septième lettre

139 28 48
                                    

« le 12 octobre 2020

j'ai passé près d'une semaine sans t'écrire. pendant cette semaine j'ai repensé à la fin en boucle. notre fin, ta fin, ma fin, la fin de notre histoire, la fin de notre amour, la fin de l'été. peu importe.

j'y ai tant repensé. trop repensé.

toi, tu ne sais pas ce que j'ai vécu. tu as vécu ta fin, j'ai vécu la mienne, conséquence de la tienne.

je vais tout t'expliquer ;

le premier septembre au matin, après avoir fait l'amour une dernière fois — si seulement j'avais su que c'était la dernière — tu m'as dis que tu allais aller chercher de quoi manger en ville. tu te souviens des derniers mots que tu m'as dis ?

'je t'aime jolie isilde, merci pour tout. tu m'as offert ma vie.'

et tu t'es enfuie sans te retourner.

pourquoi je n'ai rien venu venir ? tu semblais si heureuse, si bien avec moi. tu étais rayonnante. jamais je n'aurai pu penser que tu voulais en finir. en finir et me laisser. parce que oui, tu es partie. tu t'es jetée de la falaise où on avait été quelques jours plus tôt.

je t'ai cherché partout. je t'ai appelé des milliards de fois. et puis je me suis rendue compte que ton téléphone était resté dans ton sac, sur la plage. à ce moment là je crois qu'une partie de moi a commencé à comprendre, sûrement inconsciemment. j'ai passé la nuit à te chercher. je me suis rendue partout où nous avions été. sauf les falaises. je n'ai pas pu.

je n'ai appelé la police que le lendemain, ils ont lancé les recherches. j'étais à bout. j'avais faim mais rien que penser à de la nourriture me dégoûtait. l'été avait quitté mon corps et fuit mon esprit. un immense sentiment de solitude m'accablait. j'étais vide. j'avais besoin de ton éclat de vie.

je suis restée plusieurs jours à t'attendre, vagabondant dans les rues, sans aucun but. je voulais juste de voir apparaître comme la première fois. j'ai loupé ma rentrée à la fac alors que je t'avais dis que c'était important pour moi et qu'il fallait que j'entre chez moi.

tu avais mal pris ça, je crois qu'une part de ton geste est de ma faute. à cause de ça. tu voulais que je reste avec toi, qu'on parte vivre plus longtemps qu'un été. je n'en étais pas encore capable. et pourtant pour toi, je suis restée. je suis restée mais toi tu étais morte.

ce n'est qu'une fois que j'ai appris que les flics avaient retrouvé ton corps dans l'océan que j'ai eu l'idée de regarder dans ton téléphone. rien que pour y voir si tu y avais laissé rien qu'un mot à mon égard. il y en avait un dans tes notes. des dizaines de mots alignés. ils donnaient ça — même si tu les connais déjà :

'j'espère que tu trouveras ça. toi, isilde. j'espère qu'il n'y aura que toi et toi seule qui lira ça. qui que tu sois, ne montre ça à personne d'autre. ces mots ne sont que pour un seul et unique être humain. tu sais, isilde (je t'appelle comme ça parce que tout ça est pour elle, tant pis si tu n'es pas elle) j'ai longtemps eu des pensées suicidaires. je ne te l'ai jamais dis parce que je n'en voyais pas l'intérêt, ce n'était pas important. cependant je n'ai jamais fait de tentatives de suicide parce que je m'en sentais incapable. je suis si faible.
je t'ai rencontré alors que ma vie n'était plus qu'une merde. je me sentais partir, totalement. et pourtant quand je t'ai vu dans cette rue il n'y a plus rien d'autre qui a compté que toi. et si j'ai souri quand je t'ai vu c'est parce que tu es belle. tu es terriblement belle. et si je te souris tout le temps c'est parce que je suis amoureuse de toi. mes sourires étaient toujours sincères, je te le promets.

tu m'as offert ma vie. j'ai longuement réfléchi aux derniers mots que je te dirai avant de partir. ceux là sont les plus vrais de tous. tu m'as offert ma vie et grâce à toi je vais mourir heureuse. j'ai vécu les plus beaux jours de ma vie avec toi. tu m'as sauvé. tu as sauvé mon âme de la noyade, de la douleur, du noir et de la peur. aujourd'hui si je saute ce n'est que mon corps qui meurt. mon âme et mon cœur sont avec toi. et ils le seront pour toujours.

je n'aime pas mon corps. je ne l'ai jamais aimé. il est fané depuis ma naissance. il n'est qu'une enveloppe. il ne me sert à rien. si. les seules fois où je l'ai aimé, où je me suis sentie bien dans mon corps c'est quand tu me fais l'amour. j'ai découvert tellement de choses grâce à toi. je me suis aimée quelques heures grâce à toi. j'ai aimé mon corps et j'ai aimé te faire succomber grâce à lui. et je crois que je vais mourir en aimant mon corps.

je suis désolée. tout ça doit te paraître dépourvu de sens. je t'abandonne. et aucune excuse n'est valable pour ça. je pars parce que j'ai besoin de m'abandonner. tout ça n'est pas contre toi. je ne peux juste pas accepter que tu puisses vouloir retourner chez toi. pour tes études, pour ta famille... tout ce que je n'ai pas. tu es tout ce que j'ai. alors autant n'avoir plus de vie plutôt que de vivre sans toi, sans rien. je préfère mourir avec toi que de vivre sans toi.

je suis désolée isilde. merci pour tout. n'oublie jamais que je t'aime. je t'aimerai toujours. n'oublie jamais que je suis morte heureuse mais surtout amoureuse. amoureuse de toi.

louise, le 29 août 2020'

quand j'ai eu fini de lire tes mots, je me suis écroulée. écroulée dans le sable, écroulée dans ma vie. j'ai balancé toutes mes affaires dans l'océan. j'ai prise les tiennes et je suis partie. j'ai parcouru la france. sans toi cette fois. j'ai pleuré. beaucoup pleuré. j'ai pleuré nos larmes. j'ai pleuré pour ton corps fané. pleuré pour le mien qui l'appelait désespérément. pleuré pour toi. j'ai rempli tellement d'océan que je ne saurai les compter. je me suis vidée. entièrement. je ne suis devenue qu'une enveloppe. qu'un corps. tu devais probablement ressentir ça toi aussi.

je suis rentrée chez moi quelques jours. j'ai écrit un court mot à mes parents et je suis repartie.

saint brevin. les falaises. toi. te rejoindre.

cette lettre partira avec moi. je veux que tu puisses la lire.

à toute suite louise.

adieu mon corps fané.

isilde »

***
coucou
désolée de cette sad end 😭
je me suis retournée le cœur moi même en écrivant cette partie. j'ai écrit plus de 1100 mots, je me suis vraiment lâchée. j'ai tellement aimé écrire cette partie, ça faisait longtemps que j'avais pas écrit un truc du genre
du coup c'est bel et bien la fin de adieu nos corps fanés. je me suis énormément attachée à mes personnages donc jsuis un peu triste x)
tu as bien aimé cette œuvre ? :)

merci beaucoup d'avoir lu, elle me tient vraiment à cœur cette œuvre ☀️

fau

adieu nos corps fanésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant