Chapitre 27

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Lorsque Grégoire et Véronique vinrent voir leur fille ce jour-là, ils ne s'attendaient pas à se faire accueillir par une aide soignante avant de pouvoir accéder à la chambre,  ni à se faire informer de manière fort sérieuse que le docteur Bris souhaitait les voir avec leur fille.

Ils se dirigèrent donc jusqu'à la chambre 226 où les attendaient les deux personnes concernées.

-Bonjour, les salua Lina, la voix toujours dénuée de tout sentiment, comme récitant une tirade apprise par cœur.

Quand va-t-elle redevenir notre Lina ? Ne pouvait s'empêcher de s'interroger sa mère. Ceci n'était pas sa fille, rien qu'une enveloppe au contenu vide dans laquelle on essaierait tout de même de discerner un quelconque message, une simple trace.

-Salut ma chérie, bonjour docteur, enchaînèrent les Fenton en embrassant et serrant la main de leurs interlocuteurs.

La pièce était trop préparée, faite et refaite maintes et maintes fois au cours des jours précédents.

-Prenez une chaise je vous en prie. Il faut que nous parlions de quelque chose de très important, expliqua le médecin en posant ses mains sur ses genoux.

Ils s'exécutèrent en silence, se donnant la main pour se soutenir, comme ils le faisaient souvent depuis quelques jours. Lina les observait en silence avec une furieuse envie de se lever et de leur lancer quelque chose à la figure.

-Vous savez que votre fille a le choix de ce qu'elle veut faire par la suite ? Questionna Liam sans vraiment attendre de réponse. Nous en avons donc parlé, ainsi qu'avec Mme Darmier, la psychologue, car elle doit rendre sa réponse définitive au plus vite, et nous pensons qu'il serait bien que vous en parliez ensemble également, continua-t-il en guettant la réaction des personnes présentes autour de lui.

Lina arborait toujours la même expression imperturbable, même si l'on pouvait à présent discerner une petite lueur inqualifiable briller dans ses yeux. Mauvais, pensa-t-il. Calme-toi je t'en prie, ne rend pas les choses plus compliquées qu'elles ne le sont déjà, la supplia-t-il mentalement.

Les parents, quant à eux, avaient l'air prêt à entendre que leur fille avait été noyée dans son sang avant d'être enterrée dans la forêt.

Lina prit enfin la parole. :

- Maman, papa, je...je vous promets que je n'ai jamais voulu ça ! Ce n'était absolument pas prévu. Jamais je n'aurais imaginé une seule seconde que... Je ne me suis jamais doutée de rien ! Tout ça est très confus et je sais que vous allez m'en vouloir, ajouta-t-elle en baissant les yeux.

Sa mère lui prit les mains :

-Lina, on ne t'en veut pas. C'est juste que c'est compliqué à admettre pour tout le monde. Ça nous a surpris mais on t'aimera toujours quoi qu'il arrive.

-Ta mère a raison, acquiesça Grégoire. Nous t'aiderons à trouver une bonne famille pour tes jumeaux et on s'assurera qu'ils y seront heureux,  ne t'en fais pas.

Lina retira sa main de celle de Véronique et se replia sur elle-même.

-Je ne crois pas pouvoir y arriver...

Ses parents lui donnèrent un regard compatissant :

-C'est normal Lina, tu es encore si jeune. C'est pour cela que nous t'accompagnerons dans le processus d'adoption.

-Non.

La réponse était sortie nette, claire, irrévocable.

-Comment ça non ? s'étonnèrent Mr et Mme Fenton d'une même voix.

Liam fixait Lina, essayant de lui suggérer de ne pas provoquer un scandale, mais elle l'ignora :

-Non, je ne peux pas les abandonner ! Ce sont mes enfants et je suis leur seule responsable légale. C'est à moi de prendre les décisions ! Je ne peux pas les laisser tomber, même si ça ne vous plaît pas !

Voyant la conversation s'envenimer, le docteur Bris prit la parole, posant sa main sur le bras de Lina, lui ordonnant ainsi de se calmer :

-Écoutez, je comprends que ce n'est facile pour personne. Mais Lina a raison : légalement, elle est la seule personne apte à décider. J'ai parlé avec votre fille un peu plus tôt, et je peux vous assurer que cette décision n'a pas été irréfléchie. Maintenant, si c'est ce qu'elle veut, vous avez le choix de l'accepter et la soutenir ou de la laisser se débrouiller seule, dans quel cas je l'emmènerai dans un centre social.

Véronique resta sans voix. Qui était cet homme pour se permettre de les contredire ainsi sur l'éducation de leur propre fille ? Il était clair pour elle que Lina ne pourrait jamais s'en sortir dans sa vie avec deux bébés à sa charge.
Après quelques minutes de silence, elle prit enfin la parole d'une voix trop lente et trop calme pour l'être vraiment :

-Écoute Lina, tu es jeune, tu as encore tellement à apprendre ; tu as encore toute la vie devant toi. Je ne veux pas que tu prennes une décision sur un coup de tête qui te coûtera pour le restant de tes jours, expliqua-t-elle doucement d'un air peiné. Je veux ce qu'il y a de mieux pour toi : que tu fasses des études, que tu sois heureuse, que tu aies la vie dont tu rêves. Si tu décides d'élever tes jumeaux, ta vie changera à jamais.

-Mais c'est trop tard pour ça, maman. C'est trop tard.

Lina retenait avec peine les larmes qu'elle sentait couler sur ses joues

-Ma vie a déjà changé à jamais. C'est trop tard.

LinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant