Musique d'ambiance du chapitre :
https://www.youtube.com/watch?v=q3q7o9TBxck
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Mais qu'est-ce que je fais ici ?
Papa connait cet homme ?
Vraiment ? ...
Bon, ne panique pas. Tout va bien...
Depuis qu'elle avait passé la porte du manoir des Shelby, un flot de pensées se bousculaient dans la tête d'Hannah. Elle était heureuse d'avoir trouvé la propriété du premier coup et d'avoir réussi à expliquer sa requête, et tout cela malgré le charisme absolument étourdissant de son hôte... Malgré tout, elle ne pouvait dominer sa peur. Après tout, elle ne connaissait pas cet homme. Certes, il avait été l'ami de son père, mais après tout, la guerre était terminée depuis plusieurs années... Qui pouvait lui garantir que cet étrange personnage, qu'elle n'avait jamais vu de sa vie, allait être bienveillant avec elle ? Hannah se mordit la lèvre inférieure, culpabilisant instantanément à l'idée de ne pas faire confiance à son père. Malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher de penser à tout cela, alors qu'elle gravissait une à une les marches d'un grand escalier de marbre rouge.
Monsieur Shelby avançait d'un pas lourd dans les couloirs richement décorés de sa demeure. Curtis était à son côté, babillant de choses et d'autres à une vitesse folle, un sourire rayonnant scotché à son visage. Hannah l'avait rapidement identifié comme étant le petit groom à tout faire de la maison. Il devait avoir 13 ou 14 ans. Il arborait une tignasse rousse flamboyante, à première vue très peu disciplinée. Assez frêle, il émanait pourtant de ce garçon une impression de vitalité incroyable, comme s'il avait encore mille autres choses à faire dans sa journée, qu'il en était bien conscient et pas du tout prêt à lambiner.
- Bon, eh, M'sieur Shelby, c'est qui cette mad'moizelle que vous avez fait entrer ? Une cliente à vous ? Sans vouloir vous offenser M'sieur elle a pas vraiment l'air de vendre du gin ! chuchota sans grand succès de discrétion le gamin avec un regard en coin pour l'intéressée.
- Non, en effet Curtis, ce n'est pas une vendeuse de gin. Il s'agit de la fille d'un vieil ami, répondit son maître dans un grognement sourd, tout en sortant sa montre à gousset.
- Ohhhh, la fille d'un ami à vous, M'sieur Shelby ? C'pas tous les jours qu'on reçoit des "amis", ici, dites ! répliqua Curtis en souriant de toutes ses dents à Hannah.
Un peu déstabilisée par cette déclaration, on lui ouvrit enfin les portes d'un grand salon, où elle prit place sur une banquette de cuir noir. L'homme retira son manteau et son couvre-chef, les tendit au groom, puis vint écraser sa cigarette dans un cendrier non loin de là. Enfin, il vint s'écrouler dans un fauteuil en face d'Hannah, qui ne savait définitivement plus ou se mettre, surtout lorsqu'une vieille femme apporta une théière remplie et en versa le contenu dans deux petites tasses de porcelaine.
- Alors, mademoiselle... ?
- Hannah, rétorqua l'intéressée, piquée par l'oubli quasi instantané de son prénom. Merci, remerciant celle qui devait être Carmen.
- Hannah. Pardonnez mon inattention. Je n'ai pas beaucoup dormi.
- Il n'y a aucun problème... commença-t-elle, sans parvenir à trouver de suite appropriée à cette conversation.
- Thomas. Vous pouvez m'appeler ainsi.
Il releva les yeux de sa montre et parcourut la jeune fille du regard. Un frisson serpenta le long de sa nuque, sans qu'elle sache s'il s'agissait là d'un frisson d'horreur ou de trouble. Nom de Dieu, Hannah, reprends-toi ! Ce n'est pas cet hurluberlu qui va te faire perdre tes moyens !
- Je... je vous remercie beaucoup de me recevoir. Je suis navrée de ne pas avoir pu prévenir de mon arrivée. Mon père... il m'a dit que vous n'auriez pas le temps de prendre connaissance de notre requête par lettre. J'ai donc pris la décision de venir par moi-même pour vous rencontrer.
Un moment de silence s'installa entre eux, seulement troublé par de lointains cris d'ouvriers. Leurs marteaux s'abattant sur du fer en fusion rythmaient leurs souffles en cadence.
- C'est plutôt couillu de votre part, répliqua-t-il au bout d'un instant d'une voix caverneuse.
- Oui, en effet, bégaya Hannah, peu habituée à ce langage bourru et disgracieux.
- Et donc, vous souhaitez travailler pour moi.
- C'est l'idée, oui..
- Que connaissez-vous de ma famille, Hannah ?
La manière abrupte dont il était passé de "mademoiselle" à "Hannah" la perturba. Néanmoins, il attendit calmement, fouilla dans la poche de son veston, sûrement en quête d'une nouvelle cigarette, pensa-t-elle. En effet, un joli boitier en argent étincela bientôt entre ses paumes. Ses ornements étaient d'une finesse qu'elle n'avait encore jamais observée nulle part. Il alluma sa cigarette, inhala la fumée.
- Je... je sais que vous avez fait la guerre avec mon père. Que vous avez été son ami, enfin, c'est ce qu'il m'a dit. Puis, vous êtes rentré à Birmingham. Vous vous êtes lancés dans le commerce d'alcools. Je sais aussi que vous avez une grande famille, une famille réputée...
- Réputée ? souffla-t-il, d'épaisses ondes de fumée envahissant progressivement la pièce.
- Eh bien, vous êtes respectés. Les gens connaissent votre nom. Même chez moi, tout le monde sait qui sont les Shelby.
- Développez, continua-t-il, ses yeux perçants scrutant le visage de son interlocutrice.
Hannah n'en connaissait pas vraiment davantage. Comment se sortir de ce bourbier ? ... alors qu'elle réfléchissait, admirant le jardin luxuriant du manoir, elle finit par dire :
- Ecoutez, Monsieur Shelby. Vous êtes un homme puissant. Je ne suis que la fille d'un soldat que vous avez côtoyé il y a des années. Je ne suis personne pour vous dire quoi faire, qui embaucher dans votre service, ou encore pourquoi les Shelby sont respectés dans toute l'Angleterre. Je pense d'ailleurs que cela tombe sous le sens. Nous savons tous les deux très bien pourquoi la famille Shelby est aussi crainte que respectée.
Encore une fois, Hannah avait débité un flot de pensées qu'elle aurait peut-être dû garder pour elle. Toutefois, elle ne regrettait nullement ses paroles. La franchise et l'honnêteté avaient toujours été ses valeurs les plus ancrées, et ce n'était pas parce qu'elle était face à ce personnage qu'elle allait changer.
Hannah le remarqua alors. Le sourire de Monsieur Shelby. Un sourire s'étirant à n'en plus finir, ponctué d'une petite flamme d'excitation dans l'iris bleue de ses yeux.
- Je dois dire que je suis plutôt surpris. Je ne m'attendais pas à un tel caractère. Surtout de la part d'une jeune femme de Stratford. Mais vous êtes bien la fille de Charles. J'apprécie votre... franc-parler. Et effectivement, nous avons besoin de personnel au manoir.
Hannah était pétrifiée. Elle s'attendait à tout, sauf à cette réaction.
- Bienvenue dans la famille Shelby, Hannah.
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Black Stallion || PEAKY BLINDERS
FanficIls n'étaient pas faits pour se rencontrer. Angleterre, début des années 1920. Hannah Sullivan est une jeune fille issue d'une famille très pauvre. Intelligente, solaire et douée de ses mains, elle aime plus que tout sa vie simple et sans fioriture...