Les rayons du soleil déclinaient déjà à travers la porte fenêtre de la véranda.
Exténuée, Hannah retroussa les manches de son chemisier.
Cela faisait maintenant une semaine qu'elle avait commencé son service chez les Shelby. Elle venait de s'occuper de toutes les plantes exotiques de la salle à manger qui, baignées dans la lumière de cette fin d'après-midi, avaient besoin de soins particuliers. Elles venaient des quatre coins du monde : Afrique du nord, Chine, Brésil...
Quelles merveilles ! se disait Hannah chaque matin, éblouie devant de telles beautés. Ses connaissances en botanique avaient immédiatement été très appréciées dans la maisonnée. Hannah avait la main verte et adorait la nature, travailler la terre. Toutes les tâches reliées de près ou de loin au jardinage lui étaient donc tout naturellement attribuées.
"Une vraie p'tite provinciale la mad'moizelle !" avait renchérit Curtis, le groom espiègle du manoir.
Étonnamment, travailler au service des Shelby n'était pas si affreux qu'elle se l'était figuré. Les autres domestiques, Carmen, Curtis, mais aussi Juliette et Sophie, étaient très gentils avec elle, même s'ils la surveillaient tous un peu. Certains pensaient qu'il fallait être le premier dans le cœur du patron pour s'attirer d'éventuelles faveurs (qui, pour le moment, n'avaient été observées par personne) et l'amitié entre collègues étaient donc plutôt épineuse à envisager. Mais dans l'ensemble, tout se passait bien. Hannah vivait dans une petite chambre au dernier étage du manoir, au fond d'un couloir mal éclairé, mais qui avait une vue imprenable sur Birmingham. Un lit, une petite table, une chaise. Un nécessaire de toilette sommaire. Un parquet de bois un peu usé. Cela lui suffisait amplement...
Et même si elle avait pu avoir davantage de loisirs, elle n'aurait pas pu en profiter : la vie au manoir était millimétrée à la minute près. En tant que femme de chambre, si l'on voulait survivre, il fallait avoir une organisation quasi militaire ! Tous les jours, Hannah se levait à 6 heures. Après un rapide petit-déjeuner dans la cuisine commune, elle s'occupait d'ouvrir toutes les fenêtres de la maisonnée, d'aérer les pièces, d'y faire un ménage méticuleux. Puis, elle aidait en cuisine après avoir été au marché et choisi les produits du jour, elle servait le vin à table, apportait les cigares et divers alcools aux invités... elle s'occupait également d'une infinité d'autres tâches variées : le linge, mais aussi les comptes des domestiques, le jardin bien sûr, la couture et l'argenterie. Pas de quoi chômer !
Les rares instants de répit qu'elle pouvait se permettre, après ces dures journées, se trouvaient nichés entre le dîner et le coucher, vers 22h30. Elle écrivait régulièrement à sa famille pour les tenir au courant, et les rassurer : tout allait bien. Une enveloppe de monnaie leur parviendrait bientôt.
Pas d'inquiétudes.
Il ne pouvait rien lui arriver... rien.
Il était justement 22h30 et Hannah observait la fontaine du jardin écouler son cours d'eau paisible face à la véranda. Le ruissellement de l'eau sur la pierre, continu, était hypnotique, apaisant. C'était la fin de la journée, et elle n'avait jamais été aussi occupée. Ses pieds la lançaient douloureusement, et son dos aurait bien eu besoin d'un petit massage... Elle se leva, fit craquer ses doigts et soupira d'aise, puis, s'avança vers la porte lorsqu'elle tomba nez à nez avec le torse débraillé de Thomas.
- M-Monsieur Shelby ! ... Excusez-moi, je ne vous avais pas entendu arriver ! bredouilla-t-elle, rouge pivoine face à cette proximité soudaine et la tenue peu orthodoxe de son patron.
Comme toujours, il portait une élégante tenue composée d'un costume trois pièces de couleur anthracite, qui soulignait sa silhouette souple et élancée. Il avait dû défaire les premiers boutons de sa chemise et de son veston, probablement en route pour prendre une douche brûlante dans ses appartements. Une casquette de laine fine était encore vissée sur son crâne, propageant une ombre légère au-dessus de ses yeux bleus brillants. Soudain étourdie par leur profonde beauté et cette situation, Hannah tenta de se ressaisir :
- Je... vraiment désolée, Monsieur Shelby.
- Il n'y a aucun problème, Hannah... répondit-il d'une voix éraillée, qui laissait sous-entendre que pour lui aussi, la journée avait été longue.
- Je... Comment allez-vous ? se risqua la jeune femme, reculant d'un pas, tentant de s'éloigner quelque peu du corps outrageusement dénudé de l'homme d'affaires.
- Mh, bien... bien. On peut dire ça... murmura-t-il, les yeux perdus dans le vague.
Il semblait plongé dans une réflexion profonde, comme troublé. Préoccupé. Puis, semblant se souvenir qu'elle était toujours plantée devant lui, il enchaîna :
- Et vous, comment allez-vous, ma belle ?
- Tout va bien, Monsieur... répondit Hannah, perturbée, qui passa d'une teinte rosée à un rouge définitif face à ce nouveau surnom.
- Je tiens à ce que vous soyez logée au mieux. répliqua-t-il. Puis, s'appuyant soudain contre la rambarde de la fenêtre, il murmura près de son visage :
- Je peux par exemple vous faire livrer des vêtements, vous êtes arrivée avec si peu... dit-il dans un souffle.
Réduisant de nouveau l'écart entre leurs deux corps, dans une position qui révélait encore un peu plus sa musculature puissante, Thomas Shelby la subjuguait totalement, et l'air lui sembla manquer.
- Non, je n'ai besoin de rien, je vous remercie... babilla Hannah, au bord de l'implosion. Ne vous en faites pas, je me contente de peu. Pour tout vous dire, je n'ai jamais vécu dans endroit aussi prestigieux... et mes effets personnels me conviennent tout à fait, argumenta la jeune femme de chambre de façon un peu maladroite.
Face à cette réponse et à la timidité évidente de son interlocutrice, l'homme marqua un instant de silence. Son regard braqué sur le visage d'Hannah, ses lèvres à demi entrouvertes, il semblait sur le point de lui intimer quelque chose, quelque chose d'important. Après une hésitation, une expression mélancolique passa alors sur son visage, à mi-chemin entre l'absence et une nostalgie latente sur ses traits francs et durs.
- Je vois. Surtout, n'hésitez pas à venir toquer à ma porte, si vous avez besoin de quoi que ce soit...
Il se pencha alors tout à fait au-dessus d'elle, la dominant de toute sa hauteur. Le temps, suspendu, se chargea d'une lourde atmosphère. Son souffle, niché au creux de son oreille, finit par lâcher :
- Et même si vous n'avez besoin de rien.
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Black Stallion || PEAKY BLINDERS
FanfictionIls n'étaient pas faits pour se rencontrer. Angleterre, début des années 1920. Hannah Sullivan est une jeune fille issue d'une famille très pauvre. Intelligente, solaire et douée de ses mains, elle aime plus que tout sa vie simple et sans fioriture...