Jour 20

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C'était peut-être ça le plus dur à affronter. Son regard. Mais il fallait le faire, il devait aller jusqu'au bout du procès. Martin patientait dans le tribunal, devant la salle d'audience, attendant que l'heure vint pour y retourner. Son cœur accélérait lentement, d'appréhension principalement. Et il ne s'arrêterait pas tant que tout cela ne serait pas terminé. Il voulait juste entendre ce mot. Coupable. Le reste lui était égal. Il voulait aussi qu'il l'entendît, ce mot. Pas seulement pour qu'il en prît conscience, mais pour qu'il réalisât ce que cela signifiait pour lui. La raison de tout ce processus. Au fond de lui, il ne voulait pas que cela changeât quoi que ce fût, il ne se préoccupait pas tant de la sentence, de la punition qu'il encourrait. Cela ne changerait pas le passé. Mais ça, il l'espérait, lui permettrait de tourner la page. D'accepter. De ne pas s'être simplement laissé détruire, abandonné, oublié, méprisé. Et puis, il avait la chance d'être soutenu dans cette épreuve par ceux à qui il avait fait vivre la même chose, et qui attendaient le même verdict.

On appela chacun à rentrer, Martin s'installa à la table de l'accusation, son avocat à ses côtés. Lui, l'autre, n'avait pas et n'avait pas besoin d'avocat. Lui-même se savait coupable. Ce n'était qu'une question de procédure. Le juge rappela les charges.

« Vous êtes accusé d'avoir abandonné et malmené ceux qui se considéraient vos amis. Vous êtes accusez d'être un regret terrible dans leur vie. Vous êtes accusé de les empêcher de simplement vous oublier. Les preuves sont nombreuses, et les témoins également. Pourtant, vous vous défendez en justifiant que vous êtes, je cite, un connard. Cette explication n'est pas acceptable face à une amitié réelle et existante. Qu'avez-vous à répondre pour votre défense ?

– Je suis comme ça, c'est tout. Ils ne méritent pas ça mais c'est comme je suis. Cette histoire n'a aucun sens, me juger ne changera rien. »

Cela changera tout pour moi, voulut hurler Martin. Il se retint pourtant. Il avait confiance en le tribunal de l'amitié, aucune affaire n'avait jusque-là été soldée par une victoire de la défense. Cela le rassurait alors. Pas de risques qu'il ne gagnât. Pendant près d'une heure, il écouta son avocat prendre sa défense et expliquer à tous sa situation, son ami répondre presque systématiquement la même chose, et le juge poser des questions. Faire la lumière sur tout cela pour s'assurer notamment que Martin lui-même n'était pas responsable d'une manière ou d'une autre de la situation. Mais il n'avait rien à se reprocher. Le problème venait seulement de lui. Mais il refusait de le voir comme un comportement anormal et qui pouvait changer. Qui n'était pas une réponse.

Les jurés finirent par sortir. Plusieurs jours de procès pour ce moment fatidique. Les mains de Martin tremblaient. Ils revinrent après un temps qui lui paru éternité. Et la sentence tomba.

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