Chapitre 5.66 : La désespérance, et après...

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 « Shinji Ikari ? »


La voix l'avait extirpé de sa torpeur. Un rêve, cela ressemblait à un rêve car il ne pilotait pas. À vrai dire, il ne savait pas qui pouvait lui parler. Il n'avait pas l'impression d'avoir du mal à respirer donc il n'était probablement pas en train de suffoquer, une bonne chose. Enfin, cela pouvait aussi dire qu'il était déjà mort mais il avait l'intime conviction qu'il n'était pas arrivé au purgatoire. L'endroit dans lequel il se trouvait était un tram. C'était définitivement un rêve, le tram étant coupé en cas d'attaque.

« Hé, mais c'est moi ça !

- Et je suis toi. Les gens ont un autre soi en eux. En fait, le moi est toujours composé de deux personnes.

- ... de deux personnes ?
- Celui qui est visible et celui que l'on observe. Il existe plusieurs Shinji Ikari. Celui qui existe dans ton esprit, celui qui se trouve dans l'esprit de Misato Katsuragi, d'Asuka Sôryu, de Rei Ayanami, de Gendô Ikari... et encore d'autres. Tous différents mais ils sont tous aussi vrai. Et tu as peur d'eux, tu as peur de ces autres toi dans l'esprit des autres.

- Ce dont j'ai peur, c'est que les autres me détestent.

- Peur d'être blessé, de souffrir.

- Et pourtant, je ne suis pas seul.
- Comment ? »


L'autre voix semblait être désarmée, comme si elle ne s'attendait pas à cela.

« Mon père m'a félicité il y a quelques jours.

- Et tu vas vivre en ruminant cette joie ? Tu prétends être heureux avec ces mots, tu vas te convaincre que tu es heureux, en te mentant à toi-même ? Tu vas te voiler la face ? Tu préfères ignorer les choses que tu n'aimes pas plutôt que les affronter.

- Elle m'a dit qu'elle m'aimait et je lui ai répondu que je l'aimais en retour.

- Tu vas te mettre à vivre pour les autres ?
- Il n'y a rien de mal à ça !

- Tu vas te mettre à vivre pour elle ?

- Tout le monde fait ça ! Si j'ai trouvé quelque-chose qui me rendait heureux, y'a quoi de mal ?

- Est-ce que tu l'aimes ?

- C'est une évidence.
- Est-ce qu'elle t'aime ?

- Pourquoi elle ne m'aimerait pas ?

- Tu as changé Shinji.

- Est-ce que c'est mal de changer si cela nous rend plus fort ?

- Est-ce que c'est une bonne chose de changer pour les autres ?

- On passe notre temps à changer pour les autres, parce qu'on ne pas vivre sans. Je veux plus vivre seul. »

Et à son tour, l'autre Shinji se tût. Cet autre lui n'était plus lui. Il avait changé depuis son arrivé, il avait changé depuis la première fois où il est monté dans l'EVA. Évidemment, on passe notre temps à changer. Mais pour la première fois depuis longtemps, il avait l'impression d'avoir trouver sa place. D'avoir trouver un sens, une raison de se lever chaque matin, une raison de piloter, une raison de se battre. Pour lui-même, pour les autres, pour ceux qu'il aime, pour ceux qui l'aime. C'est sûr, il a toujours peur et c'est humain d'avoir peur. On a souvent peur, peur d'échouer, peur de se faire mal, peur de tout perdre.

« Je veux sortir d'ici. J'en ai assez d'être ici. »

Il n'était plus dans un rêve. Il était de nouveau aux commandes de l'EVA-01. Il arrivait encore à respirer, bien que péniblement. Il voulait sortir d'ici, évidemment. Il voulait vivre, aujourd'hui plus que jamais. Il voulait vaincre, triompher. Encore une fois, accomplir un miracle, encore une fois, faire l'impossible, défier son destin, défier l'ordre des choses, qu'importe le coût. Il ne voulu plus souffrir, plus jamais, alors il était prêt à faire face. C'est sûr, c'est plus difficile que de se contenter rester là, sans rien faire, à attendre que les choses s'améliorent d'elles-mêmes. Il ne voulait plus attendre, il voulait agir, il voulait reprendre le contrôle de son destin. Il n'était plus seul dans ce combat. Il y avait les autres, il y avait elle, Asuka. Il était prêt à mourir pour elle. C'est à cela que l'on reconnaît l'amour, quand on va parfois à contre-courant pour quelqu'un. Bien sûr, l'amour vous rend parfois aveugle mais pour lui, elle était un phare au milieu de la nuit. Ils avaient tout les deux besoins de l'autre, et s'en étaient rapidement rendu compte.

Il avait reprit les commandes de l'EVA, avant de remarquer que la batterie était évidemment épuisée. Cinq minutes, la batterie interne pouvait durer cinq minutes, trois cents secondes et pas une seconde de plus. Mais cela ne semblait n'être qu'un détail mineur à ses yeux car il s'acharnait à essayer de faire démarrer le géant d'acier, sans succès. Peut-être que cette fois-ci, il n'échappera pas à sa mort. Peut-être que c'est la fin pour lui, pour tout les autres. Peut-être que l'humanité vient de perdre sa dernière arme. Il se recroqueville sur lui-même. Alors c'est finalement comme ça qu'il va mourir, seul ? Sans ses amis, sans la fille qu'il aime, sans son père, il s'apprêtait à rejoindre sa mère. Et c'est exactement ce qu'il cru voir quand une lumière l'aveugla. Ce qui vit ensuite ne pouvait que difficilement être retranscrit avec des mots. Des souvenirs d'une époque qu'il avait oublié. Un visage dont la moindre trace semblait avoir disparu. Sensations oubliées, des images qui vous brûlent alors la rétine, laissant une marque indélébile, des images qui ne disparaissent pas, même dans la pénombre.

« Es-tu prêt ? Vraiment ? Alors, tant mieux. »

Et le colosse se remit à bouger de lui-même, guidé par rien d'autre qu'une âme vengeresse, folle de rage, qui pourrait détruire les cieux si elle le voulait. Se fit entendre un cri, un râle qui avait tout de monstrueux. Monstre de chaire et de sang, né des mains de l'Homme, fait de la même base, créé pour servir, protéger. Golem qui échappe à notre contrôle, à la recherche d'un but. Son pilote était transe, partageant la même rage guerrière qui animait sa machine. Il avait perdu ses étreintes, ses chaînes. De nouveau, défiant les limites imposées, ils se dressent face à leur ennemie commun. Ne formant plus qu'un, prêt à tout pour sortir de cette prison. Pas cette fois-ci, ce ne sera pas cette fois-ci que l'histoire se terminera. Car aujourd'hui, personne n'aura à mourir, personne n'aura à marcher seul. Peut-être qu'il était désormais le seul à se préparer pour une nouvelle représentation macabre, résolue dans l'envie d'arracher quoique ce soit pouvant être considérer comme étant les entrailles de Leliel, l'Ange qui les retenait prisonniers. Il pouvait à nouveau respirer, si bien que son cœur battait plus vite qu'il n'avait jamais battu. Il était épuisé, il ne répondait qu'à l'adrénaline, il n'était plus un enfant qui s'était retrouvé ici par le cruel jeu du destin, il était désormais un soldat, avec une mission. Et dans son sillage est chaos et la destruction le suit toujours. Sans peine, sans remord, rien d'autre qu'une bataille à terminer.

Vous deux, dansez comme si vous vouliez triompherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant