Chapitre neuf

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Encore un nouveau jour d'école, une nouvelle journée grise d'hiver. Je suis assis dans le bus, juste à côté d'un radiateur. Il ne chauffe pas beaucoup mais c'est déjà ça. J'appuie ma tête contre la vitre froide et écoute le bruit des gouttes qui frappent le carreau. J'aime bien quand ma tête rebondit. Le bus s'arrête dans un crissement de freins. Je ne veux pas descendre mais je n'ai pas le choix. Je me fonds dans la masse d'élèves tout en asseyant de retrouver Ange. Je l'aperçois un peu plus loin, adossée contre un mur en train de lire.

- Salut !

Elle lève les yeux de son livre et y glisse un marque-page. Elle a beau sourire, je vois qu'elle ne va pas bien. Ses yeux sont éteints, elle n'a pas dormi. Je jette un coup d'œil à l'horloge accrochée au mur de l'école.

Je commence à marcher pour me rapprocher de l'entrée de l'école avant que ça sonne. Ange me suit tout en serrant son livre contre elle. Une fois près de l'entrée, je n'aperçois nulle part Killian et sa bande ce qui me rassure un peu. Ange, elle, semble terrorisée et jette des regards alarmés à un groupe de filles qui se rapproche de nous. Je connais ces filles. Ce sont les « populaires ». Elles passent leur temps à se maquiller pour paraître plus jolies, ce qui les rend en réalité laides à faire peur. Elles jettent toutes des regards venimeux à Ange, qui donne l'impression de vouloir rentrer sous terre. Je ne comprends pas de quoi elle a peur. Je l'ai vue faire une clé de bras à Killian qui était armé, alors que ces filles ne savent même pas se battre. Le groupe de filles avance vers Ange, m'ignorant complètement et l'une d'entre elle appuie son index sous le menton cible pour qu'elle lève la tête.

- Ohé, Angette ! Tu vas bien ? demande-t-elle d'une voix aigüe et lente en souriant comme si elle s'adressait à une petite fille qui n'était pas capable de réfléchir. Toujours aussi moche à ce que je vois. Je suis sûre que même avec un meilleur style vestimentaire ça ne changerait rien.

Elle arrache le livre des mains d'Ange avant de le jeter brusquement par terre en couinant.

- Haaa ! J'ai été contaminé par la mocheté ! Au secours !

Elle rigole, aussitôt imitée par ses amies.

Je ne vois pas ce qui retient Ange de donner un bon coup de poing dans la figure de cette peste, jusqu'au moment où l'une de ses acolytes dit :

- Bah vas-y, je sens que tu meurs d'envie de nous frapper. Ne te gênes pas surtout, ça ne fera qu'une anecdote de plus à raconter au directeur.

Je sens que mon amie va éclater en sanglots. Je comprends. Elle sait se battre, ce qui est utile pour se protéger de Killian et de sa bande mais elle ne sait pas se défendre verbalement. C'est plutôt mon rayon à moi, ça. Alors je m'écrie malgré la peur d'être au centre de l'attention.

- Non mais, qui a déposé un sac poubelle en plein milieu de la cour ?! Fier de ma voix assurée, je pointe du doigt la jeune fille qui semble diriger le groupe. Tous les regards se tournent vers moi. Je continue. Non mais vraiment, on accepte n'importe qui dans cette école !

La jeune fille, ne sachant plus où se mettre, me foudroie du regard avant de dire d'une voix menaçante

- Tu vas me le payer Octave !

- Vous entendez ça ?! Le sac poubelle parle ! je ne savais pas qu'il avait assez de cervelle pour ça.

Derrière moi, j'entends les rires des autres élèves mais pour une fois, ce n'est pas de moi qu'on se moque. La petite peste tourne les talons, rouge comme une tomate en pestant à voix basse contre moi, ce qui me fait sourire. Ange ramasse son livre et me regarde bouche bée avant de se reprendre.

- Je crois qu'on est quitte, maintenant.

La journée passe vite. Tout se passe bien jusqu'à la fin des cours. Le professeur me demande :

- Octave, pourrais-tu rester un peu ? Le directeur voudrait te parler.

Pas besoin d'être un génie pour savoir que c'est au sujet de la dispute de ce matin. Je me rends au bureau du directeur.

- Bonjour Octave, nous n'attendions que toi, installe-toi.

Le directeur est assis derrière son bureau. Devant, il y a deux chaises. L'une est occupée par la peste et l'autre est libre.

- Bien Octave. Roxane ici présente m'a dit que tu l'avais frappée. Maintenant que je te vois, j'avoue ne pas trop y croire.

En plus elle invente des crimes que n'ai pas commis !? Je comprends pourquoi Ange avait du mal avec elle.

- Mais je n'ai rien fais monsieur, je ne sais même pas me battre ! J'ai juste vu un déchet dans la cour et j'ai demandé ce qu'il faisait là.

La dénommée Roxane manque de s'étouffer.

- Moi ?! Un déchet ?!

- Je ne parlais pas de toi.

- Roxane, excuse-moi de te dire ça, intervient l'adulte, mais ce n'est pas la première fois que tu viens me voir pour des raisons aussi peu graves qu'une égratignure. Je trouve que tu vois un peu trop le mal partout. Octave, tu peux sortir.

Je quitte la pièce. Mais une fois que j'ai refermé la porte, j'entends Roxane hurler sur le directeur. Je traverse les couloirs déserts avant de sortir dans la cour. Encore cinq minutes avant que mon bus n'arrive. Mais c'est cinq minutes de trop. Killian me voit sortir du bâtiment et me saute dessus.

- Octave, tiens donc ? Je pense que je devrais te faire un œil au beurre noir pour avoir humilié ma petite amie. Et d'ailleurs, pourquoi je te dis ça ? Ta copine vient de prendre son bus. Je me demande ce qui m'empêche de te frapper...

Cette fois, j'en ai tellement marre de me faire marcher sur les pieds que je rétorque :

- Ce sac poubelle est ta petite amie ?! Mon pauvre, je te plains.

J'aurais mieux fait de me taire mais c'est sorti tout seul. C'est bien le genre de phrase que l'on ne peut pas balancer à tout le monde. Je m'abstiens d'ajouter qu'il semblerait que les méchants idiots attirent les méchantes idiotes. Killian me frappe de nouveau sur la tempe et je tombe à genoux. Il me roue de coups de pieds durant quelques minutes qui me semblent être des heures. Je ressens une vive douleur dans mon avant-bras droit qu'il continue de frapper. Il arrête seulement lorsque l'un de ses toutous lui annonce qu'un prof vient de sortir du collège dans notre direction. Killian me lâche et s'enfuie pour ne pas se faire prendre. Je me relève et je cours vers l'arrêt où mon bus vient tout juste d'arriver. J'ai extrêmement mal au bras. J'ai l'impression que l'on me transperce avec des aiguilles. Je serre les dents, mais chaque mouvement du bras augmente la douleur. Je ne tiendrai pas longtemps.


Journal d'un harceléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant