2

8.5K 84 3
                                    


- À ce soir, Bastet. Pas de bêtises !

Un bref signe de la main à minette, et me voilà partie. Je suis fatiguée ce matin... Il faut dire que j'ai passé une nuit agitée. Rêver que les frères d'Alice sont une bande de gamins insupportables n'était pas très plaisant. Je baille à m'en décrocher la mâchoire et rejoint ma voiture pour aller jusqu'à l'Université.

Lorsque j'arrive, Alice est déjà là. Elle me fait des signes depuis le parking et s'éloigne de son chauffeur pour venir me voir. Contrairement à moi, elle semble en pleine forme ! Je quitte ma voiture et la salue chaudement.

- Salut, toi ! Tu m'as l'air en forme c'matin.
- Coucou ! Oui, je suis trop contente de savoir que tu viens chez moi.
- À ce point ?

Elle baisse un peu les yeux et rougit.

- Tu es la première amie que j'invite.

Ça alors, je n'arrive pas à le croire ! À 20 ans, je suis la seule amie qu'Alice n'ait jamais invitée ? Comment est-ce possible ? Bon, elle est timide, certes, mais pas méchante pour un sou.

- Et tu n'as jamais invité de petit ami ?

Elle écarquille les yeux et me regarde comme si je venais de dire quelque chose de complètement insensé.

- Hein ?! T'es folle ou quoi... Jamais de la vie !
- Sérieux ? Et tes mecs tu faisais comment pour les voir ?
- ...J-je n'ai pas... je n'ai jamais...
- T'AS JAMAIS EU DE MEC ?!
- Ça va ! Pas la peine de le dire aussi fort...!

Je la regarde, bouche-bée. Elle fuit mon regard et affiche une petite moue boudeuse. Il faut dire que j'ai hurlé ça dans tout le parking. Moi et la discrétion... Je m'excuse et nous nous dirigeons vers le bâtiment. Je ne peux m'empêcher de renchérir.

- C'est fou. T'es canon pourtant !
- Arrête de dire n'importe quoi.
- Mais siiii j'te jure !

Comme d'habitude, Alice rougit et j'en profite pour la regarder avec attention. Je suis loin de balancer des âneries. C'est un adorable petit bout de femme. Elle doit mesurer environ 1m60 pour une cinquantaine de kilos, je dirai. Ses jolies boucles brunes en font jalouser plus d'une et ses prunelles d'un bleu céruléen m'ont toujours fascinée. Quoi qu'elle dise, Alice est une belle jeune femme. Elle s'habille toujours avec classe et porte constamment des jupes qui mettent en valeur ses jambes galbées. On ne vient clairement pas du même monde !

Arrivé dans notre salle de classe, mon amie presse le bouton "OFF" de la sociabilité et se concentre sur le cours. Je ne sais pas comment elle fait pour tout suivre sans ne jamais fatiguer. Et dire que je vais devoir faire pareille... Je baille à nouveau et tente, à mon rythme, de suivre le cours.

La journée défile assez rapidement, pour mon plus grand plaisir ! Le soleil joue à cache-cache avec les nuages lorsqu'Alice et moi arrivons sur le parking. Je m'apprête à rejoindre ma voiture lorsqu'elle m'attrape par le bras.

- Attends ! Edouard va nous accompagner.
- C'est qui Edouard ?
- Mon chauffeur, andouille !
- Hein ?! Mais tu veux que je vienne chez toi maintenant ?
- Oui, allez viens !
- Mais...Et ma voiture ?
- On te redépose ici après !

Prise de court, je continue de protester mais Alice m'entraîne dans sa voiture. Nous moutons toutes les deux à l'arrière et son chauffeur nous adresse un sourire aimable.

- Bonjour Mademoiselle Ndongo. Vous avez passé une bonne journée ?

Merde ! D'où il connait mon nom de famille ? Embarrassée, je déglutis et lui réponds d'une voix hésitante.

- Euh... oui.

J'interroge Alice mais elle m'a l'air complètement perchée. Elle est tellement excitée qu'elle ne fait même plus attention à ce que je dis. Super. Résignée, j'abandonne et me concentre sur la route pour tenter de la mémoriser quand il me faudra y aller.

Edouard ne dit pas un mot de tout le trajet. Il jette quelques coups d'oeil à l'arrière depuis son rétroviseur mais c'est tout. Nous roulons pendant une vingtaine de minutes avant de tourner dans une route de campagne. Alice vit vraiment à l'extérieur de la ville ! Nous nous approchons d'une zone particulièrement boisée jusqu'à passer un grand portail et atterrir dans une immense cours. Je jette un oeil par la fenêtre et manque d'avaler de travers en voyant le manoir qui se dresse devant moi.

- Attends, Alice, tu m'avais dit que ta maison était comme les autres !!

Elle me regarde innocemment puis hausse les épaules comme si de rien était. J'y crois pas ! Elle croit que tout le monde vit dans un manoir ?! Je sens mes muscles se tendre et mon cœur s'emballer dans ma poitrine. Je n'ai plus du tout envie de sortir ! Et si ses parents sont des gros coincés du cul ? Pire que ça, si ils étaient racistes...? Ça y'est, j'ai une boule au ventre.

Edouard quitte son siège et vient nous ouvrir la portière à tour de rôle. Putain mais dans quoi je me suis fourrée... Je quitte la voiture à contrecœur et me rapproche de mon amie qui commence déjà à marcher en direction de l'entrée.

- Dis donc, Alice.
- Oui ?
- Tes parents ils savent que... enfin... tu leur as dit que j'étais noire ?

Elle semble surprise par ma question. Pourtant, à mes yeux, ça n'a rien de surprenant. Même à notre époque, le racisme est toujours présent.

- T'es pas noire, t'es métisse.
- Roh, c'est pareil !
- Non, je ne leur ai pas dit.
- QUOI ?!
- T'inquiète pas, ça va bien se passer !

C'est une BLAGUE ? Je fais mine de faire demi-tour mais Alice me retient à nouveau par le bras. Elle glousse et ouvre la porte tandis que je ferme les yeux pour ne pas avoir à affronter tous les regards qui se poseront sur moi. J'ai envie de disparaître !

La famille MontfortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant