chapitre douze

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Je ne veux pas y croire. La seule amie que j'ai eue de toute ma vie, morte !? J'ai l'impression qu'une partie de moi refuse de croire que c'est possible. J'essaie de m'y raccrocher. Je n'ai aucune preuve qu'Ange est morte. Elle ne l'est sûrement pas. Je reste un moment figé sur place, en guerre avec moi-même.

J'ai l'impression que je vais devenir fou. J'ai envie de me frapper pour que mon cerveau arrête de me repasser en boucle les différentes possibilités de la mort de mon amie. Je n'en peux plus, je pleure. J'en ai marre de me montrer aussi faible. Je sais que ça fait partie de mon caractère de sensible mais je ne m'aime pas. Je ne suis pas bien dans ma peau. Je ne suis bien nulle part.

C'est impossible. Ange n'est pas morte, elle s'est perdue quelque part. Jamais elle ne se serait suicidée, c'est une battante. Je ne vois pas le temps passer, je suis plongé dans mes pensées, essayant d'arrêter les visions horribles qui m'assaillent. Et je pleure. J'ai du mal à respirer, je tremble, je suis en colère. Je ne sais pas contre qui. Peut-être contre Killian, contre Roxane et contre tous leurs horribles amis. Je veux me battre, casser quelque chose. Je regarde d'un œil sombre et rempli de larmes mon plâtre. Je lève mon bras et frappe le mur avec, plusieurs fois. Cela me fait mal mais je continue. J'y prends un certain plaisir. Je sens une main apaisante se poser sur mon épaule et me retourne. La mère d'Ange. Elle pleure aussi, mais moins que moi. C'est pour elle que cette situation est la plus dure et c'est moi qui suis dévasté. Je dois me calmer. Je me calme.

- Je suis vraiment désolée, madame, ce n'est pas à moi d'être triste...

- Tu n'as aucune raison de l'être, Octave... Et puis, Ange n'est sans doute pas morte (sa voix se brise mais elle continue). Et je t'en prie, appelle moi Karine.

Je baisse les yeux. J'ai tellement mal à la tête. J'ai l'impression que mon cerveau est en guerre contre lui-même. Cette situation n'a pas l'air réel. Je ferme les yeux avec espoir. Pas dans l'espoir que la mort vienne me chercher, mais dans l'espoir que lorsque je les rouvrirais, Ange sera là. D'habitude, je ne souhaite le malheur de personne. Cette fois, je souhaite que Killian et Roxane paient pour ce qu'ils ont fait. J'aimerais les tuer de mes propres mains. Pourtant, personne ne mérite ça.

Je me reprends. Non, Ange n'est pas morte. Je me fais des idées. Il n'y a qu'une infime chance qu'elle le soit. Pourtant, le message tourne en boucle dans ma tête. "Va crever". Elle n'aurait tout de même pas écouté cette personne, si ? Je ne sais pas, je suis perdu. Il est déjà tard, je ferais bien de rentrer. Karine propose de me raccompagner, ce que je refuse en indiquant que je prendrai le bus. Je salue Karine et son mari, en leur promettant mon aide, et m'en vais.

Arrivé à l'arrêt de bus le plus proche, je change d'avis. Je décide de rentrer à pied. De cette manière, je pourrais fouiller la ville dans l'espoir d'apercevoir Ange.

Je commence à marcher à travers les ruelles qui s'assombrissent au fur et à mesure que le soleil se couche, m'attardant sur chaque recoin. L'œil à l'affut du moindre mouvement. Je crie plusieurs fois son nom. Aucune réponse. Je finis par arriver chez ma grand-mère, déçu et triste.

Sur le pas de la porte, ma mère et ma grand-mère sont en pleine discussion. Ma mère m'aperçoit.

- J'ai reçu un message de l'école, Octave. Elle se met à hurler. Qu'est ce qui t'a pris !? Je pensais avoir été assez claire la dernière fois. Tu n'as pas le droit de quitter la classe. C'est trop demander d'avoir un fils sage et intelligent !? Qu'ai-je fait pour me retrouver avec cette espèce de petit malheureux qui ne respecte pas les règles ? Où étais-tu passé ?

- J'étais chez Ange ! crié-je. J'ai appris qu'elle avait fugué et elle est peut-être morte maintenant !

- Hé ! Ne me crie pas dessus, m'interrompt ma mère d'une voix sifflante. Et ce n'est pas toi qui décides.

- Je m'en fiche ! continué-je en hurlant, les poings serrés et les sourcils légèrement froncés.

Je me prends une claque. Sur la joue gauche. Choqué, je commence à pleurer tandis que ma mère me regarde avec des yeux froids. C'est alors que retentit la voix calme et autoritaire de ma grand-mère.

- Sors Célia. Fiche-lui la paix à ce petit. Si tu t'intéressais un peu à lui, tu comprendrais qu'il a besoin d'aide.

- Maman, ne te mêle pas de ça, rétorque ma mère. C'est mon fils, c'est moi qui m'occupe de son éducation. Si c'est toi qui l'élèves, il ne réussira jamais à rien dans la vie. Tout comme toi, d'ailleurs !

- Bien sûr que je vais m'en mêler. C'est chez moi ici, j'ai tous les droits. Je t'ordonne de sortir.

- Très bien. Dans ce cas, Octave, prends tes affaires. Allons-nous-en.

Je reste figé sur place. Je ne veux pas rentrer chez moi. Je ne supporte plus la colère de ma mère. Je veux rester ici. Ma grand-mère est la seule personne à me comprendre maintenant que j'ai perdu Ange.

- Allez, qu'est-ce que tu attends ? Viens.

- Non, je ne veux pas.

- Ne sois pas plus stupide que tu ne l'es déjà. Je suis ta mère, tu n'as pas le choix.

- Si j'ai le choix. Je peux très bien rester ici.

- Bon, très bien, rétorque ma mère rouge de colère. Continue de t'enfoncer dans ta bêtise ! Mais ne reviens pas pleurer vers moi si tu as des problèmes.

Elle sort en claquant la porte et j'éclate en sanglots. Je déteste devoir choisir et maintenant je me demande si j'ai pris la bonne décision. Ma grand-mère me prend dans ses bras et je pleure encore et encore. J'ai perdu Ange et maintenant mes parents. Enfin, ce n'est pas sûr. Je me raccroche le plus possible à l'espoir qu'il me reste. Que rien de ce que je vis n'est réel.


Journal d'un harceléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant