1. Will

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Livide.

C'est l'adjectif qui convenait le mieux à décrire mon visage à cet instant précis, où je faisais chaque seconde un pas de plus vers l'endroit qui ne serait à mes yeux rien d'autre qu'un éternel purgatoire, dans lequel je ne pourrais que pourrir en attendant de pouvoir en sortir.

Mais nul besoin de se voiler la face, une fois sorti de ces longues années d'enfer physique, l'enfer psychologique lui, ne m'aura pas quitté, je serais simplement brisé, de l'intérieur comme de l'extérieur, et nul doute que je ne serais aux yeux du monde plus qu'un cadavre peinant à tenir sur ses deux jambes, dénué d'avenir, de rêve, ou même de volonté.

Pourquoi j'avançais ? Quel était cet endroit que je nommais ainsi enfer et purgatoire ? Ah... Je n'avançais pas parce que je le voulais, c'en était sûr, tout ce que je faisais depuis cet interminable procès qui fut le mien n'était qu'à contrecœur.

À l'instant présent, je ne faisais que suivre cet homme, dont je pouvais déceler la panique et l'effroi à mon égard. Il avait peur, peur de moi, lui aussi, il me voyait comme un monstre. De toute façon, à quoi pouvais-je m'attendre ? Quelqu'un comme moi ne pourra plus recevoir que des regards emplis de haine ou de peur pour le restant de mes jours, c'est certain.

Oui, un monstre. En y repensant, c'est ce que j'étais, non ?

Cet homme, dont les longs cheveux blonds aux nuances polaires retombaient sur sa nuque, se retournait à maintes reprises, vérifiant que je ne tentais rien qui pourrait attenter à la vie de sa petite personne horrifiée. Dès qu'il croisait mon regard, plus froid que la neige en hiver, je dois le dire, il accélérait le pas, me traînant presque vers cet endroit vers lequel j'étais si réticent d'aller.

Ces menottes... leur métal glacé se frottait à mes poignets au rythme de l'autre peureux, causant des éraflures sur la peau à découvert déjà bourrées de cicatrices...

Mais j'ai vu pire, n'est-ce pas ?

À force d'avancer, le chemin me paraissant de plus en plus interminable alors que pourtant cela faisait déjà longtemps qu'on apercevait cet horrible établissement au loin, je vis enfin le portail en acier qui, lorsque je l'aurais passé, sonnerait la fin de ma vie d'avant.

- C'est ici.

Les mots du blond ne me firent aucun effet, je m'y étais préparé, bien que lorsque j'ai commis cet acte je n'en ai pas réalisé les conséquences, maintenant je sais. Les lourdes chaînes de fer cadenassées et les hauts remparts aux grillages électrifiés me surprirent, ils faisaient plusieurs mètres de haut, une fuite serait impossible dans ces conditions, bien que je ne comptais pas essayer. Un endroit aussi surveillé...

Je suis vraiment si dangereux aux yeux du monde pour qu'il faille en arriver là ?

L'homme ouvrit le portail, me jeta presque à l'intérieur et le referma immédiatement, me disant d'avancer, alors que je remarquais un autre membre du personnel s'avancer vers moi.

Je ne me souviens plus du visage de celui-ci, il était juste plutôt grand et brun, c'est la seule image de lui qu'il me reste. Il était plus doux que celui d'avant à mes yeux, mais c'est sûrement car son air impassible ne transparaissait aucune haine ou peur à mon égard, ce qui me rassura quelque peu. Je le suivis donc avec moins de réticence qu'avec son collègue. Mon nouveau guide me conduisit jusqu'à un bureau, où mon bien-aimé grand frère était installé. Celui-ci me lança un regard des plus noirs qui me transperça, la haine se reflétait dans ses yeux et ne manqua pas de me blesser encore plus que je ne l'étais déjà. Il lui faudra du temps oui...pour comprendre à quel point je regrette ce que j'ai fait.

Le brun me fit prendre place aux côtés de mon frère, qui continua de me scier de son regard tranchant, afin de lui faire signer quelques paperasses qui stipulaient que j'étais maintenant à la charge de l'établissement.

Mon père ne s'est même pas déplacé en personne et a préféré envoyer mon frère...

Je représente vraiment si peu à ses yeux ?

Une fois l'interminable paperasse signée, qui m'aurait donné mal au poignet si j'avais été à la place de mon frère, nous avons enfin pu sortir du bureau. Enfin "nous", seulement mon frère, à vrai dire. Moi je fus contraint de rester encore un peu, mais avant de partir définitivement, mon frère se retourna et murmura...

"Au revoir, petit frère..."

Ces mots firent craquer les dernières cordes qui retenaient mon cœur d'exploser. Je ne le reverrai peut-être plus jamais, ou du moins pas avant très longtemps, le trou béant dans mon cœur ne fit que s'élargir un peu plus. Un sentiment de regret intense de n'avoir échangé aucun mot avec lui me parcourut, emplissant mes yeux éteints de tristesse.

Mon regard se figea sur le sol, et le vide revint se teindre dans mes iris d'ébène, jusqu'à ce que la voix grave de l'homme qui m'avait conduit dans cette pièce me fasse relever la tête.

Il me fit comprendre que ma visite dans ce purgatoire commençait à présent.

La visite fut longue, il commença par m'emmener à l'extérieur du bâtiment, dans une cour située à l'arrière de l'établissement, tout était couvert de sable, les quelques carrés d'herbe étant totalement piétinés. Cette vue me rappela mes années de primaires, mais aucun sourire de nostalgie ne réussit à apparaître sur mon visage. Le grand brun me montra une multitude de pièces, toutes plus froides les unes que les autres, les couloirs vides et la teinte blanc d'argent qui recouvrait l'intérieur me fit penser à un hôpital, ce qui me mis dans une situation inconfortable. Plus j'avançais et plus des images m'horrifiant ressurgirent dans mon esprit, de douloureux souvenirs beaucoup trop récents à mon goût.

Il finit par me montrer les dortoirs, où je passerais le plus clair de mon temps, sans aucun doute. C'est en m'expliquant les règles à ne pas enfreindre et en me remettant une carte électronique que je devrais toujours avoir sur moi qu'il me quitta sans l'once d'une émotion.

Il est comme moi ?

Mais il se retourna à ma grande surprise, et je pu apercevoir de la peine au fond de ses yeux lorsqu'il croisa mon regard, la plus grande des empathies faisant vaciller ses pupilles. Je pus lire sur ses lèvres :

"Courage, je crois en toi"

Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai réalisé qu'il deviendrait une des personnes les plus chères à mes yeux.

Orion [HyunLix] ☑ (2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant