Chapitre 13

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Natan

- Coucou frérot ! Ça fait longtemps, tu m'as manqué.

Je ne savais pas ce qui me donnait le plus envie de vomir, qu'il soit sincère ou qu'il mente avec autant d'adresse. Je fermai les yeux.

Le fait de le voir était une torture en elle même. Mais son image était gravé dans ma mémoire ; elle hantait mon esprit autant que mon cœur depuis trop longtemps. Ses cheveux aussi sombres que les mieux et la même peau pâle, les même traits du visage, quoique plus durs et plus marqués... Nous nous ressemblons beaucoup. Trop à mon goût, j'aurais préféré ne pas le connaître. C'était dans un sens débile mais je me sentais responsable des horreurs qu'il avait commises, comme si c'était moi qui avait créé de nouveaux GD8. Comme si c'était moi qui avait tué Maman. Cette personne, je l'avais aimée, je l'avais admirée. J'avais espéré lui ressembler. Je le regrettais. Avait-il été sincère toutes les fois où il m'avait ébourrifé les cheveux en rigolant ou avait-il eut envie de planter une dague dans le dos de maman à chaque fois qu'elle le prenait dans ses bras ? Nous avait-il vraiment aimé, cette question restait en suspend, sans que j'ose me la poser.

Trop de pensées sombres m'envahissaient l'esprit. Je rouvris les paupières. Il fallait que je me concentre. Je ne pouvais pas me laisser distraire. Je me reconnectai avec la réalité, rebranchant les fils. Il s'était rapproché et souriait à pleine dents. Il était trop près, trop souriant, trop sûr de lui. J'étais trop faible, trop attaché, trop soumis.

- J'estime qu'il est temps pour moi de livrer mes machiavéliques motivations et mon plan sordide et pour toi, le temps de me rejoindre donc allons-y, nous n'avons pas de temps à perdre. Oh t'as vu ? Trois fois le mot temps ! Oh non ! Même quatre maintenant !

Il éclata de rire. Mais par Darys, qu'avait-il fumé ? Il n'allait pas bien du tout ! Il n'avait pas pu prévoir un plan pareil, il était beaucoup trop timbré. Ou il me manipulait, encore. Je ne pus m'empêcher de me demander ce qui avait bien pu se passer durant ces trois ans pour qu'il ressorte comme cela avant de me baffer mentalement. Je n'avais pas à m'inquiéter, à m'intéresser à lui. Il ne le méritait pas. Alors pourquoi mon cœur me faisait mal ?

- Hahaha !!!! Tu aurais du voir ta tête ! C'était hilarant !

Encore une fois j'hésitai. Qu'est-ce qui faisait le plus peur ? Qu'il est fait une blague ou qu'il soit fou ? Et encore une fois j'eus peur pour lui, contre mon gré. Car le pire était là. Je ne l'avait pas aimé. Je l'aimais. Et ce sentiment que j'avais voulu oublié, détruire était maintenant plus fort que jamais. Je me rappelais de toutes nos bêtises, de toutes les fois où il m'avait protégé devant Papa et Maman. Avait-il les mêmes souvenirs ?

- Revenons au sujet principal. On va joué à un jeu.

Super ! Il allait sortir le Monopoly ou le Uno ? Comme les partis que nous nous faisions tous les deux dans sa chambre. 

- Réponds par oui ou non.

Ah... Le contraire du ni oui ni non. Original.

- Tu sais comment le Clan gagne de l'argent ?

- Oui, on l'apprend à la naissance quasiment. Toi aussi tu es passé par là.

- La règle c'est oui ou non. On reprend. Tu crois vraiment à cette histoire d'immobilier ?

- Oui.

- C'est faux.

- Non.

- C'était pas une question, hurla-t-il.

Je sursautai. Il sourit. Psychopathe.

- Il est donc temps que je joue à la maîtresse. Nous sommes des assassins. Certes les meilleurs du monde, mais des assassins tout de même.

S'il pensait me surprendre, c'était raté. Oui j'étais au courant. Maman me l'avait dit pendant une de ses périodes de délire après le départ de mon père. Après le sien. J'étais jeune et n'avais pas compris mais c'était resté profondément ancré dans ma mémoire. Cela ne me gênait pas. J'avais cherché le nom de toutes les personnes que l'ont avait assassiné et franchement, je ne regrettais pas leur mort. Chaque vie a une fin, et certaines méritent de se finir un peu plus tôt. C'était juste une peine de mort arbitraire en somme. Certes ce n'était pas à nous de le faire mais que cela changeait-il ? J'allais lui faire croire qu'il avait gagné. Il devait se sentir puissant. Sa faiblesse, si elle n'avait pas changée, était son ego. 

- Tu mens !

Il éclata de rire.

- Tu crois ? Bah non. Maintenant reprenons. Si les GD8 ont disparu...

Il leva les yeux au ciel sous mon regard accusateur et se reprit.

- D'accord. Si mes GD8 disparaissent, à quoi servons-nous ? Tu penses que les Dieux nous ont pas retiré nos pouvoir car on en avait encore besoin ? Moi je pense juste qu'ils nous ont oubliés. Après tout nous ne sommes que leurs jouets, ils font de nous ce qu'ils veulent. Donc j'ai décidé de tous nous tuer. Nous ne servons plus à rien et faisons la justice nous même comme si nous étions des êtres supérieurs. Seuls les Dieux sont supérieurs et ils nous ont oubliés, trop occupés à s'amuser. Car qu'apportons-nous au monde ?

Certes nous n'apportions rien, mais j'estimai que nous avions le droit de vivre, comme tout être humain. Nous avons le droit d'exister si les personnes normales l'ont. Qu'apportaient-elles, elles ? Car nous sommes des personnes normales. Être normal signifie accordé à la norme, mais qu'elle est-elle aujourd'hui ? Si avant avoir une navette était étrange, maintenant tout le monde en possède une. La norme évolue et je pense que nous faisons juste partis de ce changement.

- Mais nous avons le droit de vivre non ? des sanglots s'entendant dans ma voix.

J'avais toujours été bon acteur. Il ne se douta de rien. 

- Nous tuons que des criminels, mais en les tuant, n'en devenons pas un ? Je me suis longtemps posé la question et aujourd'hui j'ai trouvé la réponse. Nous n'avons pas le droit de vie et de mort sur personne, qu'importe ce qu'il fait. Nous n'avons pas le droit de lui voler sa vie. Qui te dit qu'il ne va pas changer ?

Oui mais plus de la moitié des Invocateurs n'avaient jamais tué. Voulait-il les condamner aussi ? La vie n'est ni noire ni blanche. Elle est remplie de milliers de couleurs. Nous étions pareils au fond, plein de sentiments tourbillonnaient en nous. Ils existent, comme chez les êtres humains normaux, des Invocateurs gentils et d'autres méchants. Si nous n'avions pas le droit de tuer, quel était le sien pour exterminer toute une population ? Mais lui aussi je n'arrivai pas à le voir noir.

Je baissai la tête. Encore. Soumis. Je serrai les dents. Je détestais ça mais il fallait mettre mon ego de côté si je voulais survivre.

- Je te laisse cogiter.

Il avait de l'espoir. Je n'allais pas du tout réfléchir. Si il voulait faire une crise existentiel, qu'il la fasse tout seul mais qu'il n'emporte pas tout mon Clan dans son histoire. Je n'arrivai pas à oublier le fait qu'il soit mon frère mais je ne l'aiderai pas non plus. J'allais plutôt essayer de sortir d'ici. Rapidement si possible.

Mais j'eus beau me battre pour garder les yeux ouverts, le sommeil m'emporta. Ne disons nous pas que la nuit porte conseil ?

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Peut importe ce qu'il fait ou ferra, je me suis rendue compte que je ne pourrais détester mon frère et ma sœur...

C'est beau l'amour fraternel !

Bonne journée ou nuit !

Invocation [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant