Chapitre I

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Vous vous êtes toujours demandé ce que cela fait d'être traqués, d'êtres abusés par ses proches, d'être trahis par ses amis ?

Vous regardez la vie avec haine, mécontentement, vous la voyez comme quelque chose de terrible, d'affreux étant mêlé par une souffrance infâme par les erreurs et les échecs que vous avez faites.

Mais vous êtes-vous au moins demandé ce que je pourrais ressentir de tout cela ? Avez-vous assez de courage pour vous mettre dans ma peau, une seule seconde ?

Je ne vous le conseille pas, non. Cela vous détruirez, comme j'ai été détruit.

Ce monstre, dont j'ai sous-estimé la cruauté, a détruit ma vie, je suis tombé dans son piège.

Et maintenant j'en paie le prix

- Eve, dépêche toi. Tu vas être en retard !

La voix, étouffée, montait du salon. Je me brossais une dernière fois les cheveux bruns et bouclés et les laissai lâche. Puis j'ai attrapé mon sac et je suis descendu.

Dans le salon, ma mère m'attendait. Celle-ci était toujours fatiguée. Elle avait un visage fin, des traits sévères et les cheveux soyeux attaché en queue-de-cheval.

- Bonjour, je suis désolée.

- Encore un de tes rêves ?

- Oui, encore un de mes rêves, répondais-je en l'embrassant.

- Au fait, j'irai chez un ami ce soir. Ne m'attends pas pour dîner.

- D'accord, pas de souci !

Je refermais la porte, n'attendant pas une autre réponse de ma mère.

Dehors, je m'arrêtais net. Un malaise émergeait soudain : j'avais la certitude que quelque chose de terrible était sur le point de se produire. La rue était calme.

Les grandes maisons, pourtant si bruyantes le matin, avaient l'air étrangement vides. Le plus étrange de tout cela, malgré ce vide considérable, était la sensation d'être épiée. Quelque chose m'observait, j'en suis sûre.

Dans la forêt au bout de la rue, j'aperçus une forme. C'était une silhouette parmi les arbres aux feuilles jaunes. Il me regardait.

Je me raisonne toute seule. C'était ridicule. Pourtant, je n'arrive pas à me débarrasser de cette idée. Elle était si grande. C'était sans doute un homme. Il était immobile au point qu'on aurait pu le comparer à un épouvantail. En l'examinant, je sentais le feu me monter au visage : il m'observait, effectivement, d'une attitude qui me rappelait celui des garçons timides n'ayant pas le courage de m'aborder. Ou bien pire, celui des garçons qui me voyaient en maillot de bain ou avec un mini haut.

Sans réfléchir, je ramassais un caillou. Je lançais ma petite arme. La pierre ne l'atteint pas. L'homme recula dans la forêt avant de totalement disparaître.

Je lançais un coup d'œil à la ronde, gênée à l'idée que quelqu'un est pu me voir. Tout semblait calme : je me rendais compte à quel point, mon geste était déplacée. Une petite brise souleva quelques mèches de mes cheveux bruns. Je respirais de nouveau.

Plus loin dans la rue, une porte s'ouvrit et une jeune femme en sortit. Elle me sourit et j'en fais de même. Un grand soulagement m'envahissait. J'ai agi si bêtement, qu'est-ce qui m'a pris ? C'était le début d'une longue journée. Rien de désagréable ne pouvait survenir.

Au moins, je vais pouvoir en discuter avec les autres. Tout le monde allait sûrement me demander pourquoi j'ai tardé. Je leur dirai simplement qu'un voyeur m'avait importunée et que je me suis arrêté pour lui lancer un caillou... Un bon sujet de discussion.

Oubliant cet homme, je m'éloigne d'un pas vif.

Les minces rayons de soleil qui filtraient à travers les feuilles jaunes, réchauffaient doucement la forêt de sa fraîcheur matinale.

Un corbeau se posa bruyamment au sommet d'un sapin de Douglas, et Slender leva la tête. Il n'était pas si impressionné par l'oiseau. Son regard se concentra sur la petite forme inerte qu'il tenait dans ses mains. Sa faim grandissante l'avait amené à tuer ce pauvre lapin.

Mais il en voulait plus. Ce paradoxe ne l'effrayait guère. Il était une bête, un monstre sanguinaire. Il savait jusqu'où, il était capable d'aller pour se rassasier.

Vêtue de son costume noir, Slender Man ressemblait à n'importe quel homme d'affaire. Mais la réalité était différente : c'était un prédateur venu se nourrir dans la forêt. À présent, il léchait les lèvres pour effacer toute trace de sang.

Aujourd'hui, il n'était pas venu pour tuer. Il est venu pour autre chose. Il avait fait la route depuis le Canada pour retrouver celle qui hantait désormais son esprit.

Il s'était finalement décidé pour Portland, en Oregon. C'était là qu'elle résidait depuis son départ du Maine. Il s'était également dit que les habitants devaient sûrement en connaître un rayon sur lui.

Il était après tout le même d'internet le plus populaire : pour cette raison, il aurait pu s'immiscer. Mais il savait que cet espoir était mince, il n'a jamais réellement existé pour eux.

À cette pensée, un sourire cruel incurva sa fine bouche. De toute façon, ce n'était pas ce qu'il recherchait : il existait d'ailleurs aucun endroit où il pourrait se montrer, du moins, en ville. Il avait définitivement gardé les ténèbres en lui. Il avait pris ce chemin. Celui du massacre et de la souffrance.

Slender réalisa soudain qu'il tenait toujours la dépouille du lapin et le jeta au sol. Il reconnut le pas d'un renard au loin. "Vient mon ami", pensa-t-il cruellement. Viens donc prendre ton dîner.

Silencieux, il remarqua que le corbeau était encore là. Il voulait sonder l'esprit de l'oiseau, mais il se ravisa, ce n'était qu'un stupide volatile.

Il atteignit l'orée du bois sans un bruit, malgré les brindilles sèches. Il ne put s'empêcher de se retourner pour vérifier le volatile. Les ailes déployées, le corbeau se posa au-dessus du petit corps inerte. Slender trouvait ce tableau sinistre amusant. L'oiseau avait bien le droit de se nourrir, mais lui, il y voyait une représentation de la mort.

S'il rencontrait à nouveau l'oiseau, il sonderait son esprit. Pour le moment, il devait se dépêcher de faire ce pour quoi, il était ici.

Always Watching {Part 1}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant