Le choc est brutal, il coupe le souffle de Julien. La pression sur sa poitrine est immense à cause de la ceinture. Jérémy a dû se battre pour qu'il l'attache quelques minutes plus tôt, sans le savoir il lui a sans doute sauvé la vie. Le temps les a rattrapés sous la forme d'un arbre qui vient arrêter d'un coup les tonneaux que fait la voiture depuis une éternité ou quelques secondes.
Julien n'entend que le battement furieux de son cœur dans ses tempes. Sa tête pourrait exploser. Il ne se rend même pas compte du silence qui a envahi d'un coup l'habitacle. Le silence après la tempête.
Il décroche sa ceinture malgré ses mains qui tremblent, et se traîne hors de la voiture par la vitre, qui a été défoncée dans l'accident. Ses paumes touchent tour à tour herbe, bouts de verre, cailloux. Il est dans un état de transe tel qu'il ne pense à Jérémy qu'une fois sorti. D'un pas chancelant, il fait le tour de la caisse. Elle est à l'envers. De la fumée s'échappe du capot. C'est à peine si Julien la voit.
Jérémy est retenu, la tête en bas, par sa ceinture. Il est inconscient. La façon de laquelle ses cheveux de jais tombent dans le vide, dont le sang sur son arcade coule sur son front, de bas en haut, jette un vide dans le cœur de Julien.
Il se déchaîne contre la vitre, essaie de la péter de ses poings, de ses pieds, de ses coudes, mais c'est comme s'il s'acharnait contre une glace incassable, derrière laquelle Jérémy est emprisonné. Comme s'il était coincé sous la surface d'un étang gelé.
Il a beau appeler Jérémy, implorer, rien n'y fait. Il voit les flammes qui commencent à dévorer l'habitacle du côté qu'il vient de quitter. Julien pense, J'aurais dû y rester. Il pourrait se jeter dans les flammes. Il continue de frapper la vitre, et appeler. Appeler Jérémy pour qu'il se réveille.
Rien n'y fait. La voiture a pris feu et Julien ne peut que se déchaîner contre lui-même.
Lorsqu'il se réveille, Julien est persuadé de pouvoir toujours sentir la chaleur insupportable de l'incendie. Le cauchemar est si violent qu'il se réveille persuadé d'avoir causé la mort de Jérémy alors qu'il peut sentir son souffle contre lui.
Il est peut-être trois ou quatre heures du matin, Julien est sorti du sommeil parce que justement, il a trop chaud. Le paradoxe de la chose lui vient tout de suite à l'esprit alors qu'il émerge seulement de ce cauchemar atroce. Son cœur bat encore à tout rompre avec la peur intense C'est ta faute l'accident Jérémy va brûler seul dans la caisse parce que tu ne l'as pas sauvé
Il devrait être frigorifié. Il l'est, mais seulement dans le dos. C'est comme s'il tenait un bout d'incendie entre ses bras tandis que l'hiver souffle, impitoyable, dans son dos.
Julien comprend alors d'où vient cette chaleur qui l'irradie.
Se détachant de Jérémy, qui est resté blotti dans ses bras, Julien porte la main à son front couvert de sueur dans le noir. Il retire sa main presque aussitôt, comme s'il avait mis la main sur une plaque de cuisson. Jérémy n'est pas 'chaud', il est brûlant.
«Jérémy. Jérémy réveille-toi.»
D'un coup, Julien est parfaitement éveillé et alerte, contrairement à Jérémy, qui lâche un grognement en cherchant à retrouver le contact perdu. Ça sort de sa gorge comme une toux avortée, un grondement malade. De son côté, Julien craque une allumette pour allumer une lanterne. Il voit la soupe, toujours à l'endroit où il l'a laissée. Jérémy ne l'a pas touchée.
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La Dette
General FictionJday et M. Connard se retrouvent forcés à (sur)vivre ensemble dans une tente après la connerie monumentale du second. Ils doivent trouver le moyen de rembourser une dette de 150000 euros avec le minimum vital, sous peine de se retrouver humiliés par...