Une fenêtre s'ouvre au premier étage et je la vois rabattre ses volets. Elle ne me voit pas, tant mieux. Je reçois un appel. C'est ma barmaid préférée qui me demande où j'en suis. Je lui raconte que je poireaute depuis quelques heures et je suis frigorifiée. Elle rit cette andouille ! En affirmant que je suis complètement mordue de cette nana. Ça l'enchante... Tu parles je préférerai être dans mon lit à roupiller. Elle se relance dans un petit discours moraliste que j'écoute à peine.
- Elle doit être chez ses parents en fait, je ne comprends pas pourquoi elle t'a donné leur adresse.
- Espèce de courge fendue, derrière il y a son numéro de téléphone.
- Oh putain quelle conne...
- Ahahah mordue, tu sais même plus où tu habites.
- Ta gueule.
- Moi aussi je t'aime, je te rappelle dans la soirée, Sylvie me demande.
- Sylvie ? ...
Elle a raccroché sans entendre ma question.
J'hésite à appeler. Elle risque de m'envoyer sur les roses. Je statue qu'il est temps de bouger en tout cas. Je ne vais pas squatter éternellement ce pauvre vélo. Je pars en direction de la place des Terreaux en composant le numéro indiqué. Je ne sais pas combien de fois ça a sonné mais le temps me parait long. Elle ne répond pas pourtant elle est réveillée. Je me lance une seconde et dernière fois.
- Allô, excusez-moi mon portable n'était pas à portée de main.
Je ne sais pas quoi dire, j'aime entendre sa voix.
- Hum, il y a quelqu'un ? Vous êtes qui ?
Je prends une longue inspiration mais non rien ne sort et je raccroche. Mon mobile vibre, c'est elle... si je ne décroche pas elle tombera sur le répondeur et... Roh je prends l'appel mais sans rien dire.
- Parle ! Qui t'a donné mon numéro ?!
Elle est tendue mais déterminée.
- Excuse-moi Salma, je vais éviter de te déranger.
- Ah c'est toi... Tu n'es plus en bas ? Dit-elle d'un ton amusé.
- Quoi ? Comment ?
- J'ai des yeux et je sais m'en servir, puis ce n'est pas tous les jours que quelqu'un campe sur un cheval rouge et gris.
Je sens mes joues s'empourprer et me déteste intérieurement.
- Bref, je ne te retiens pas.
- Oui j'ai compris, dis-je dépitée. Merci et désolé.
- Si tu veux tu peux venir, 4590. J'ai hâte de voir ton choix.
Et le bip retentit. Elle cherche quoi là ? Elle me jette et me propose de revenir. Sans doute par vengeance. Je suis tiraillée. Le vibreur m'indique que j'ai un sms « Il te reste 2 min avant que la proposition n'expire ». Je rêve, je rebrousse chemin. Si je continue à marcher je n'y serais jamais à temps et je me mets à courir. Je suis dans l'allée, vzzz vzzz « tu devrais te souvenir de l'étage... », non, là c'est assez confus... premier ou second ? Pas d'ascenseur de toutes façons « 20sec ». Et merde c'est bon Salma je fais ce que je peux. Je décide de sonner à la porte de droite par logique. Je suis un peu essoufflée. Un homme m'ouvre :
- Bonjour, c'est ?
Je me sens gênée, je ne sais pas si je suis au bon endroit en plus. Machinalement ma main gratte ma tête et je vais pour demander à voir Salma quand elle s'impose :
- Laisse papa c'est pour moi.
Il la regarde suspicieux et elle l'embrasse sur le front en guise d'apaisement. Je l'observe et la trouve particulièrement belle. Elle ne porte rien d'exquis qui la mette en valeur mais ça me suffit pour qu'une douce chaleur se diffuse en moi. Elle me fait un signe de main.
- Tu m'écoutes ?
- Bien sûr !
- Tu as dépassé le temps de huit secondes.
Elle secoue, sous mes yeux, son BlackBerry en mode chrono avec un petit air qui se veut sévère.
- Ah ? Et je fais quoi alors ?
- Tu m'invites à manger.
- Quoi ?
- Tu as bien compris, on pourra parler un peu comme ça.
Elle attrape son long manteau puis me pousse en fermant la porte et saluant son père pour signifier qu'elle s'absentait. Elle me prend par le bras et on redescend l'escalier. Elle me lâche et me scrute.
- Tu crois au coup de foudre ?