Souviens-toi ( en réécriture )

17.

C'était injuste, terriblement injuste. 

Alors qu'elle pensait enfin toucher du bout des doigts un peu de bonheur, ce dernier se voyait s'éloigner d'elle d'un coup. Finalement, elle aurait préféré ne jamais faire ce putain de voyage, ne jamais connaître le mot espoir et des sensations qui en découlait. Pendant une seconde, elle avait pensé qu'elle aussi aurait le droit au bonheur, aux sourires, à la chaleur. Mais non, en fait ,elle était condamnée à une vie de douleur et de désespoir. Qu'avait elle fait pour mériter cela ? Pour mériter tant de haine de la part du destin ? 

Toute son enfance elle avait tenté d'être quelqu'un de bien, d'aider son prochain, de sauver les personnes en difficultés. Et on la remerciait comment ? Avec une putain de maladie qui ne pouvait être guérie. Qu'importe les sortilèges, qu'importe les médicaments, le résultat restait le même : la mort.

Elle relut encore une fois la lettre que le médecin lui avait remis, lettre qu'il avait soigneusement écrite et qui annonçait la tragique nouvelle. Il n'y avait plus d'espoir disait-il. Sans qu'il ne comprenne comment, ni pourquoi, le virus c'était propagé dans son corps. Il s'était réveillé d'un coup, affamé, insatisfait de ne plus commander la vie de la jeune constellationniste et depuis, il ne cessait de grignoter le reste d'énergie qui lui restait .

Rageusement, elle rangea la lettre dans sa poche et essuya ses larmes. Ce petit morceau de papier pesait bien lourd, résultat du poids qu'il avait sur sa conscience. Au moins Luxus sera content de savoir qu'il n'allait pas perdre deux ans de sa vie.

Elle se détestait. 

Elle et sa faiblesse. Parce que ouais, elle avait toujours été le maillon faible de l'équipe. Elle le savait, même si ils lui disaient rien, cela se voyait dans leur regard. Elle n'était pas aveugle. Aussi discret sont-ils, les signes ne trompaient pas. Il y avait toujours quelqu'un qui restait à ses côtés lorsqu'ils se séparaient en mission. Et lors des combats, ils ne lassaient jamais seule, essayant de surveiller ses arrières. 

Faible.

Encore et toujours ce mot.

- Nan mais ma p'tite dame, c'est dangereux de trainer tard le soir. Prévint un homme aux odeurs alcoolisées.

Lucy ne fit comme si elle ne l'avait pas entendu et le regarda disparaître dans la brume, titubant. Elle leva les yeux aux ciels, contempla les étoiles, tentant de faire le vide dans son esprit.

En vain.

Lentement , elle se leva sous le regard de quelque passants curieux, intrigués par son visage de larmes puis se dirigea d'un pas mécanique vers le premier bar. 

Les lumières blafardes dilatèrent ses pupilles et lui fit faire un mouvement de recule, ne supportant pas cette soudaine luminosité. Par ailleurs, les hurlements et les bruits de bagarres contrastaient avec la tranquillité et la paisibilité de la nuit. 

Elle resta quelques instants devant la porte, ne sachant vraiment quoi faire puis, voyant un amas de personnes accoudés un bar, elle se dit que commander un verre pourrait être une bonne solution.

Ils semblaient heureux. Rigolant, se tenant bras dessus, bras dessous, se bagarrant. Pour eux, tout semblait si simple, si facile, que pour une fois, elle voulu gouter aux effluves de l'alcool. Cela lui était déjà arriver de boire et de finir saoul mais c'était toujours dans l'optique de s'amuser, pour rigoler, et non pour fuir ses problèmes.

- Qu'est-ce que je vous serre ? Demanda la barman.

Lucy se trémoussa sur son tabouret, mal à l'aise.

- De l'alcool ? Répondit d'une petite voix la constellationniste.

Habituellement, elle se contentait simplement d'une bière que Cana lui servait, ou bien d'un verre de jus de fruits.

La barman ne put s'empêcher de rire, amusée de l'innocence de la jeune femme. Elle qui pensait que la soirée allait être longue, elle se trompait.

- Ecoutez moi ca les gars, cette demoiselle arrive et j'lui demande sa commande. Vous savez ce qu'elle me répond ?

Tous hochèrent négativement la tète.

- De l'alcool.

Et ils se mirent également à rire. D'un rire grave, enroué par l'alcool. 

Lucy se ratatina davantage sur sa chaise, voulant disparaître. Maintenant, elle regrettait d'être rentré.

- Bon, tu veux boire pour faire disparaître un chagrin ? Pour fêter ta beauté ? Chaque boisson à sa raison, expliqua professionnellement la gérante, touchée par la naïveté de la jeune fille.

- J'vais mourir. Répondit dans un haussement d'épaule Lucy. Alors, ce serait cool si vous aviez un alcool pour me redonner le goût de vivre au moins une soirée.

Surprise, la barman arrêta tout mouvement, et posa enfin son regard dans celui de la jeune femme.  

Elle venait de pleurer.

- J'ai ce qu'il te faut. Dit elle enfin après quelques secondes de latence. 

- Si tu veux, j'peux  te faire découvrir tous les alcools que je connais. Dit t'un homme au regard lubrique.

Lucy leva les yeux ciel avant de poser sur l'homme à la carrure imposante et au sourire confiant un regard froid, lui faisant comprendre que si il tentait quoique soit, son cadavre sera retrouvé dès le lendemain dans la rivière qui longeait la rue.

- Alan, laisse la demoiselle tranquille, maugréa la barman, puis se tournant vers Lucy,  tiens,  voici ton cocktail. J'espère que tu aimeras. 

Hésitante, elle approcha son nez du liquide couleur carmin. Une douce odeur de fruit rouge se fit sentir. Alors, rassurée, la jeune femme posa délicatement ses lèvres sur le rebord du verre et en bu une gorgée sous les regards curieux de quelques clients. 

Elle ferma les yeux, savoura la boisson puis le reposa sur le comptoir. 

-J'aime bien, conclut-elle, le sourire aux lèvres.