Lina

Chapitre 32

En poussant la porte de chez elle, Eleanor fut aussitôt accueillie par le joyeux brouhaha qui régnait continuellement dans sa maison. Son frère et sa soeur lui sautèrent immédiatement dessus, surexcités comme chaque soir en rentrant de l'école.

L'endroit offrait un contraste impressionnant avec la maison qu'elle venait de quitter. Chez Eleanor, c'était le mouvement permanent, l'activité. Chez Lina tout était calme, on ne parlait pas beaucoup et la jeune fille ne pouvait imaginer de petits enfants courir partout en hurlant comme ici.

Elle posa sa veste sur le buffet où étaient posés quelques papiers sur lesquels étaient inscrites des consignes que sa mère lui avait laissées pour le soir même. Eleanor les ignora royalement. C'était bien sa mère ça : lui donner les mêmes consignes chaque jour alors qu'elle était parfaitement capable de se débrouiller seule ! Ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'elle devait les garder, loin de là.

Eleanor revint lentement au salon, prenant une pomme au passage qu'elle commença à manger, repensant à ce qu'elle avait vu et entendu aujourd'hui.

Les jumeaux étaient définitivement adorables. Elle se ferait une joie de les garder de temps à autre. Mais de voir Lina ainsi l'avait bouleversée.

Son amie l'avait fait penser à un de ces petits animaux apeurés qui s'enfuient lorsque l'on les approche de trop près. Lina est comme ça : elle pense se protéger en se refermant sur elle-même.

Eleanor ne savait pas exactement pourquoi elle n'avait pas parlé de Mr. Lewis à son amie. Peut-être avait-elle peur de sa réaction. Elle savait qu'elle lui dirait de laisser tomber, de ne surtout pas rentrer dans son jeu. Mais c'était plus fort qu'elle, Eleanor ne pouvait tout simplement pas ignorer ce que la présence de son professeur déclenchait en elle.

-Chiara, arrête de sauter sur le canapé ! Cria-t-elle en direction de sa petite sœur qui prenait celui-ci pour un trampoline, manquant de piétiner son frère assis là aussi. Tu sais très bien que tu n'as pas le droit !

Sa mère ne pouvait-elle pas trouver une nounou une bonne fois pour toute et cesser de la prendre pour la baby-sitter ? Eleanor ne supportait pas cette obligation qu'elle lui infligeait presque quotidiennement malgré sa volonté ; certes, sa mère avait parfois des horaires compliquées, travaillant dans le médical, mais était-ce le choix d'Eleanor ? Pourquoi était-elle celle qui subit ?

L'adolescente eu soudainement eu envie de se gifler. Lina aussi avait certainement du avoir cette réflexion, pensa-t-elle. Réflexion parfaitement justifiée aux vues de sa situation ! Comment pouvait-elle se plaindre d'une obligation qui lui était imposée contre son gré, lorsque celle-ci n'était autre que ses frères et sœurs, quand sa meilleure amie avait de son côté une obligation constituée de deux êtres humains à plein temps.

La situation de Lina la touchait : ce n'était pas à elle que tout cela était arrivé, et pourtant, Eleanor se sentait aussi impliquée que s'ils étaient ses enfants à elle. La jeune fille peinait à croire cette histoire concernant Aaron. Comment Lina, qui aimait Jessy plus que tout au monde, avait-elle pu le tromper ? Et avec Aaron en plus !

Néanmoins, il était vrai que depuis « l'incident », le jeune homme n'avait plus donné signe de vie. Il n'était certes pas l'élève le plus assidu du lycée Voltaire, mais elle ne put s'empêcher de penser que son absence coïncidait un peu trop bien avec cette affaire. De plus, il ne répondait même plus aux messages de James, qui était tout de même son meilleur ami.

Mais la question que se posait vraiment Eleanor était : est-ce que lui se souvenait de cette soirée ?

Peu importe, se dit la jeune fille pour elle-même. Peu importe l'issue de cette histoire, je serai là pour elle. Nous avons toujours pu compter l'une sur l'autre et ce n'est pas maintenant que les choses vont changer. Même si tout a déjà changé, ne put-elle s'empêcher de murmurer.

Une sonnerie dans sa poche la tira de sa rêverie : son téléphone.

Eleanor le sortit de sa poche et déverrouilla l'écran. Ce qu'elle vit la fit presque tomber du canapé où elle était assise en compagnie de sa sœur et son frère qui regardaient des dessins animés.

Elle se leva, monta dans sa chambre et ouvrit son ordinateur. La jeune fille commença à chercher quand elle tomba soudain sur ce qu'elle voulait.

Il avait vraiment du culot.

Eleanor laissa tomber son téléphone sur son lit et repartit au salon, sans avoir répondu.

Sur l'écran de l'ordinateur, on pouvait voir le profil Facebook de Mr. Lewis, ou plutôt d'Edward Lewis.

Et sur le téléphone qui ne s'était pas encore verrouillé : « Salut ma belle, juste un petit message pour te dire que tu m'as fait grande impression l'autre fois. Bravo car il en faut beaucoup pour attirer mon attention. Edward »

Comment ce psychopathe avait-il eu son numéro ?!