Ling inspira l'air pur de la vallée et la forêt de bambou environnante. Il était rare qu'elle puisse profiter ainsi du calme et de la sérénité du monde qui l'entourait. Avoir cinq enfants – trois fils et deux filles – à éduquer, à qui transmettre les valeurs de la Chine et de leur famille, presque seule, n'était pas un travail de tout repos. Elle était donc heureuse que son frère, Jin, prendre son fils aîné, Chang, sous sa tutelle.
Durant sa visite, An, la fille aînée de Jin, avait donc pris la tâche de s'occuper des plus jeunes, pendant que son père préparait Chang à son départ futur, ainsi que ce qui serait attendu de lui. Voir l'un de ses fils quitter le domaine familial, malgré le fait qu'elle s'y préparait depuis sa naissance, était difficile pour Ling. Même si s'occuper de ses enfants était fatigant, elle était terriblement attachée à eux.
Cependant, Chang serait bien mieux chez son oncle, qui ferait probablement de lui son héritier, n'ayant lui-même aucun fils.
Avant de partir se promener et profiter du silence, Ling avait fervemment prié ses ancêtres pour qu'ils apportent à son aîné prospérité et honneur. Depuis la mort de son époux, la femme avait perdu en statut, n'ayant pu se remarier à cause de son âge déjà avancé.
Il était vrai qu'elle n'était pas non plus aussi belle que dans sa jeunesse. Sa taille s'était empâtée, son ventre autrefois relativement ferme était à présent pendant et empli de cicatrices laissés par l'enfantement, ses cheveux blancs avaient perdu une partie de leur lustre et quelques mèches blanches s'y glissaient. Son visage, quant à lui, était empli de petites rides, ses traits, autrefois délicats, s'étaient affaissés et des cernes ornaient à présent éternellement ses yeux.
Cela ne la dérangeait pas outre mesure, si ce n'était le fait que ses enfants en pâtissaient aussi. Être élevés par leur mère et leur grand-mère paternelle n'était pas de meilleur augure pour ses fils. Heureusement que Jin tenait assez à elle pour bien vouloir prendre ses fils sous son aile.
Ling secoua la tête. Elle ne pouvait penser à ce genre de chose au moment où elle était censée se sortir toutes ses inquiétudes de son esprit.
La veuve se mit à humer un chant qu'elle avait l'habitude de chanter quand elle pratiquait une activité de détente et reprit son chemin près de la forêt de bambous. Les pandas, habituées à la présence des humains dans la région, ne tournèrent même pas la tête à son passage.
Les sons de la nature, couplé à son petit chant relaxèrent Ling plus que ce qu'elle ne l'avait été depuis bien avant, même, la mort de son honorable époux.
Elle avait enfin atteint le lac. C'était son lieu préféré de tout ce qui entourait le village ou le village lui-même. Il était rare qu'elle puisse s'y rendre depuis qu'elle était veuve, mais Ling portait cet endroit dans son cœur. Il lui arrivait même de le visualiser pour se détendre quand elle n'avait pas la possibilité de s'y rendre physiquement.
Elle déposa son panier, y prit un drap de tissu pour s'y asseoir ensuite. Une fois installée, elle profita de l'atmosphère de paix qui régnait toujours en ces lieux.
Soudain, du coin de l'œil, elle vit du mouvement. Craignant qu'il s'agisse d'un ours, elle tourna la tête, avant d'avaler un son de surprise.
Ce n'était aucun animal qui arpentait habituellement les lieux, prédateur ou herbivore. La bête avait le corps d'un cerf, ses bois aussi, une queue de bœuf, le front du loup et des pattes de dragon. Du dragon, elle possédait aussi les yeux et les moustaches, tandis qu'une partie de son corps était couvert d'écaille. Sa longue crinière soyeuse paraissait parfois être enflammée. Ling porta la main à la bouche, les yeux humides. Un qilin.
Elle pensait que l'espèce était éteinte, comme l'avaient affirmé certains érudits. En voir un, ici, en chair et en os, c'était merveilleux.
Le roi des animaux tourna un regard plein de sagesse vers la femme, tout en gardant sa démarche gracieuse et régulière. Ses pas n'émettaient aucun son, ni ne semblaient déranger la végétation alentour.
Il était tel que les légendes l'avait décrit. Majestueux.
Ling était en émoi devant l'observation profonde du qilin. Elle avait l'impression qu'il pouvait voir au plus profond de son âme.
Quand il eut fini sa contemplation, le qilin abaissa la tête, comme s'il accordait sa faveur à Ling, poussa un cri, avant de continuer gracieusement sa route.
**
Ling venait de revenir de sa promenade, toujours émue de sa rencontre avec le qilin.
C'était l'été... La paix, ou un sage.
Elle ignorait s'il s'agissait d'un mâle ou d'une femelle. Mais ça n'avait pas d'importance. C'était un présage auspicieux, et le simple fait d'avoir rencontré un être qui n'était supposé apparaître que pour des âmes pures faisait battre son cœur de joie.
NdA: Eh voilà. C'était la dernière histoire courte. Ce fut une aventure, admettons-le. Il y a eu des hauts et des bas, mais toute l'expérience m'a permis d'en apprendre beaucoup plus sur moi-même en tant qu'écrivaine et, surtout, m'a aidé à découvrir quelle genre de méthode me convient, ce que je n'avais jamais fait pour mes projets précédents.
Bref, c'est un peu émouvant pour moi de me rendre compte que j'ai enfin mis le point final sur un premier jet. À présent, je suis capable de terminer tout ce que j'entreprends, mouahahaa!
J'espère que l'aventure vous a plu, à vous aussi, et, si vous êtes intéressé.e.s par d'autres projets, n'hésitez pas à aller voir ma page de profil (oui, oui, ils ne sont pas terminés, mais ils le seront! Pas tout de suite, parce que je reprends un autre projet - une fanfic DBZ dispo sur FF.net et AO3 - mais si vous aimez ma version de La Belle et la Bête, gardez les yeux ouverts! C'est le prochain projet sur ma liste!)
VOUS LISEZ
Rencontres mythiques
خيال (فانتازيا)Chaque histoire courte de ce petit recueil présente la rencontre d'une figure féminine et le surnaturel. Parfois humaine, parfois un mythe elle-même, chaque femme se heurte aux mythes de son époque et de sa société. Attention aux lecteurs plus jeune...