Chapitre 28

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Le lendemain, le docteur Bris décida de retourner voir Lina. Il la trouva dans sa salle de bain, s'accrochant des deux mains au lavabo devant elle, le visage baissé sur celui-ci. Le médecin ne put s'empêcher d'avoir un mouvement recul ; devait-il y aller ?

Mais Lina l'avait entendue et s'était à présent retournée pour lui faire face. Trop tard.

- Qu'est-ce que tu fais là ? J'avais dit que je voulais être seule ! Siffla-t-elle d'un ton qui n'avait rien de sympathique.

-Je sais, ne t'inquiète pas je ne viens pas te déranger. La rassura-t-il aussitôt, levant les bras vers elle, comme pour l'empêcher d'avoir une quelconque réaction un peu impulsive. C'est juste que je viens de recevoir le dossier complet de Lindsey et Louis. J'ai donc pensé que tu voudrais y jeter un coup d'œil.

Il lui tendit une liasse de feuilles. Lina les lui prit sèchement et les jeta avec dédain sur son lit, sans un mot, avant de retourner à la salle de bains.

Liam Brice soupira : il devait se lancer.

-Je suppose que la dernière chose dont tu as envie en ce moment c'est qu'on parle de l'entretien d'hier avec tes parents.

N'obtenant aucune réponse, il poursuivit :

-Lina il faut aussi les comprendre. Ils ont encore du mal à accepter tout ça, à voir la réalité en face. C'est difficile d'accepter que ton enfant grandisse, surtout de manière aussi brutale : on a peur pour lui...

-Et moi, qui va me comprendre ? Lança alors rudement Lina en se retournant face au médecin. Qui, dans toute cette putain d'histoire, a essayé de se mettre à ma place ? De comprendre vraiment ce que je peux ressentir actuellement ?

-Nous...

-Et ne me sors pas le discours du « on est tous là pour toi Lina » et toutes ces minauderies hypocrites. Pas à moi, le coupa-t-elle brusquement. Je n'ai été préparée à rien de tout ça : les douleurs, les seins gonflés, les points de suture. Le fait que vous soyez là, ou pas, n'effacera pas les derniers jours qui viennent de se passer, et toutes les conséquences qu'ils amènent avec eux.

Ils furent interrompus par deux coups frappés à la porte.

-Lina ?

Le médecin ne put réprimer une grimace : il ne manquait plus que ses parents pour améliorer encore un peu plus la situation.

-On peut entrer ? Tenta doucement Grégoire Fenton.

Lina haussa les épaules et partit s'asseoir dans son lit, tandis que la porte s'ouvrait timidement.

Sa mère vint s'asseoir à ses côtés.

-Chérie, tu ne peux même pas imaginer à quel point on t'aime avec papa.

Pas de réponse.

Véronique continua tout de même :

-C'est pour ça qu'on s'inquiète tant pour toi. Nous aussi on a peur tu sais : peur pour toi, lui dit-elle doucement en lui caressant tendrement les cheveux. Élever un enfant, ce n'est pas tous les jours faciles. Tu vas devoir renoncer à certaines choses, faire des compromis sur tes habitudes : tu devras penser à eux avant de penser à toi désormais. Il te sera plus difficile qu'aux autres de suivre tes études ; et financièrement, tu devras certainement trouver un travail en plus afin de t'en sortir.

Lina resta en silence. Elle se rendait bien compte que les propos de sa mère étaient pertinents.

-Néanmoins, reprit Grégoire, si vraiment tu te sens prête à affronter tout ceci, à faire face à tout ce qui t'attends en tant que jeune maman, sache que nous serons là pour te soutenir.

Les mots mirent un moment à sortir de la bouche de la jeune fille :

-Je suis réaliste, vous savez. Je sais bien que je ne pourrai pas continuer à vivre comme je le faisais jusqu'à maintenant, je sais bien que je vais devoir faire des sacrifices. Je sais bien que la vie n'est pas une fiction où tout est beau et rose, je sais tout ça, murmura-t-elle d'un ton plus calme qu'exempté. Et je suis prête à l'assumer.

Submergés par l'émotion, les parents enlacèrent leur fille, comme pour lui transmettre tout l'amour qu'ils lui portaient par leur étreinte.

Ce fut Grégoire qui finit par briser ce moment :

-Et tu as pu parler avec Jessy ? Que pense-t-il de tout ça ?

Liam vit alors le visage de la jeune fille perdre toutes ses couleurs. Il éprouva alors l'atroce sensation de sentir une catastrophe arriver, une catastrophe qu'il lui était impossible d'éviter.

- J'en ai marre que vous me parliez tous de Jessy ! Se mit-elle à hurler. Je ne veux pas parler de lui, je ne veux pas lui parler, je ne veux pas le voir, arrêtez de vouloir vous mêler de mes affaires, arrêtez ! J'en ai marre ! Marre ! Laisse-moi tranquille ! Continuait-elle en s'énervant de plus belles.

Dans un tel état d'énervement, Lina se débattait violemment, secouée de gros sanglots incontrôlable, insensible aux paroles de ses parents et du médecin qui tentaient de la calmer.

Liam Brice intima alors aux parents, choqués, de s'en aller et tenta tant bien que mal de calmer sa patiente qui, après avoir été immobilisée pour avoir tenté d'arracher sa perfusion, finit par tomber d'épuisement.


*


Lorsque Lina se réveilla, elle était seule. La lumière du jour avait déjà fortement baissée à travers la fenêtre de sa chambre. Elle se sentait épuisée et avait l'étrange sensation d'être ankylosée, comme pleine de courbatures.

Quelque chose de pointu s'enfonçait de manière désagréable dans son dos. Elle voulut déplacer l'objet en question ;  ses mains trouvèrent un dossier qu'elle porta à sa vue : Louis Fenton.

La jeune maman alluma la lampe à son chevet, se redressa et l'ouvrit.

Lina vit son poids, sa taille et d'autres informations inintéressantes avant de tomber sur : « prématuré, naissance estimée à environ 30 semaines ».

Elle posa lentement le dossier. Il lui fallait savoir.

La jeune fille se mit à fouiller dans la table de nuit qui se trouvait à côté d'elle, retournant toutes les affaires que ses parents lui avaient amenées. Il lui fallait savoir.

Tout se mélangeait dans sa tête. Les paroles du docteur, de la psychologue, de tout le monde. Et cette phrase : « Prématuré, naissance estimée à environ 30 semaine »... « Y a-t-il une soirée dont tu ne te souviens plus ? Un matin où tu t'es réveillé en te demandant ce que tu avais fait pendant la nuit précédente ? »...

Elle finit par trouver ce qu'elle cherchait et se mit à frénétiquement feuilleter les pages de l'agenda qu'elle tenait dans les mains. Il lui fallait savoir.

LinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant