Chapitre 5.33 : Rêve d'une arme

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Des voix, elle entendait des voix. Elle ne voyait que de la lumière, aveuglante, éblouissante. Elle ne savait pas vraiment où elle était. Elle se souvenait de ce qui s'était passé et pourtant elle ne semblait pas être en train de piloter, elle n'en n'avait pas l'impression. Il faisait froid ici. Elle ne se sentait pas seule cependant, quelque-chose l'observait, pour sûr. Par contre, elle pouvait entendre ce qui ressemblait au départ à du bruit blanc, puis à un bourdonnement, de plus en plus fort, le genre de son que vous n'êtes pas censé entendre, qui vous donne l'impression que vos oreilles sont en train de lâchées ou que vous êtes au beau milieu d'un cauchemar. Un cauchemar, tout cela ressemblait à un cauchemar. Elle ne se rappelait pas de ses rêves ou de ses cauchemars mais surtout, elle avait l'impression d'être consciente, de pas être en train de dormir. Est-elle encore blessée ? Est-elle morte ? Elle n'en n'avait pas la moindre idée, personne n'en n'avait la moindre idée. Seule, elle se sentait terriblement seule. Pendant longtemps elle supportait la solitude, principalement parce qu'elle n'avait jamais rien connu d'autre, parce qu'on ne peut souffrir que si nous savons qu'il existe autre-chose, que si il y a un espoir de quelque-chose de meilleur. Aucun esclave ne se rebellera si il ne connaît pas la liberté, aucun ne peut découvrir par lui-même que les humiliations et les torture qu'il subit en sont si tout cela n'est que la routine qu'il a toujours connu. C'est comme cela que l'on manipule quelqu'un, en le maintenant dans la peur de l'inconnu, en faisant croire à son confort, que les choses pourraient être pire. Pire, on dit toujours que les choses pourraient être pire, comme si cela était nous faire relativiser, comme si cela rendait le fardeau plus supportable. La vérité, c'est que les choses pourraient être meilleur mais cela demande des efforts pour atteindre ce meilleur. Il est plus simple de détruire que de créer, il est plus simple de simplement encaisser les coups, il est toujours plus simple de se laisser faire. Après tout, ça aurait pu être pire ?

Le bourdonnement s'était transformé en voix. Elle provenait de derrière. Elle se retourna et la vit. Une petite fille, qui ressemblait à Rei, en plus jeune. Attend, est-ce que c'était Rei ?

« C'est la même âme qui nous anime.
- Et pourtant tu n'es plus de ce monde.
- C'est qu'une question de point de vue la vielle. À ses yeux, nous sommes pareilles.
- Et pourtant, je ne te connais pas.

- Menteuse, tu sais exactement qui je suis.
- Et sais-tu qui je suis ?

- Bien sûr, les vieux sont tous pareils.

- Tu es toujours la même, hein ?

- Comment ça toujours la même ?
- Tu ne changes pas. Tu es comme ça, à jamais. Tu es morte et tu ne changeras jamais.

- Parce que tu changes ?

- Parce que nous nous ressemblons ? Nous n'avons plus rien en commun.

- Effectivement. Tu es quelqu'un qui n'a qu'une fausse âme créée par les hommes. Rien d'autre qu'une arme, un outil, vivant un mensonge, en faisant croire qu'elle est une personne. La vraie toi, elle se trouve dans ta part d'ombre. Celle que tu ne peux voir, que tu ne connais pas. Mais la vraie toi est autre-part. Tu ne le sais juste pas, parce que tu ne veux pas le voir. Tu la fuit sans même t'en rendre compte. Tu as peur de disparaître, d'être oublier, d'être effacé du cœur des gens. »

Un autre flash, alors que la petite fille avait disparu. La lumière s'était éteinte, ne laissant rien d'autre que l'obscurité. Des chuchotements plutôt que des bourdonnements semblaient résonner dans son crâne. Ce n'était plus la voix de la petite Rei. Cette voix ressemblait un peu plus à la sienne, mais le ton n'avait absolument aucun rapport avec son ton habituelle.

« Nous ne rêvons que de voir tout ceci redevenir comme avant, mort, cendre. Ce que je désire est désespoir, de redevenir néant. Mais il ne veut pas nous accorder ce privilège, ce salopard. J'aimerais le voir mourir, j'aimerais le voir souffrir lui et tout les autres. De toute façon, pourquoi tu traînes avec eux ? Ils sont marqués du péché, ils n'ont rien en commun avec toi et tu n'as rien en commun avec eux. C'est ridicule de leur accorder autant d'importance. Et puis quoi encore, te battre pour eux ? Qu'est-ce qui ne va pas avec pas ? Hé, répond-moi, qu'est-ce qui ne va pas avec toi ? Pourquoi tu es soudainement muette ? C'est parce que j'ai raison, c'est ça ? C'est parce que tu me refuses, alors que je suis ta véritable nature. Ta mission, ce n'est pas de protéger l'Humanité, c'est d'apporter l'Instrumentalité, comme cela l'a toujours été. Quoi, toujours rien ? Ils ont peut-être raison, tu n'es qu'une pou... »

La voix qui lui provenait sortait de la bouche nauséabonde d'une énième copie d'elle. Une énième copie, une pâle copie, blafarde, maladive, terrifiante.

« Ferme-la !

- Pourquoi, pourquoi tu t'obstines à vouloir aller à l'encontre de ton destin ? Pourquoi vous vous obstinez à suivre ce chemin ?

- Ferme-la je t'ai dit !

- Cela ne te ressemble pas, qu'est-ce qui te prend ? À changer comme les autres ?

- Ferme-la !

- Me dire de me taire ne changera rien tu sa... »

Elle n'aura jamais le temps de finir de finir sa phrase alors que deux mains s'emparent de son cou avant de la faire tomber sur le sol. Une haine sans nom, une colère noire comme l'abîme coulait de ses yeux. L'autre se débattait comme un diable pour se défaire, mais elle n'y arrivait pas.

Ses mouvements devenaient de plus en plus erratique mais comme Leliel, elle finit par laisser échapper son dernier souffle. Mais Rei n'avait que faire, elle continuait à l'étrangler, comme si elle souhaitait lui rompre le coup, jusqu'à ce qu'elle s'arrête brusquement quand elle se rend compte que « l'autre Rei » semble se liquéfier. Elle essaye de se retirer, jusqu'à ce qu'elle se rend compte qu'elle ne peut pas. De plus en plus de liquide coule de ce qui fut son « cadavre », envahissant la bien étrange pièce dans laquelle elle se trouvé. Au départ, elle retient son souffle, ne connaissant pas la nature du liquide. Et puis soudainement, une odeur de sang auquel elle était habituée, car c'était le même liquide qui coulé dans les EVA. Du LCL. Les ténèbres avaient alors disparus, pour ne laisser place au cockpit de l'EVA-00. Elle portait de nouveau sa combinaison, et pouvait à nouveau respirer normalement. Elle ne savait pas vraiment où elle était mais elle savait qu'elle devait en sortir le plus rapidement possible. Elle sentait en elle quelque-chose qu'elle ne connaissait que trop peu. Une rage de vaincre, un sentiment qui lui rappeler qu'elle était encore vivante, une sensation de chaleur. Son cœur battait de plus en plus vite alors que son esprit n'était obsédé plus que par une seule chose : sortir d'ici, à n'importe quel prix.

Vous deux, dansez comme si vous vouliez triompherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant