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Mon amie lève les yeux de son bouquin et m'observe quelques instants. Je devine qu'elle m'analyse, elle sait pertinemment que quelque chose ne va pas. Malgré sa timidité et son côté réservé, Alice sait lire en moi comme dans un livre ouvert. Parfois ça me fait du bien... Et d'autres fois, ça m'irrite au plus au point. Fatalement, elle ne tarde pas à demander :

- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- C'est cette conne de Justine... Je la croise beaucoup trop à mon goût ces temps-ci.

Alice m'offre un sourire compatissant et détourne les yeux pour regarder ladite responsable. Le fait qu'elle se pavane devant le nouveau l'irrite aussi, j'en suis sûre, mais son expression reste parfaitement neutre. Contrairement à moi, elle sait très bien dissimuler ses émotions. Enfin, sauf récemment, bien sûr, où j'ai eu la chance de découvrir une jeune fille intimidée et gênée face à notre nouveau camarade de classe.

- Je ne serai pas là ce soir, mais mes parents m'ont dit qu'ils t'attendraient pour 18 heures. reprend-elle.

Mon sang ne fait qu'un tour face à cette nouvelle. L'idée de me retrouver sans Alice dans cette grande maison m'angoisse. Et si Charles était là ? S'il recommençait à me tourmenter ?

- Où est-ce que tu vas ?
- À mon cours de chant. Je ne rentre pas avant 21 heures.

21 HEURES ?! Mais comment je vais faire ?! Ma respiration s'accélère tandis que j'essaie tant bien que mal de garder mon calme. Redescend, Noa ! Redescend. Tu as besoin de ce taff et ce n'est pas l'autre malade mental qui va t'arrêter. Tu vas l'ignorer et touuut ira bien. Oui, tout ira bien. J'expire un bon coup puis regarde l'heure sur mon téléphone. 17h30. Bordel mais il faut que j'y aille !

- Alice, il est 17h30 !
- Ah bon, dit-elle en regardant l'heure à son tour. Ah oui, tu devrais y aller !

Je peste entre mes dents, remballe toutes mes affaires et quitte la bibliothèque à toute vitesse. Quand j'arrive sur le parking, à bout de souffle, je m'engouffre dans ma voiture pour me rendre jusqu'à mon lieu de rendez-vous. Hé mais... C'est par où, déjà ? Putain ! J'envoie un message de détresse à Alice qui, par chance, me réponds dans la seconde et m'envoie son adresse. J'active mon GPS et file à vive allure pour tenter d'arriver à l'heure. Que vont penser Jean-François et Catherine si je me pointe en retard ?!

Après une course digne d'un film Hollywoodien, je me gare dans la cour à 17h55. Je sors comme une furie et manque de trébucher dans les graviers qui jonchent le sol. Je me maudis intérieurement pour ma maladresse et m'approche de l'immense porte en bois pour toquer timidement. Finalement, la Maîtresse des lieux m'accueille avec un large sourire.

- Noa ! On t'attendait. Entre, entre.

Je pénètre dans le manoir et arrondis les yeux en découvrant la tenue de soirée que porte mon hôte. Elle dégage une telle prestance que j'en ai le souffle coupé. Le collier de perles nacrées qu'elle porte autour de son cou gracieux attire mes yeux autant que l'or attire les brigands. Ce bijou doit avoisiner les 4 chiffres, si ce n'est plus... Elle ne met pas bien longtemps à constater que je bloque sur son collier et demande, amusée.

- Il te plaît ?
- Oh, euh.... Ou-oui. C'est très jolie...
- Merci. Il appartenait à ma grand-mère.

Je lève les yeux vers elle lorsque Jean-François fait son apparition. Il porte un costume noir charbon qui lui sied à merveille et une montre qui, elle aussi, semble coûter un bras. Leur accoutrement respire le luxe... D'ordinaire, j'aurais éprouvé du mépris à l'égard de bourgeois dans leur genre, mais ils ont été tellement gentils avec moi que je n'arrive qu'à les admirer.

- Bonsoir Noa, tu vas bien ?
- Oui, monsieur. Et... vous ?
- Je me porte comme un charme, merci ! Chérie, je t'attends dans la voiture.

Catherine hoche la tête et m'embarque avec elle pour m'expliquer en quoi consisteront mes tâches. Nettoyage, repassage, lessive... Rien d'extraordinaire. Elle me montre les pièces qu'elle aimerait que j'entretienne tout particulièrement et s'arrête dans la cuisine.

- Rien ne t'y oblige mais si le cœur t'en dis, n'hésite pas à cuisiner. Je sais que mes enfants prendront un malin plaisir à se jeter sur les pizzas et les hamburgers... et je n'approuve pas ce genre de régime alimentaire.

Je souris et observe l'énorme gazinière ainsi que les deux fours présents dans la pièce. Vu la taille de la cuisine, j'ai largement de quoi faire...

- J'adore cuisiner ! Ce sera avec plaisir !

Elle me rend mon sourire et me regarde chaleureusement.

- Parfait. Sache que tu es libre de rester ici autant de temps que tu le souhaites. J'ai laissé mon numéro sur le frigo, n'hésite pas à me contacter en cas de besoin !

Je hoche la tête tandis qu'elle jette un œil sur l'horloge accrochée au mur.

- Il faut que j'y aille ! Ça va aller, Noa ?
- Oui, oui ! Allez-y !

Catherine traverse la cuisine et disparaît après m'avoir dit au revoir. Quand la porte se referme derrière elle, je soupire un bon coup. Bon... Et bien il ne me reste plus qu'à me mettre au travail maintenant. Je me dirige vers le salon en me demandant par quoi je vais commencer. À l'intérieur, j'observe les alentours quand, soudain, une feuille de papier posée sur la table basse attire mon attention. Curieuse, j'y jette un oeil et y découvre une facture à la note particulièrement salée. Peugeot 404 cabriolet... Au nom de Charles-Henri de Montfort. Sans déconner... Charles-Henri ? Mais qui s'appelle comme ça à notre époque ? J'attrape le bout de papier lorsqu'une porte s'ouvre et me fait sursauter. Je manque de m'étrangler en constatant qu'il s'agit de la dernière personne que j'avais envie de voir dans cette maison. Seigneur, tout mais pas lui !!! Il me toise sans un mot et je brise le silence qui s'est installé pour tenter de vaincre mon malaise.

- Eum... On dirait que vous avez eu de gros soucis avec votre voiture, haha...
- Ça alors, elle sait lire. Qui l'eût cru ?

Mes yeux s'écarquillent de surprise et mon cœur s'emballe à tout rompre dans ma poitrine. Mais... Il est sérieux, là ?! Ce n'est pas possible, c'est une mauvaise blague !! J'ouvre la bouche pour répondre mais il me coupe la parole et renchérit.

- Ouvre grand tes oreilles, petite sotte. Je n'approuve pas ta présence ici. Tu as beau être l'amie d'Alice, à mes yeux, tu n'es qu'une moins que rien. Je sais que ce n'est pas facile pour toi mais tâche de faire ton travail correctement, d'accord ?

Je blêmis face à ses paroles, trop abasourdie pour oser lui répondre. Je n'arrive pas à savoir s'il est misogyne ou raciste... Peut-être les deux ? Devant mon absence de réponse, il ajoute.

- Tu comprends ce que je dis ou je dois l'expliquer plus simplement ?

Non mais pincez-moi, je nage en plein cauchemar !!!

(Et voilà la suite pour celles qui l'ont réclamée ! J'espère qu'elle est à la hauteur de vos attentes ! N'hésitez pas à me le faire savoir en commentaire :D)

La famille MontfortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant