ES

Chapitre 11

Le choc de cette révélation avait été énorme, mais quelque part au fond d'elle, elle l'avait toujours su. Il était beaucoup plus facile d'ignorer ce mauvais pressentiment. Mais maintenant voilà qu'elle se retrouvait avec cette réalité projetée en plein dans la face. Elle ne pouvait pas expliquer au shérif qu'elle avait vu ce meurtre en direct dans son rêve. Il ne pourrait jamais le croire. C'était trop étrange pour qu'un esprit sain croit à cette histoire. Mais elle avait des preuves, elle pouvait fournir des détails que les policiers ne connaissaient pas encore. Comme le fait de savoir à quoi ressemblait exactement le collier qu'elle portait avant de mourir. Le shérif savait que les affaires étaient reliées par une histoire de collier, mais c'est tout. Elle pouvait lui fournir plus de détails que ne le ferait n'importe lequel des enquêteurs.

"Vous la connaissez ? demanda le shérif en interrompant ses pensées."

En voyant l'attention avec laquelle Es regardait la photo, cette hypothèse lui avait paru évidente. Es scrutait l'image avec un air étonné et plein d'incompréhension.

"Non, non, bien sûr que non. Je me demandais juste si c'était possible de voir les images des autres victimes. Peut-être que je pourrais faire un lien entre elles, suggéra Es en relevant la tête.

- Oui, d'accord. Si ça vous évoque quelque chose prévenez-moi. L'agent Lewis ici présent vous apportera les dossiers des affaires similaires à... hum... la vôtre. Vous pourrez les feuilleter le reste de la journée, mais je dois partir pour la scène de crime. Je vous laisse entre de bonnes mains."

A la fin de sa phrase, le shérif quitta la pièce. Es se retrouva seule face à l'agent Lewis qui la regardait avec une certaine interrogation. Il était nouveau, Es ne l'avait jamais vu avant. Enfin, elle ne l'avait pas vu lorsqu'elle avait eu affaire à la police il y a quatre mois. Ses cheveux blonds presque châtains étaient coupé court et ses yeux marron clair ressortaient à la lumière de l'éclairage. Il était jeune, la vingtaine sûrement, il dépassait Es de quelques centimètres. Son visage était plutôt harmonieux, même s'il avait gardé ses joues d'enfant. Le regard insistant de Es le mit mal à l'aise et il quitta la pièce d'un pas rapide.

Es sourit malicieusement puis s'assit à la table où elle avait commencé de travailler avec le shérif. Elle sortit son téléphone de sa poche et vit deux notifications. La première était un message de sa mère qui lui demandait de ses nouvelles. Elle formula une réponse rapide et passa au deuxième message. C'était un message vocal de Lys. Comme Eryn, il demandait comment elle allait, mais dans la fin de son message, il lui faisait part de quelque chose qu'il avait trouvé.

"Hier, avant que je parte, Eryn m'a expliqué ce qu'il se passait et elle m'a parlé du fait que le shérif pensait que le lien dans cette histoire était les colliers. Je sais que tu m'as déjà dit que tu ne savais pas d'où tu tenais le tien, alors je me suis dit qu'il fallait commencer par là. D'ailleurs ça serait bien que tu m'envoies des photos des colliers disparus. Enfin bref, j'ai trouvé un site internet où une certaine Astrid fabrique des pendentifs ancien avec des pierres précieuses. Ils ressemblent étrangement au tien. Donc ça serait bien qu'on aille y faire un tour. J'espère qu'on trouvera une piste. Bref, salut !"

Un silence se fait entendre dans la pièce. Qui ne dura que quelques secondes.

"Et au fait, je viens chez toi ce soir ! Bon j'y vais vraiment là ça fait cinq minutes que je suis sensé être en cours."

Nouveau silence. Es ne put retenir un sourire. Elle l'imaginait courir avec son sac sur le dos dans les couloirs vides du lycée et trouvant une excuse bidon pour le professeur. Puis elle pensa à ce qu'il venait de découvrir. Elle prit son collier dans sa paume et se demande si un si petit objet pouvait être la source d'autant de malheur. Qu'est-ce que ces colliers avaient de particulier ? Pourquoi une espèce de malade mental voudrait voler les colliers de jeunes filles ? À quoi ça pourrait bien lui servir ? Ils n'avaient aucune valeur et Es ne parvenait pas à se souvenir d'où elle avait pu trouver le sien. Elle savait juste qu'il comptait pour elle et qu'elle ne s'en séparait jamais. Elle en conclut qu'il s'agissait sûrement d'un fétichiste avec des problèmes psychiatriques évident. Mais en plus de cela, il était dangereux et meurtrier, elle devait donc explorer la piste qu'avait trouvé Lys. Elle se félicita d'avoir un si bon ami.

L'agent Lewis fit son apparition dans le bureau avec une pile de dossier dans ses bras. Il les déposa sur la table devant elle. Es le remercia et ne sut pas par quoi commencer. Une dizaine de dossiers étaient sous ses yeux, chacun sur un meurtre différent. Un frisson lui chatouilla la colonne vertébrale. Est-ce qu'elle était vraiment prête à revoir ces visages, et même des nouveaux ?

"Vous voulez de l'aide ? Je sais que je ne suis pas sur l'affaire depuis très longtemps, mais j'ai assez parcouru ces dossiers pour vous aider à trouver ce que vous cherchez, dit-il avec un sourit réconfortant.

- Je veux bien merci, mais le problème, c'est que je ne sais même pas ce que je cherche. Je ne sais pas non plus si je suis très utile en fait, rigola Es en se prenant la tête dans les mains.

- Je pense qu'on est dans une impasse et que vous êtes la seule à pouvoir nous aider. Vous connaissez le tueur, c'est un atout énorme qui peut nous servir à anticiper ses mouvements."

Es hocha la tête comme approbation et commença à trier les dossiers entre ceux qu'elle connaissait déjà et ceux qui avaient eu lieu ces quatre derniers mois. Elle attendrait ensuite que l'agent Lewis sorte de la pièce pour prendre en photo les différents colliers dessinés par la famille ou encore sur d'anciennes photos. Mais c'est vrai qu'en les regardant, elle remarqua qu'ils avaient tous quelque chose en commun. D'abord, c'était tous des pendentifs en cuivre, un style ancien et surtout une pierre précieuse en son centre. Ils étaient uniques, et pourtant, on pouvait deviner en les regardant minutieusement qu'ils avaient été confectionnés par la même personne. Chaque artiste a une marque propre à lui-même qu'il laisse sur son œuvre. Et Lys avait sans doute raison, cette Astrid devait avoir des informations.

Mais elle ne voulait pas révéler cette information au shérif avant d'avoir eu une discussion avec cette personne. L'origine de son collier ne l'avait jamais préoccupé, mais maintenant, son instinct lui disait de foncer pour trouver les réponses qu'elle cherchait. Peut-être que le shérif avait raison finalement, les colliers étaient le mobile de tous ces meurtres.

"Là, dans ce dossier, ce sont les photos des scènes de crime, je ne sais pas si vous souhaitez... commença l'agent Lewis.

- Si. Je veux voir, répondit Es en prenant le dossier dans les mains. Merci."

Et c'est avec effroi qu'elle ouvrit le dossier et découvrit des dizaines d'images sur lesquelles on pouvait voir plusieurs corps de jeunes femmes étalées au sol. Mais le pire fut que Es les reconnut toutes. Chacun des corps correspondant à un de ses rêves. Sans avoir plus d'informations, elle pouvait décrire de quelle manière elles étaient mortes. C'était très troublant et difficile à gérer. Comment expliquer une telle situation ? C'était incompréhensible et totalement illogique voire surnaturel. Mais ce n'était pas la première fois qu'elle voyait des choses étranges arrivées.

"Vous allez bien ? Je peux aller vous chercher un café, proposa l'agent en face d'elle."

Es hocha la tête sans le regarder, et dès qu'il fut sorti de la pièce, elle sortit son téléphone et prit en photo les colliers. Elle les montrerait à Lys ce soir, et ils décideraient ensuite du plan d'attaque. Plus question de se laisser abattre maintenant, elle avait la responsabilité de trouver comment attraper cet homme. Peut-être que finalement sa rencontre avec lui n'était pas le fruit du hasard. Peut-être que maintenant, il la cherchait. Elle devait trouver des réponses, et vite. Avant que d'autres corps viennent s'empiler.