Chapitre 10 (waouh)

35 8 21
                                    

Es était assise en face du shérif. Il avait la mine sérieuse et triturait un stylo du bout des doigts. Il était nerveux. Si une complication survenait, et qu'il arrivait malheur à Es, alors il risquerait de perdre son job. Son supérieur avait autorisé leur collaboration, mais seulement s'il prenait toute la responsabilité sur ses épaules. Mais il n'avait pas pris cette décision à la légère, il était dans une impasse avec cette enquête. L'agresseur ne laissait jamais aucune trace, ni aucun témoin. Sa seule victime encore en vie était en face de lui à cet instant, et il devait tirer avantage de cet atout précieux. Il connaissait son dossier et son témoignage sur le bout des doigts, mais ce n'était pas ce dont il avait besoin. Il lui fallait des informations nouvelles. Quelque chose qui le mettrait sur une piste.

"Bon, commençons. On va procéder par un raisonnement logique. Je vais vous dire ce que je sais et vous allez compléter ou rectifier. Ça vous va ? Et n'hésitez pas à me dire lorsque vous avez besoin d'une pause."

Es hocha la tête et se prépara intérieurement à se remémorer les pires souvenirs de sa vie. Son cœur s'emballa, mais son visage resta neutre.

"Alors, partons du début. Le 27 juin dernier, vous étiez dans la ville de Blue Valley à environ une centaine de kilomètres d'ici accompagné de votre ami, Lysandru Morgan. C'est bien ça ?

- Oui, répondit Es en serrant les poings.

- Aux alentours de dix-neuf heures, il faisait nuit et vous étiez allée vous promener avec Lys dans les rues de la ville, quand vous avez surpris un homme d'une trentaine d'années agressé une jeune femme. Il était grand, yeux bleus, cheveux bruns et légère barbe. Il s'est immobilisé quand vous lui avez hurlé dessus de "dégager". Il vous a ensuite observé minutieusement, comme l'indique le témoignage de Lys. Sous vos yeux, il a arraché le collier du cou de la jeune et lui a brisé la nuque en quelques secondes. Je sais qu'à partir de ce moment-là vous ne vous souvenez plus de ce qui s'est suivit."

Le shérif fit une pause et Es en profita pour récupérer son souffle. Elle était restée tendue tout le long de son discours sans jamais l'interrompre. Ce qu'il venait de lui conter était ses propres mots après tout. Elle connaissait cette histoire par cœur. En même temps, elle était le personnage principal de cette tragique histoire. Quand elle y pensait, elle se disait qu'il s'agissait seulement d'un hasard. D'un malheureux hasard. Si elle n'avait pas été en vacances avec Lys chez sa grand-mère cet été-là, peut-être être qu'elle n'aurait jamais croisé ce type. Peut-être que s'ils avaient regardé un film comme l'avait proposé Lys, ce ne serait jamais arrivé non plus. Un hasard, ce n'était que ça. Et lui mettre cette évidence sous les yeux ne faisait que renforcer sa haine.

"Es ? Je peux continuer ? demanda le shérif en la tirant de ses pensées."

Pour toute réponse il eu, une fois de plus, un hochement de tête, la marque de fabrique de Es.

"Alors, par la suite, on a retrouvé le corps sans vie de la jeune femme près de celui de votre ami. Il était inconscient et n'avait aucune idée de l'endroit où vous étiez. Il a été conduit à l'hôpital et les policiers l'ont interrogé. Les jours suivant votre disparition, de longues recherches ont été mises en place pour retrouver votre agresseur grâce à un portrait-robot, dit le shérif en attrapant une feuille qu'il mit sous les yeux de Es, ce portrait qui a été ensuite redessiné grâce à votre aide."

Le choc de revoir ce visage lui fit un pincement au cœur. Son souffle venait à manquer et elle devint aussi blanche que la feuille de papier. Elle ne pouvait quitter le dessin des yeux, chaque détail de son visage lui revenant en mémoire. Son regard vicieux, cette sensation de mal-être lorsqu'il l'approchait et ses doigts longs et fins qu'il craquait avant de...

ESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant