Lina

Chapitre 25

Eleanor n'avait fait quasiment que penser à Lina de toute la journée. C'était ce qu'elle faisait encore alors qu'elle se dirigeait vers son dernier cours de la journée : français. Ce qu'elle avait vu dans les toilettes l'avait profondément marqué et la travaillait. Elle n'arrivait pas à y croire ; ce n'était juste pas concevable. Elle aurait dû remarquer quelque chose. Lina était sa meilleure amie. Une grossesse ne passe pas inaperçu, si ? Eleanor ne savait que très peu de chose sur le déni de grossesse, un phénomène dont on entend si peu parler finalement. Mais quand même ! Elle aurait dû remarquer quelque chose.

En même temps, il y a tout de même une chose que Eleanor devait avouer. Elle était extrêmement inquiète pour Lina, c'était une certitude. L'adolescente était consciente que c'était mal que de résonner de cette façon, mais Eleanor se rendait bien compte que cette histoire avec sa meilleure amie lui devait au moins une chose : cela l'empêchait de penser à d'autre personne à qui elle n'était certainement pas supposée penser –comme par exemple la personne se trouvant juste devant elle, derrière son bureau et son ordinateur-. 

Après que tous les lycéens soient rentrés, le professeur referma la porte et commença à distribuer des textes à lire à ses élèves.

Lorsqu'il arriva à sa hauteur, Eleanor sentit toutes les cellules de son corps se mettre en alerte. Son cœur s'arrêta de battre quand elle sentit son souffle chaud dans son cou alors qu'il se penchait pour ramasser une feuille qu'il avait laisser tomber. Il se tourna alors vers son oreille et murmura d'une voix si basse que personne, à part elle, ne l'entendit :

-Alors c'est toi la fille de toute à l'heure... 

Son parfum faillit la faire tomber de sa chaise. Non, non et Non El ! Tu dois te ressaisir, pensa-t-elle. C'est ton professeur, ton prof principal, ton...

Une main sur son bras la sortit de sa rêverie, la faisant légèrement sursauter :

-El, est-ce que tu es sûre que ça va ? Tu n'as pas dit un mot depuis ce matin, la questionna Joséphine, assise juste à côté d'elle. Et tu es toute pâle. Je sais que tu ne veux pas parler de Lina pour l'instant, mais tu ne penses pas que cela pourrait te faire du bien ? Tu sais que je suis là si tu en as besoin.

Eleanor la remercia avant de retourner à ses textes. Elle ne méritait pas d'être amie avec Joséphine : elle était beaucoup trop gentille. Eleanor faisait tous les efforts possibles pour se concentrer mais cela restait sans résultat. Rien ne semblait pouvoir la convaincre de se focaliser sur son travail. Les mots se mélangeaient dans sa tête jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive qu'elle relisait la même phrase depuis dix minutes.

Eleanor se remit à penser à Lina. Lina qui avait sûrement très peur en ce moment ; qui était toute seule et qui devait faire face à cette situation.

Son amie savait que Lina était réservée et ne se confiait à personne, parfois pas même à elle. Mais Lina était réfléchie, et elle n'avait jamais rencontré quelqu'un avec autant la tête sur les épaules.

Eleanor essayait tant bien que mal de reporter son attention sur ses feuilles quand elle sentit un regard posé sur elle. Elle leva les yeux.

Elle eut juste le temps d'apercevoir ceux de Mr Lewis se baisser vers son clavier d'ordinateur sur lequel il se mit à taper énergiquement.

Eleanor essaya de reprendre sa lecture. Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Elle allait définitivement laisser tomber l'espoir de se concentrer lorsqu'elle surprit à  nouveau ses yeux perçants sur elle. Cette fois, il soutint son regard.

Ils restèrent ainsi un certain temps jusqu'à ce qu'une élève pose une question, rompant ainsi leur contact visuel.

Ce n'était pas possible, il voulait qu'elle ait une crise cardiaque ?!