chapitre quatorze

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Cela fait maintenant deux semaines que je ne vais plus à l'école. Je suis extrêmement faible. Je suis encore plus squelettique qu'avant, ce qui inquiète de plus en plus ma grand-mère.

Je sors de mon lit, il est huit heures du matin. J'ai dormi avec un t-shirt trop grand et un short. Je vais boire un verre d'eau puis retourne me coucher. Je ne sais plus quoi faire. J'ai chaud et froid en même temps. Je grelotte et transpire. J'ai l'impression d'étouffer. Ma grand-mère entre dans ma chambre.

- Bonjour Octave, viens manger.

- Je n'ai vraiment pas faim, mamie.

- Ce n'est pas ça la question, tu es maigre comme un clou. Tu m'inquiètes beaucoup, tu sais ?

- Mais je vais bien !

Ma petite voix et mes tremblements me contredisent. Ma grand-mère me regarde avec des yeux tristes et déterminés à la fois.

- Octave, vas manger. C'est un ordre.

Je me lève à contre-cœur. Je n'ai absolument pas faim. Je vais m'assoir dans la salle à manger et je me sers un bol de chocolat chaud. Le liquide est brûlant alors je pose j'entoure ma tasse de mes mains encore froides. J'attends que la boisson refroidisse avant de la siroter. J'ai l'impression d'avoir la gorge en feu.

Je me sens un peu mieux maintenant que j'ai mangé, et pourtant j'ai horriblement mal à la tête. Mes yeux se ferment et se rouvrent tout seuls. Ma grand-mère remarque mon malaise.

- Octave !? Ça va ? Tu es tout pâle ! Et tu as un air étrange...

- Je ne me sens pas bien du tout.

Elle me conduit jusqu'à ma chambre et je m'écroule sur mon lit. Je reste allongé toute la journée. Je me sens vaseux et très faible. J'entends ma grand-mère, elle est au téléphone. Je ne comprends pas ce qu'elle dit. Je ne prends pas la peine d'écouter. Elle revient vers moi quelques minutes plus tard.

- J'ai téléphoné à l'hôpital, on part dans cinq minutes.

- Non, non, je vais bien maintenant !

- Il y a cinq minutes tu disais le contraire. Tu ne vas pas bien du tout, tu le sais aussi bien que moi. Ecoute ton corps.

Je me redresse en grimaçant et m'habille. Je descends les marches, puis je suis ma grand-mère jusqu'à sa voiture, sans dire un mot.

J'ai dû m'endormir durant le trajet. Lorsque j'ouvre les yeux, je me retrouve sur un lit d'hôpital. J'ai une douloureuse sensation dans le bras. Je tourne la tête pour découvrir une aiguille reliée à un tube en plastique, plantée dans mon bras. Je me sens mal. J'ai horreur des aiguilles. Je détourne la tête et cherche ma grand-mère du regard. Je ne la vois nulle part. Une infirmière entre dans la salle. Elle porte une longue blouse blanche et tient un plateau dans ses mains.

- Bonjour, Octave. Je vois que tu es réveillé.

J'essaie de me redresser et de parler, mais j'ai la gorge sèche et dès que je bouge, l'aiguille me fait mal. Heureusement pour moi, l'infirmière comprend. Elle me tend un verre d'eau et m'aide à le boire.

- Sais-tu pourquoi tu es là, Octave ?

Je secoue la tête.

- Non. Je suis malade ?

- Si l'on veut. Tu es en grand manque de nourriture, nous sommes obligés de t'alimenter par piqûres. De cette manière, tu reçois tous les nutriments dont tu as besoin.

Je hoche la tête, même si je n'ai pas vraiment compris à quel point mon état est sérieux.

- Tu dois encore te reposer, continue-t-elle. Te nourrir et te reposer.

Elle quitte la pièce et ma grand-mère entre. Elle se rapproche de moi et me sert très fort la main.

- J'ai des nouvelles pour toi, mon petit.

Je lève les yeux, attentif.

- Des nouvelles d'Ange, continue-t-elle, le visage fermé.

Je sers les dents, me préparant au pire.

- Alors ?

- Elle a été retrouvée sur l'autoroute. Elle est gravement blessée mais elle a des chances de s'en sortir. Elle est à l'hôpital en ce moment précis.

- Cet hôpital !?

- Non, un autre.

Je pleure de soulagement. Ange est vivante, Ange est vivante. C'est trop beau pour être vrai. Je veux une preuve.

- Je pourrais la voir ?

- Dès que tu seras rétabli. Raison de plus pour te tenir tranquille, manger et dormir. Tu as intérêt à être sage si tu veux quitter cet hôpital le plus tôt possible.

- Oui mamie.

- Bien, maintenant tu vas me faire le plaisir de prendre cet en-cas.

Elle me tend un sandwich que je me force à manger. J'aimerais que l'on m'enlève ce fichu tuyau planté dans mon bras. Je ne comprends pas à quoi il sert, si je suis d'accord de m'alimenter, mais je ne dis rien. Ainsi passent les jours à l'hôpital. Je mange, je dors.

On finit par m'enlever l'aiguille et le tuyau. Je me sens en forme. Cela fait maintenant sept jours que je suis soigné ici. J'observe les contours de ma chambre et la pile de livres que ma grand-mère m'a apportés pour passer le temps. Une infirmière entre dans la salle. Celle de la première fois. Elle m'apporte un plateau avec mon repas. Elle m'aide à me redresser et pose le plateau sur mes genoux. J'ai toujours du mal à me débrouiller tout seul avec mon bras dans le plâtre. Je repense à Killian. Je n'ai absolument pas envie de le revoir. Pas plus que Roxane et tous les autres. Je déteste mon école, ma maison. Je préfère encore rester à l'hôpital à vie plutôt que de retourner en classe. Mais pour l'instant, je dois me battre pour guérir. Pour retrouver Ange. Pour Killian, je verrai plus tard. Je lui ferai payer. Roxane aussi. C'est à cause d'eux que je suis là, que Ange a traversé l'autoroute et qu'elle est maintenant blessée. J'ai vraiment eu très peur pour elle.


Voilà, encore un nouveau chapitre. Sachez que Ange a eu beaucoup de chance de s'en sortir. Ce n'est pas le cas d'une bonne partie des personnes harcelées.
poulpy-styx

Journal d'un harceléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant