30 ans et 12 jours depuis l'extinction
Mon vaisseau se déplaça, dans un vol courbe au milieu des ruines d'une étrange planète que je venais de découvrir. Celle-ci m'avait en effet intrigué du fait qu'elle n'était référencée dans aucun fichier de ma base de données. C'était la première fois que cela arrivait. Le logiciel rencontrait-il une défaillance ?
Une immense étendue d'eau s'étend devant moi à perte de vue. Les capteurs du vaisseau décrivirent un environnement stable et une température moyenne de 15°C en surface. Cette planète possédait de grands atouts pour abriter la vie. Soudain la côte apparue à l'horizon. C'est alors qu'une gigantesque ville se découvrait peu à peu, ainsi qu'un immense pont rouge reliant deux collines, entourées par l'océan. Il n'y avait plus de doute, j'étais sur terre.
Le paysage de la cité déserte était effrayant. Les grattes ciels, les immeubles, les restaurants, les parcs, les hôtels... tout était abandonné. La plupart des bâtisses étaient délabrées et en mauvais état, seuls quelques mouettes venaient s'y aventurer.
Il y avait eu une vie ici, 30 années plus tôt. Un nom me revenait à l'esprit... San Francisco. Quelque chose, un lien invisible me liait à cette ville. Y avais-je vécu auparavant ? Une fois le vaisseau posé, je vérifiais dans le laboratoire à l'arrière que les embryons étaient gardés à la bonne température et que le système fonctionnait bien. Je partis par la suite à la découverte de la ville fantôme, et c'est lors de cette visite que de nombreux souvenirs me revinrent à la mémoire...Des souvenirs de bonheur principalement, comme dans un rêve...
Je parcourais les rues abruptes de San Francisco à bord d'un vieux scooter Vespa italien et je sentais Jane assise à l'arrière s'accrocher à moi en riant lors d'une descente où l'on pouvait avoir une vue imprenable, d'une rare beauté, de la ville s'endormant sous un doux couché de soleil qui s'effaçait à l'horizon, dans les profondeurs de l'océan pacifique. Nous étions heureux. Que s'était donc-t-il réellement passé pour que tout cela s'arrête ? Pourquoi m'avait-on volé ma vie d'avant ? Jane... J'avais retrouvé son nom, le nom de celle qui n'avait jamais quitté mes rêves toutes ces années. Je me souviens qu'après cette balade nous nous sommes arrêtés au port Pier 49. Il faisait nuit, et on pouvait ressentir la fraicheur remplacer la journée chaude qu'il avait fait. Nous avons mangé au restaurant et nous nous sommes baladés le long de la rive. On a parlé de nos projets, de nos rêves et de notre histoire, et à la fin je l'ai embrassée. Je pense que l'on s'aimait, d'un amour fort et sincère, le vrai amour. Et depuis qu'elle a réapparu dans ma mémoire, bien que par quelques souvenirs, je l'aime toujours.
30 ans et 16 jours depuis l'extinction :
Je suis resté plusieurs jours à San Francisco, à me remémorer des fragments de ma vie d'avant. J'ai passé mes nuits à penser à elle et à ce lien, aussi subtil que le mouvement de la houle sur la jetée, qui nous unissait. Je l'ai revue courir sur la plage et danser sur Summer Wine, une vieille chanson que l'on adorait, et je nous ai vus nous perdre lors de nos longues soirées d'été sur la côte. Cette vie me manque, et le sentiment de solitude que j'éprouve depuis tout ce temps me hante.
Je voyage, dans ce vaste océan silencieux, à bord de mon bateau à la dérive depuis des années dans ce le vide spatial à perte de vue. Est-ce un hasard si 30 ans plus tard je me retrouve sur terre, au point de départ ? Au plus profond de moi j'aimerais juste connaître mon identité, savoir qui je suis, et revoir Jane un jour. Ils m'ont dit que j'étais le dernier voyageur, mais maintenant j'ai peur. Maintenant que ma mémoire me revient peu à peu, je repense à cette ancienne vie qui me manque tant, et c'est au même moment que je réalise qu'il n'y a plus personne. Je suis seul.
Hier soir j'ai senti une force m'attirer vers elle, tel un guide et je l'ai suivie. Je savais qu'elle était le dernier espoir pour moi de donner un jour des réponses à toute ces questions. Alors j'ai pris une voiture que j'avais trouvée dans la ville et je l'ai réparée. Cela m'a pris une journée, mais lorsque la ville sombrait dans la pénombre, alors que le soleil se couchait au loin, et qu'une légère brise se levait depuis la côte je suis parti.
J'ai voyagé toute la nuit à bord de la vieille Jeep et pour la première fois j'étais en vie. J'ai traversé la Californie sans connaître ma destination, je roulais juste dans la nuit obscure, sous la lumière blanche de la lune qui se reflétait sur l'océan telle une lueur bienveillante comme si elle savait, quelle était ma destinée.
Plus je m'éloignais, plus je me sentais proche de mon objectif. Cette sensation en moi ne me quittait plus et ne faisait que croître au fur et à mesure que je m'approchais. Peut-être était-ce inutile mais cela était la dernière chose qui me restait à faire dans cet univers. Toutefois j'angoissais. J'angoissais de ce que j'allais découvrir. Et puis je suis arrivé, dans cette maison au bord de l'eau, dans une petite crique plongée dans cette brume légère, comme dans mes rêves. Une maison effleurée par le sable et le sel marin. C'était ma maison, je venais de le comprendre.
Revisiter ce lieu me procura de fortes émotions et fit ressurgir dans mon esprit les images de ma vie passée. Le jour où nous avons emménagé, mes années à l'université, les heures passées dans mon bureau, au dernier étage, à lire, à écrire et écouter de la musique, les baies vitrées grandes ouvertes, avec cette vue extraordinaire sur l'étendue d'eau qui disparaissait au loin, ridée du mouvement cadencé des vagues qui venaient effleurer la rive. Un sentiment de plénitude, et de joie, et le parfum à la cannelle de Jane. Son ombre se reflétant sur les murs blancs que l'on avait repeints au rez-de-chaussée durant l'été 91, et son sourire... Mon diplôme, mon mariage, mon enfance dans l'Ohio... Je me souvenais de tout. Mais pas de l'extinction, de ce qui était arrivé à notre planète, ni des raisons qui avait fait de moi le dernier espoir de l'humanité. Puis je l'ai vu... à travers la vitre de la double porte menant au jardin. Elle était là, assise dans le sable, au bord de l'eau. J'aurai pu reconnaître ses cheveux bruns voler au vent entre tous...
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Le dernier voyageur
Science FictionIls m'ont dit que j'étais le dernier, le dernier homme en vie, le seul qui pourrait tous nous sauver de la disparition de notre existence, le seul qui pourrait faire perdurer la vie humaine. Voilà tout ce qu'il reste de ma mémoire, mais une seule et...