Chapitre 8.5 : Rêve violent ( 可愛がり/streicheln)

71 4 1
                                    

Les acteurs mettent leur masque et enfilent leur plus beau costume. Ils montent sur scènes. Ce soir, alors que même le ciel pleure, ils joueront une pièce obscène, vulgaire. L'un portera les vêtements neufs de l'empereur, l'autre arborera fièrement sa tenue d'Eve.

« Je t'ai déjà dit que tu étais magnifique ?

- Peut-être, mais je ne m'en lasse pas. »


Et la danse pouvait alors commencer. D'abord à pas fragile, à tâton, chacun explorant l'autre, apprenant ses mouvements, se mettant à leur aise. Ce n'était pas la première fois qu'ils faisaient ça, mais aucun n'avait encore prit ses marques. Le clair de lune était leur seul spectateur mais il avait au moins la politesse de chasser les ténèbres. Le tempo montait alors que tout les deux s'impatientaient, menaçant de s'embraser. Des gestes hésitants car même si ils ne se connaissaient que trop bien, l'une ni l'autre n'avait apprit que les fondamentaux de cet art.

« Tu te sens comment là ?

- Confortable. Et toi ?

- À mon aise, c'est parfait. »


Quelques frissons la parcourra alors qu'il parcourait son corps et ses formes du bout de ses doigts. Elle chérissait ce contact, s'étonna alors d'avoir fini par apprécier le toucher de quelqu'un qu'elle ne laisser même pas la regarder il y a peu. Elle finit par passer ses mains dans les cheveux de son compagnon, avant de lentement poser ses lèvres sur les siennes. Il l'avait ressenti comme une douce brise, même si c'était peut-être son esprit qui commençait déjà à perdre la raison. Quelques mots et quelques caresses, cela suffit pour faire que le décor change alors. La pâle lumière de la nuit laissa place aux bougies des chandeliers, le rire des cigales laissent placent aux paroles de la foule qui troubla le silence. Ils étaient les convives tardifs de cette soirée aux allures délurées, où la vertu se montrera plus rare encore que l'or. Rien de ce lieu ne semblait réel, et pour cause, il n'avait rien de réel. Et pourtant, ils n'avaient plus l'impression d'être dans la même chambre, l'euphorie les avait transporté vers un autre monde.

La lumière était devenu rouge-sang alors que les ombres bougeaient au rythme d'une valse sans fin, une danse qui, même en n'ayant pourtant rien de macabre, était pourtant effrayante dans son animalité. Plus rien, ni personne, n'entraver les participants de cette messe décadente, où les excès étaient devenus normes et où la morale avait été sacrifié sur l'hôtel des pensées parasites, qui vous rongent l'esprit jusqu'à prendre le contrôle de vos mouvements et pensée, elle devenaient des marionnettistes folles aux commandes d'un pantin qui ne voulait pas obéir. Une disharmonie qui guider les pas de toute cette cour dont le seigneur semblait être ni plus ni que la chose qui se terrait aux plus profonds de notre inconscience, la chose qui se nourrissaient des interdits et des non-dits, des fantasmes et de nos cauchemars, créature perdue dans ce labyrinthe de muqueuses et de chair.

« Continue-comme ça ! »

Des rires se transformèrent en râles alors que la moindre goûte de lucidité semblait fuiter de ces corps dégoulinants de sueurs, de salives et autres fluides. Peu à peu, la même Bête s'emparait des esprits de chacun, les laissant dans un état primaire, affamés et assoiffés. Ils ne pouvaient même plus contenir leurs mouvements et leurs paroles, comme si cette part enfouit en eux chercher à s'extirper de sa prison pour voir la lumière du jour. Pourtant, seule la Lune assistait à ce spectacle, et la pluie était le seul orchestre. Un duo de chanteur, s'improvisant chef d'orchestre, chacun leur tour, alternant les rôles, tantôt à l'unisson tantôt en canon. Le rythme changeait aussi fréquemment que leur poste, alternant les mesures, tordant les temps et les silences alors que battait un métronome qui battait tel un cœur de plus en plus vite, toujours plus vite, prêt à sortir de votre poitrine.

« Attend, juste, un peu moins... voilà ! »

Quelque-chose avait changé dans cet étrange rêve. À la place d'un rouge-sang, c'était désormais un bouquet de rose et d'ivoire qui illuminait la pièce, qui n'avait plus rien à voir à une pièce. Les convives ont disparus, la Diva et le Ténor se partageaient alors à eux-deux cet immense champ qui semblait s'étendre à perte de vue. Le chant avait alors laissé place à des murmures, le chaos s'était immolé de son propre brasier et de ses cendres apparu l'harmonie. Point de bête affamée, désirant de la viande, l'amalgame de chaire avait laissé place à une union qui, à l'unisson, chantait une prière, la serment des amants, roi et reine se prêtant mutuellement allégeance. Ils ne faisaient plus qu'un, formant une relation symbiotique, chacun puisant sa force dans l'autre, alors que leur mélodie résonnait, amplifiée, bien qu'elle était bien silencieuse, des murmures, des notes qui sonnaient comme des caresses.

« Je... je suis essoufflé.

- Je me sens même pas capable de me lever.
- On reste comme ça ?

- Tu comptais fuir comme un voleur ?

- Nan, je veux dire...

- Ah, comme ça ? J'ai pas la force de marcher là.
- Tu me paraissais encore vigoureuse.

- Je suis juste une excellente comédienne. »

Ils chérissaient ces heures dérobées à la nuit, de ces minutes d'or, de ces heures précieuses en bonne compagnie. Tout deux des fugitifs du quotidien, ils ne fuyaient pas, ils se cachaient, non par peur mais par pudeur. Ce jeu nocturne avait un parfum d'interdit, un pas de plus pour s'éloigner des cieux, fuyant cet Éden dans lequel ils n'avaient jamais vraiment eu leur place.

« C'était... mieux que la dernière fois.

- Tu le pense vraiment ?
- Je sais pas, c'est peut-être une question d'habitude.
- J'pense que tu y prend goût.

- Perverse. On ne pouvait pas prétendre que tu étais particulièrement subtile.
- Tu transpires comme quelqu'un qui venait de finir un marathon.

- C'est un type d'effort comme un autre.
- Subtil hein ? C'est vraiment pas ton fort. À ton avis, tu penses que c'est ce qu'ils font ?

- J'y ai jamais vraiment réfléchie.

- Quoi, elle ne te plaît pas ?

- Non, juste que ça implique qu'elle n'est pas seul.

- Je vois pas où est le... oh, effectivement.

- J'ai vraiment pas envie d'imaginer cette scène. »

Vous deux, dansez comme si vous vouliez triompherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant