Prologue

1.4K 45 6
                                    

En refermant la porte de sa chambre, Ashley se rendit enfin compte de ce qu'il se passait. C'est comme si pendant tout ce temps, elle avait été dans un état second, un sorte de choc post-traumatique. Elle avait agit comme un automate. Elle obéissait au moindre ordre de sa mère, mais elle n'arrivait même pas à prendre des décisions toutes seules. Elle avait même du voir le psy de son lycée. À la longue, elle avait laissé tombé ses amis pour se réfugier dans un coin et attendre dans un état presque comateux que la journée se finissent. C'était tout ce qu'elle voulait. Le matin, à son réveil, c'est ce qu'elle souhaitait, vite en finir. Et en rentrant, elle ne voulait pas être le lendemain. Elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle devait continuer alors que son univers s'écroulait. C'était tellement futile. Totalement inutile.

Au début, on l'avait soutenu quand son père était mort. Ses amis étaient même venu à son enterrement. Mais elle avait finit par ne plus parler, par s'enfermer dans un mutisme total. Elle voulait juste que sa mère ne la voit pas souffrir : elle-même devait souffrir assez comme ça d'avoir perdu l'homme qu'elle aimait, elle n'avait décemment pas besoin de voir sa fille dans un état larmoyant. Alors elle s'était interdit de pleurer. De toutes les manières, pleurer n'avait jamais aider personne, encore moins ramener les morts à la vie. C'était même presque égoïste de pleurer les morts. Eux ne souffraient plus – c'était bien là l'avantage d'être mort – si les vivants pleuraient c'est parce que eux souffraient de l'absence de l'autre. Quand Ashley avait dit ça à son amie Haylee, elle était sûre que la petite blonde l'avait prise pour une sociopathe. C'est elle qui avait dit au principal qu'elle avait un sérieux problème. Mais les tests n'ont pas été concluant. Elle n'avait rien : elle n'était ni sociopathe, ni psychopathe, elle n'avait aucun trouble particulier. Elle était juste une coquille vide.

Ashley ne s'était pas rendu compte que ce comportement était en fait sûrement plus destructeur pour sa mère que si elle avait pleurer. Mais elle était allé trop loin, impossible d'en sortir. Il fallait sourire, faire semblant. Tout va bien, je vais bien. Ne vous inquiétez pas pour moi. Dieu seul sait combien de fois elle avait répété ces phrases avant de ne plus parler du tout.

Il fallait sourire, faire semblant.

Sa mère avait finit par décider de la désinscrire du lycée pendant quelque temps, pour lui faire faire une pause, qu'elle puisse faire le point avait-elle dit. La plupart du temps, elle s'allongeait sur son lit et fixait le plafond. Il y avait 117 planches en bois qui le recouvrait. Et il y avait 216 nœuds dans ces planches.

Sa mère avait maintenant décidé qu'il fallait qu'elles deux prennent un nouveau départ : cette maison, cette ville les faisaient aller vers le fond disait-elle. Il était temps de bouger, de déménager. C'est pourquoi elle en était là. C'était la dernière fois qu'elle fermait la porte de sa chambre, la chambre qui avait été la sienne pendant quinze ans. La chambre qui l'avait vu grandir, dans laquelle elle avait tant de souvenirs. Trop de souvenirs.

Avec un soupira elle ramassa le dernier sac qu'elle devait encore mettre dans la vieille voiture de sa mère avec, imprimé dessus, le logo de sa nouvelle ancienne école. Le pire dans tout ça, c'est que ces lieux ne lui manqueront pas. Elle détestait ce lycée. La seule chose positive était ses amis et elle n'en avait plus. Sa mère avait donc sûrement raison. Il était temps de bouger.

Ashley retourna une dernière fois dans la salle de bain pour vérifier que rien ne restait, qu'elle n'oubliait rien avant son départ et elle croisa son reflet dan le miroir. Elle était d'une pâleur cadavérique et ses traits étaient tirés. Ses yeux noisettes autrefois si rieurs étaient à présent complètement vide. Elle était sombre, même en oubliant son sweat noir. La seule touche de couleur étant ses cheveux roux, bouclés, toujours en bataille. Quoique ça lui donnait surtout l'air d'une sorcière, là tout de suite.

- Ash ! C'est l'heure de partir ! Tu es prête ?

Sa mère. Elle parlait constamment comme si Ashley allait s’effondrer au moindre bruit trop violent. Elle avait toujours été douce, mais là, c'était particulier. En soupirant une nouvelle fois – à croire qu'elle passait son temps à ça – elle descendit les escaliers en prenant garde de ne pas faire cogner les sacs contre les marches. Pas facile quand on ne mesurait qu'un petit mètre soixante-deux. Elle atteint la dernière marche et se dirigea vers la cuisine, là d'où provenait l'appel.

Sa mère était belle. Elle ne lui ressemblait pas du tout, à tel point qu'on aurait pu croire qu'elle n'avait aucun lien de parenté. Ses cheveux, blond et lisse, lui avait fait penser aux princesses plus d'une fois quand elle était une petite fille. Et ses yeux bleu-vert, presque translucide la rendait unique. Oui, sa maman était belle, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Elle était même une magnifique personne.

- Tu n'as rien oublié ? Tu es sûre ? Demanda-t-elle de sa voix douce.

Ashley fit non de la tête. Elle n'avait pas vraiment envie de parler alors pourquoi le faire ? Mais peut-être aurait-elle du, se dit-elle, en voyant la mine déçu de sa mère. Il fallait qu'elle trouve quelque chose à dire, une seule petite chose, même insignifiante.

- J'ai mis tout ce qu'il restait là-dedans. Asséna-t-elle en désignant son sac.

Son ton avait été plus dur que prévu. C'était presque comme si elle n'avait plus l'habitude de parler. Mais ça avait quand même eut l'air de faire plaisir à sa mère alors ce n'était pas si grave, si ?

- Si tout est bon, en route. Ne nous attardons pas plus ici. Décréta sa mère.

Sa valise dans la main, Ashley se dirigea vers la voiture bleu fatigué de sa mère et plaça sur la banquette arrière le sac restant : le coffre était déjà plein et ça avait déjà été une partie de tetris que de le remplir de la sorte. Elle n'avait aucune envie de prendre le risque que tout s'effondre et de recommencer.

Ashley s'assit côté passager et adressa un adieu silencieux à son ancienne demeure lorsque sa mère démarra. Mais elle ne lui adressa pas un regard pour autant.

- Prête pour une nouvelle vie ? Demanda joyeusement sa mère.

Il fallait sourire, faire semblant. Il fallait parler, faire semblant.

- Pas vraiment. Répondit Ashley.

- Tu vas voir, j'ai déjà parlé au maire et au sherrif, les deux m'ont eu l'air adorable et prêt à nous aider. On va se plaire là-bas, j'en suis persuadée.

Il fallait sourire, faire semblant. Il fallait parler, faire semblant.

Toujours faire semblant.

- C'est où là-bas déjà ? Soupira l'adolescente.

- Beacon Hills, mon cœur. Je te l'ai déjà dit ! Rit l'autre femme.

Beacon Hills. Le nom ne lui disait rien. Après tout, elle s'en fichait un peu. C'était juste une ville. Une ville qui allait voir arriver Ashley Clarke, où la fille la moins amusante du monde. Il allait falloir qu'elle fasse bonne impression dès le premier jour pour éviter les questions des élèves et professeurs trop curieux.

Tout va bien, je vais bien. Ne vous inquiétez pas pour moi. Il fallait sourire, faire semblant. Il fallait parler, faire semblant.

Toujours faire semblant. 

Ceux qui courent avec les loups (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant