?
- Il t'avait, comme envoûté Archie ! Il t'avait fait sortir du droit chemin. T'avait fait goûter à la vie de dépravés, de scélérats remplie de perversité et d'immoralité. Mais maintenant, il ne te fera plus de mal. Dès lors qu'il sera parti pour de bon, tu iras mieux.
- Mais je ne veux pas, dit-il soudainement, rempli de tristesse.
Son père le regarda alors avec incompréhension :
- Comment ?
- Je l'aimais et je l'aime encore.
- Tu es malade Archie. Tu divagues. Cesse de dire des sottises et reprends-toi !
- Ce serait plutôt à moi de vous dire cela père...
Le nom de "père" lui arrachait presque la gorge. Considérer cet homme comme tel, après ce qu'il avait fait, n'était plus désormais.
- Je sais que j'ai bien agi. J'ai fait cela pour ton bien, pour ton bonheur, pour...
- Si vous vous étiez réellement préoccupé de mon bonheur, vous ne m'auriez point enlevé Robbie.
Les larmes coulèrent à présent sur ses joues.
- Parce que te faire traiter de pédéraste ou de sodomite toute ta vie, c'est ça que tu appelles "bonheur" !?
- S'il le faut pour être avec celui que j'aime, alors oui.
- Celui que tu aimes...
Il se mit presque à rire en répétant ces mots. Il reprit subitement :
- Crois-tu réellement qu'il t'ait aimé au moins ? Qu'il avait de quelconques sentiments ?
- Bien sûr que oui il en a. Tout comme moi j'en ai.
- C'est faux Archie et je le sais très bien !
Il se frotta les yeux comme fatigué de cette dispute avec son fils, ce qui en soi, n'était pas totalement absurde. Il reprit une nouvelle fois :
- J'ai vu sa lettre dans ta chambre...
- Mais comment ? Je l'avais...
- Cachée ? Vraiment inutile mon fils. J'ai su qu'il t'avait donné quelque chose, le jour où je lui ai demandé de nous quitter. Je vous ai vus de la fenêtre, croyais-tu vraiment être invisible ?
Archie ne sut quoi répondre, les mots se bloquant.
- Quoiqu'il en soit, mes doutes sur la possible décadence de ce garçon, se sont avérés vrais lors de ma lecture,"votre corps nu aux côtés du miens". Comme cela est répugnant !
- Pas plus que votre intolérance là dessus.
- Mon "intolérance", comme tu dis si bien, m'a permis de te protéger de ce délinquant. Il ne voulait pas de tes sentiments. Pas de ton "amour". Tout ce qu'il souhaitait c'était ton corps Archie. Mais non pas pour tes fantasmes à toi mais pour assouvir les siens. Ceux d'un ...
Il se stoppa, cherchant sans doute le mot juste pour qualifier ses dires.
- Un quoi ? Allez y dîtes le. Vous n'en avez même pas le...
- Ceux d'un pourri ! Robbie est un pourri Archie. Et il le restera. L'envoyer à la Guerre, s'il y survit, lui remettra peut être les idées en place. Il part dès demain et j'espère que...
C'en fut assez pour le jeune homme, qui, coupant alors son interlocuteur, sortit immédiatement de la maison.
- Que fais-tu !? Archie !
Mais il ne répondit point et se mit à courir, le plus vite possible, sans s'arrêter, sans faire attention aux douleurs dans ses côtes, sans penser aux conséquences de sa soudaine fuite, car il était sûr d'une chose, Jack Lilis n'allait pas le rater pour son manque de respect envers lui . Mais, au diable ce salaud, homophobe et ignorant. Malgré ces mots, pouvant convaincre le plus résolu de tous les Hommes, Archie savait ses sentiments envers Robbie et il connaissait les siens, en dépit de cette lettre, au caractère quelque peu charnel.
Ce fut au bout d'une dizaine de minutes, haletant et transpirant à cause de sa folle course et de la chaleur de la fin de l'été encore présente dans l'air, qu'il arriva chez Robbie. Il frappa à la porte une fois, puis une deuxième et une troisième, mais rien.
Personne ne lui ouvrit, ce qu'il avait redouté. Archie comprit immédiatement :
- Nan ! Hurla t-il dans un étouffement, par pitié nan !
Les larmes se déversèrent sur ses joues rouges, se mélangeant à sa transpiration. Il posa sa tête contre la porte un petit moment, espérant encore une quelconque présence dans la maison, même s'il savait que c'était peine perdue.
Robbie était bel et bien parti, vers l'enfer et la mort. Là où tout hommes ayant survécu, ne fut plus jamais le même. Là où tout hommes ayant goûté à la fin , fut jeté dans les oubliettes de l'Histoire.
Le voilà donc le destin réservé à l'homme qu'il aime.

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𝑫𝒆 𝒕𝒐𝒖𝒕 𝒎𝒐𝒏 𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒋𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒂𝒊𝒎𝒆
Romance(𝙊𝙚𝙪𝙫𝙧𝙚 𝙚́𝙙𝙞𝙩𝙚́𝙚 𝙨𝙤𝙪𝙨 𝙡𝙚 𝙢𝙚̂𝙢𝙚 𝙣𝙤𝙢 !) (𝙃𝙞𝙨𝙩𝙤𝙞𝙧𝙚 𝙧𝙚𝙥𝙪𝙗𝙡𝙞𝙚́𝙚 + 𝙘𝙤𝙧𝙧𝙞𝙜𝙚́𝙚/𝙖𝙢𝙚́𝙡𝙞𝙤𝙧𝙚́𝙚 + 𝙣𝙤𝙢 𝙢𝙤𝙙𝙞𝙛𝙞𝙚́) Grande Bretagne, août 1939 : Archie et Robbie, deux hommes que tout oppose, tombe...