Chapitre 31

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Une quinzaine de minutes plus tard, Eleanor débarquait avec vivacité devant la porte de chez son amie, son grand sac rouge au bras, s'acharnant sur la sonnette de l'entrée.

Lina vint lui ouvrir peu après.

Eleanor avait peur de retrouver une personne autre que son amie derrière la porte, une personne changée. Mais c'était toujours la même Lina qui se tenait devant elle. Peut-être un peu plus pâle, mais toujours aussi grande, toujours aussi élancée et avec la même habitude de regarder les gens droit dans les yeux, comme si elle souhaitait lire en vous.

- Eleanor...

Lina lui tomba aussitôt dans les bras, sentant ses paupières devenir humides.

Son amie lui rendit son étreinte, arborant certainement la même expression un peu perdue que la jeune maman.

-Je suis contente que tu sois venue, lui dit-elle en s'éloignant légèrement, un petit sourire aux lèvres. Viens, entre.

Eleanor la suivit dans la grande maison des Fenton où elle était déjà venue un nombre incalculable de fois. Mais quelque chose avait changé, elle pouvait le sentir. Le grand salon était pourtant toujours le même avec ses meubles blancs et toujours intacts, comme sortant tout droit d'une publicité pour un nettoyant. Chez elle, c'étaient toujours les cris et le bazar qui caractérisaient l'ambiance, mais pas ici. Chez Lina, tout était silencieux et ordonné.

Sans rien ajouter, Lina lui fit signe de la suivre dans l'escalier. Les deux filles entrèrent alors dans la chambre des jumeaux.

Eleanor s'approcha des berceaux et regarda tour à tour les deux minuscules bébés qui s'y trouvaient. L'un portait un pyjama bleu, l'autre rose.

Lina prit son petit garçon dans les bras et intima à son amie de s'asseoir. Eleanor s'exécuta et ouvrit la bouche pour la première fois depuis qu'elle était arrivée :

-Comment il s'appelle ?

-Louis, répondit la jeune maman en souriant franchement cette fois. Et elle Lindsey.

Elle berça doucement son fils avant de le remettre dans son lit et de prendre sa fille :

-Tu veux la prendre ?

Eleanor fut d'abord un peu surprise par sa question, puis souffla :

-Euh... oui d'accord.

Lina savait que son amie avait l'habitude des bébés ayant une petite sœur et un petit frère.

Elle passa donc délicatement sa fille à Eleanor qui la cala aussitôt dans une position confortable dans ses bras. Lindsey se mit doucement à gémir, de sa petite voix de souris avant de peu à peu se calmer, bercée par les bras de l'adolescente. Eleanor se rassit alors sur le fauteuil avant de lever les yeux vers son amie, le regard plein de questions.

N'osant pas se lancer trop vite, elle lui demanda alors :

-Et toi, Lina, comment tu vas ?

L'intéressée haussa les épaules.

-Je ne sais pas. Tu sais c'est compliqué. Je n'arrive pas à me rendre compte de la situation. Le médecin m'a dit que c'était normal après un déni aussi important, ajouta-t-elle en regardant sa fille dans les bras de sa meilleure amie. Mais j'ai l'impression d'être décalée. D'être là et ailleurs en même temps tu comprends ? 

Eleanor hocha la tête.

-Tu sais, si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux toujours me le dire, ajouta-t-elle. Si tu veux que je garde les petits choux de temps en temps tu peux toujours me demander ok ?

Lina la prit dans ses bras une nouvelle fois, faisant attention à ne pas écraser Lindsey et lui murmura à l'oreille :

-Merci ! Merci... 

Eleanor appuya sa tête sur son épaule. Elle avait compris ce que son amie voulait dire.

Après avoir couché les jumeaux, Lina se rendit dans sa chambre avec Eleanor. Elles s'assirent sur le lit et commencèrent à parler des derniers ragots du lycée :

- Tu savais qu'apparemment Mme Farm aurait eu une liaison avec le surveillant ? Récitait Eleanor, se penchant vers son amie comme si elle lui confiait la confidence de l'année.

-Non tu plaisantes ! Ce vieux grincheux avec Farm ? Riait Lina à s'en étouffer.

Eleanor partit alors dans une imitation parfaitement réussie du supérieur des surveillants, faisant hurler de rire son amie qui se tenait les côtes en roulant sur les draps.

C'était si bon de pouvoir rire à nouveau, d'être ici avec El, comme avant, comme si rien n'avait changé, pensa Lina en essuyant les larmes qui menaçaient de couler, tant elle rigolait.

Après avoir passé en revue toutes les actualités, Lina se décida enfin à poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis un moment :

-Et sinon, euh... Au lycée comment ça va ? Lâcha-t-elle en jouant distraitement avec son oreiller, comme si elle posait une question comme une autre.

-Et bien ça va. Tout le monde attend ton retour avec impatience. Personne ne sait vraiment ce qui s'est passé, ajouta-t-elle en regardant son amie qui se contenta de lever les épaules. Sinon on a étudié de nouveaux textes en français : je te les ai apportés dans mon sac avec le reste des cours.

-Merci tu es un amour, la remercia Lina en souriant. Comment les as-tu eus en double ?

Eleanor lui jeta un coup d'oeil complice.

-Je crois que ce prof m'aime bien. Tu devrais voir comme il se comporte avec moi. Il n'arrête pas de m'interroger.

Avant qu'elles puissent cependant s'étendre davantage sur le sujet, Eleanor préféra changer de direction

-A part ça, James n'arrête pas de me demander de tes nouvelles. Je crois qu'il t'aime bien, lui aussi s'exclama Eleanor d'un air explicite.

-Mais non, pourquoi il m'apprécierait particulièrement ? Moi ? Répliqua la jeune maman. De toute façon, j'ai déjà Jessy et je...

Se rendant compte de ce qu'elle s'apprêtait à avancer, Lina se tut aussitôt et baissa la tête.

-Écoute El, il faut que je te parle de quelque chose, commença-t-elle alors que son amie se redressait, afin de mieux écouter ses propos. Lorsque j'étais à l'hôpital, le médecin m'a dit que Louis et Lindsey étaient prématurés. De 2 mois.

Lina s'attendait à ce qu'Eleanor réagisse aussitôt. Mais il n'en fut rien.

-Cela veut dire que j'ai... enfin que ça s'est passé en mars, ajouta-t-elle, incapable de trouver ses mots. Est-ce que tu te souviens de la fête d'anniversaire de Jessy, en mars ?

Son amie hocha la tête. Bien sûr qu'elle s'en souvenait : Lina avait été tellement soûle qu'Eleanor avait dû raconter une excuse bidon à son copain afin de la ramener chez elle elle-même, ne voulant pas que Jessy la voit dans cet état.

-El, j'ai fait une énorme connerie. Je ne me le pardonnerai jamais ! Sanglota-t-elle alors. J'avais beaucoup bu, je ne me rappelais même pas de cette soirée ! Mais tout m'est revenu en mémoire l'autre jour. La fête chez Lorenzo, la musique, la vodka cerise et...

Lina cacha son visage dans ses mains et murmura :

-Et Aaron... 

LinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant