cinq

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nous restâmes deux bonnes heures dans ce parc, sous l'ombre de quelques arbres, à parler. juste ça. des mots lancés pour s'en débarrasser ou, au contraire, pour les partager. ta voix provoquait une sorte d'explosion dans mon corps. face à toi, ta beauté, j'implosais doucement et mes pensées noires s'envolaient.

vers dix sept heures tu te levas, le sourire toujours plaqué sur le visage. j'admirais ta grâce et la délicatesse des courbes de ton corps. ce que tu étais belle.

— ça te dit une glace ? j'ai trop chaud là.

j'opinai et nous partîmes en expédition pour trouver un glacier pas trop bondé. nos mains se retrouvèrent bien vite. et nous déambulâmes dans des rues parsemées de gens ; tu sais, j'avais l'impression qu'on était seules au monde.

les corps nous percutaient, nous frôlaient, nous effleuraient, mais il n'y avait que toi. ton corps était le morceau de vie auquel je me raccrochait.

— j'ai envie de deviner ton parfum préféré, disais-je.

tu laissais échapper un petit rire cristallin. j'aimais être la source de ton rire.

— jvais le faire aussi. on va mettre des règles par contre : pas plus de trois suppositions.

— ça me va.

je ne réfléchis pas très longtemps, pour moi les trois parfums étaient déjà tout décidé. ça se voyait, je te voyais aimé ça. je me fis à mon instinct.

— mangue ?

tes yeux s'écarquillèrent. et je sus que mon instinct avait été le bon. j'abordai un sourire satisfait sur ma figure.

— comment tu as trouvé ?

— bah je sais pas trop, ton t-shirt est jaune déjà. et puis tu dégages une énergie, quelque chose de lumineux. tu rayonnes et, pour moi, la mangue c'est un fruit rayonnant. c'est pétant, c'est l'été la mangue. oui, la mangue ça te va bien.

la mèche la plus longue de tes cheveux te tombait un peu devant les yeux mais je distaguais quand même l'éclat étoilé qui y régnait. je crois que je t'avais un peu conquise.

— bah dis donc tu sais parler aux filles toi.

— rectification : je sais te parler à toi.

on souriait si fort, peut-être que nos lèvres commençaient déjà à se déchirer.

— et toi c'est quoi ton parfum préféré ?

— citron.

— beurk.

j'éclatai de rire, ton côté enfantin m'émerveillait. j'aurai voulu être comme toi. légère. rien que pour voler dans un monde plus beau que celui où j'avais le malheur de vivre. un monde sans jolie fille comme toi.

mais maintenant j'y étais, j'étais dans ton monde. tu m'y avais emmené. alors je pouvais rire et sourire. je pouvais être heureuse.

nous arrivâmes devant un glacier et sans rien dire nous y entrâmes d'un même pas, synchronisées.

quand se fut notre tour, tu me jettas un petit coup d'œil et puis demandas deux glaces composées chacune d'une boule mangue et d'une citron.

— mais pourquoi tu as pris citron si t'aimes pas ça ? te chuchotais-je à l'oreille.

— tu vas me faire aimer le citron, si c'est ton parfum préféré c'est forcément bon.

je ne savais quoi dire, j'étais presque bouche bée. je crois que c'était l'une des choses les plus mignonnes qu'on m'avait dit.

— toi aussi tu sais parler aux filles.

— rectification : je sais te parler à toi et c'est tout ce que je veux.

le petit clin d'œil qui suivit ta phrase voulait tout dire. j'espérais juste que je n'avais pas mal compris, pour une fois.

adieu nos corps fanésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant