XIV. Sᴄᴀʀs 1/3 • ʟɪᴠᴀɪxʀᴇᴀᴅᴇʀ OS

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J'aurais aimé pouvoir dire que je le comprenais.

Je voulais savoir ce qu'il cachait, mais le voile brumeux de ses yeux restait impénétrable, impassible et obstinément clos. Aucun de ceux que nous connaissions, ne pouvait se targuer d'y avoir perçu une once de bonheur. Jamais.

J'avais constamment peur.

Peur que même sous la surface, il n'y en ait pas du tout ; ce qui était de toute façon, fort à parier. Quelle joie, dans quel monde et pour qui ? Dans le nôtre, elle se faisait rare. Les tourments de la mort omniprésente, l'abandon, la perte d'êtres chers, le danger constant... tant d'éléments plus douloureux les uns que les autres, faisaient barrière à l'obtention de cette paix intérieure inaccessible.

Mais il y en avait un que je n'avais pas vu venir. Une blessure profonde, enfouie qui avait brisé mon âme de part sa violence inaudible. Une qu'il avait inconsciemment partagé au creux de la nuit, dans son sommeil torturé de songes indicibles. Plus rien n'avait le même goût. Ma vision, mes sentiments, ma volonté avaient été balayés d'un simple murmure agonisant dans la pénombre.

Une nuit qui avait changé ma perception et tout ce que je pensais savoir de lui.

*****

– Vous la connaissez ?

Ça devait faire cinquante fois que je posais cette question et j'avais été chanceuse dans mes recherches, jusqu'ici. Le Titan Féminin avait ravagé Stohess, comme je m'y attendais. Le plan n'avait pas complétement foiré mais il n'avait pas non plus été une réussite. Cette merde était un douloureux rappel de Trost d'ailleurs ; identification de victimes, recherche de corps et préservation de la salubrité des rues.

Cette fois, les brigades avait réquisitionné le bataillon pour cette tâche et peu avait sauté de joie, bien qu'ils semblaient tous se sentir coupable. C'était cette culpabilité qui les poussaient à tout simplement se taire et exécuter les ordres, même si ceux-ci venaient d'un autre corps d'armée.

– Je connais pas son nom, mais elle était connue par ici, répondit enfin le soldat.

– Génial. Des précisions ?

Du coin de l'œil, j'aperçus le Major qui discutait avec un haut gradé des Brigades, à quelques mètres de nous. Comment il s'appelait celui-là déjà ? Naile truc, je crois. Lui n'avait pas l'air d'apprécier la conversation et ce qu'ils foutaient dans cette zone de guerre morbide, était aussi un mystère.

– C'est une prostituée de la capitale. Elles font souvent des allers-retours.

– Pourquoi ?

Je voulais pas savoir. Je voulais rien voir non plus. On savait tous ce qui se passait sous la capitale. On savait tous aussi ce que les nobles faisaient de leur temps et de leur argent mais pour savoir si elle avait de la famille, je devais avoir un minimum d'information.

– Les nobles d'ici, leur payent le voyage. C'est toujours les mêmes qui se ramènent.

Ce rictus me donnait la gerbe, et accessoirement l'envie de l'encastrer dans le mur devant nous. Le fait qu'elles fassent ça par dépit plutôt que par choix, ne semblait pas lui traverser l'esprit. Ce connard se disait sans doute qu'elles aimaient ça autant que les riches et mon poing me démangeait déjà.

– Et je suppose que pour satisfaire la haute populace, elles n'ont pas besoin de noms ?

– Tabea Holtz.

La voix d'un homme s'éleva derrière nous et je fis volte-face pour me retrouver devant un homme d'un certain âge, le regard perdu sur le corps sans vie de la jeune femme. À en juger par la qualité de sa veste, ses traits vieillis mais soignés et son léger surpoids, je sus instantanément que c'était un aisé des beaux quartiers de Stohess.

➢ Hᴜᴍᴀɴ Sɪɢɴs [OS Cᴏʟʟᴇᴄᴛɪᴏɴ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant