Chapitre 5

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Lorsque la cloche sonna, les filles se dirigèrent ensemble, suivie de leur amie Joséphine, vers la salle d'anglais située tout en haut du bâtiment. Elles montèrent les escaliers comme d'habitude en riant, essayant de se frayer un passage au milieu du flot incessant d'étudiants qui arpentaient les couloirs de l'établissement. Mais Lina se sentit très vite faiblir ; son cœur semblait battre à tout rompre dans sa poitrine, lui donnant une migraine peu incroyable. Elle s'arrêta un peu brusquement, essayant de calmer le vertige qui lui prenait la tête, se qui la fit vaciller sur la marche d'escalier peu stable où elle se trouvait.

L'adolescente sentit aussitôt deux grandes mains contre son dos, la retenant tant bien que mal :

- Hey, tu devrais faire attention ! 

Lina se retourna pour se retrouver face à Aaron , suivi de près par son meilleur ami, James, deux garçons de sa classe.

 - Pardon, j'ai perdu l'équilibre, s'excusa aussitôt Lina en remarquant avec gêne qu'Aaron avait ses deux mains sur son dos. Je vais bien, les rassura-t-elle en essayant de se rassurer elle-même. Tu peux me lâcher. 

Le jeune homme obéit, passa à côté d'elles et continua la montée des marches. Lina fut surprise de ce geste prévenant ; elle ne connaissait pas très bien Aaron mais les seules fois où il ouvrait la bouche en public étaient empreintes de répartie et de sarcasme. Il n'était pas fondamentalement méchant, ; Lina aurait plutôt eu tendance à le ranger dans la catégorie des personnes qui se donnaient un air faussement condescendant et blasé en groupe, bien qu'elles soient certainement tout le contraire quand on les croisait seules. Cette réflexion ne démontrait aucune aversion de la part de la jeune fille envers l'adolescent ; le mot incompréhension aurait été plus approprié.

James suivi son ami, esquissant un discret sourire en direction des deux jeunes filles comme pour s'excuser implicitement du comportement peu affable de son ami. En opposition, James avait toujours un mot gentil ou un regard compréhensif pour les gens qui l'entouraient, malgré sa timidité et sa réserve. Lina se mit à penser que cela faisait à présent de nombreuses années qu'ils se connaissaient, mais elle n'avait pourtant jamais vraiment appris à connaître le jeune homme ; c'est à réparer, se dit-elle. Je suis sûre que c'est quelqu'un de bien.

Arrivé en haut de leur montée des enfers, les filles s'appuyèrent près de la porte de leur salle et attendirent leur professeur en bavardant, comme à leur habitude.

Madame Farm arriva peu après. C'était une très jeune enseignante de petite taille, menue et toute pâle. On aurait pu la prendre pour une jeune fille sortant tout juste de la puberté. Néanmoins, elle avait la principale qualité que devait avoir les enseignants de nos jours : une voix forte pour venir à bout des bombes à retardement se tenant devant eux, prêtes à démarrer au moindre signe de faiblesse.

Lina eut soudainement une sensation des plus désagréables dans le bas ventre ; l'adolescente aurait pu qualifier cela de douleurs de menstruations, qu'on aurait néanmoins multiplié par quatre. De violentes crampes lui coupaient partiellement la respiration, la pliant en deux sur son bureau. Lina tentait de prendre de grandes inspirations mais son ventre ne semblait pas vouloir lui venir en aide.

Sa voisine la regardait d'un air interrogateur.

- Lina ? Est-ce que ça va ?


L'adolescente répondit par un petit sourire qu'elle voulait rassurant. Elle se mit à fouiller dans son sac à la recherche d'un médicament pouvant la soulager, mais ne trouva rien. Ravalant alors sa fierté, Lina se leva et tendit en silence son carnet au professeur afin de se rendre à l'infirmerie, essayant de respirer le plus calmement possible. Madame Farm le lui remplit et chercha des yeux le délégué :

- James, cria-t-elle au garçon qui tourna la tête depuis le fond de la classe. Accompagne-la ! 

Le jeune garçon se leva aussitôt, sous le regard envieux de ceux qui allaient devoir subir une heure entière sans interruption d'anglais intensif, et se dépêcha de rejoindre la malade qui était déjà à la porte.

Lina ne l'attendit pas, sortant de cette salle où elle pensait étouffer.

On ne pense pas souvent à la mort quand on n'a que dix-sept ans ; comment vais-je partir ? Vais-je souffrir ? Aurais-je le temps de dire au revoir à mes proches ? Ce sont des questions qui d'ordinaires ne se posent pas à cet âge. Et pourtant, en proie à sa douleur, l'adolescente commença à en avoir peur.

Suis-je vraiment destinée à mourir ainsi, se mit elle à penser lors d'un moment de répit, dans un lycée, torturée par mes propres organes ?

Une forte crampe lui parvint comme seule réponse.


C'était une journée comme les autres. Un lundi d'octobre qui avait commencé comme toutes les matinées de l'adolescente avant celle-ci.

Lina se mit alors à penser que c'était certainement la dernière fois qu'elle vivrait un jour ordinaire comme celui-ci.

LinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant