Chapitre 19 : Jérémy reste

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Souvent, rien ne se déroule comme on l'avait prévu, et ça, Jérémy le sait mieux que quiconque. Sa vie entière pourrait servir d'exemple.

Est-ce qu'il avait prévu le retour fracassant de Julien dans sa vie ? Bien sûr que non (quoi que, c'était quand même lui qui lui avait proposé le job...). Disons qu'il avait un peu forcé la main au destin. Mais est-ce qu'il avait prévu que Julien viendrait squatter la maison d'enfance que ses darons le laissaient occuper ? Bon, au fond de lui il le redoutait puisqu'il connaissait Julien, mais prévu ? Prévu, non.

Ce qu'il n'avait vraiment, mais vraiment pas prévu, c'était que Twitter allait prendre leur parti, à Julien et à lui, et allait se déchaîner contre le Grand JD.

Toute cette histoire a pris une ampleur que ni Julien, ni Jérémy ne pouvaient imaginer. Un hashtag dans le top 10 du Trending France, des menaces contre le "pervers homophobe" qui avait osé les forcer à filmer des scènes équivoques et des messages de soutien pour MisterJDay et Monsieur Connard. Ce n'est pas pour autant une bonne nouvelle, parce que ruiner la réputation du Grand JD, ce n'est pas du tout ce que Jérémy avait en tête. C'est signer son arrêt de mort avec un cœur en guise de point sur le i d'Avril, voilà tout.

Ils en sont réduits à simplement attendre qu'il vienne leur péter les jambes pour se venger. Ils ont quand même près de 100 000 balles avec eux dans cette tente, ainsi qu'une analyse entièrement écrite, prête à être tournée. Mais pour une fois, c'est Jérémy qui refuse de quitter Kevin, et Julien qui insiste pour aller tourner à tout prix. Normalement, c'est le contraire qui se passe.

"On est en train de faire exactement ce qu'il veut, là. Rester comme des cons à tourner en rond. Ça va pas le faire venir plus vite. Autant continuer à vivre, t'es pas d'accord."

Ce n'est pas une question.

Jérémy expire lentement, fixant la main que Julien vient de lui tendre. Il a raison, Jérémy le sait. Après tout, cela fait déjà deux jours qu'ils attendent sa venue, non pas comme celle du Messie, mais plutôt comme celle du père Fouettard, et rien, toujours rien. Pas un mail, pas un SMS, rien. Jérémy a beau ne plus en dormir la nuit, veillant, attendant de voir quelqu'un devant la tente, rien.

Jérémy a confiance en Julien, malgré ce que les apparences peuvent bien faire croire. Alors il prend sa main.

Il prend aussi la totalité de l'argent sur lui, comme d'habitude lorsqu'ils quittent la tente tous les deux. Hors de question de revenir à la tente pour découvrir qu'il ne reste pas un centime.


Une pneumonie non traitée, c'est la pire des merdes. Jérémy n'a toujours pas l'impression d'en être parfaitement rétabli alors que ça fait deux mois que sa fièvre est tombée. La plupart du temps, tout va bien, il gambade gaiement, ils peuvent tourner sans problème, il sort ses répliques et il se dit, enfin, cette saleté de maladie est passée.

Mais c'est sous-estimer sa cruauté : à peine quinze minutes de marche dans la neige pour rentrer et Jérémy est à la traîne derrière Julien, qui lui marche d'un pas décidé. Il a déjà insisté pour porter tout l'équipement, et Jérémy n'est pas aveugle : il voit que ça lui pèse, que ça le fatigue, lui aussi.

Jérémy n'était déjà pas très athlétique à la base (voire pas du tout), mais là ça devient ridicule. Il est obligé de s'arrêter pour reprendre son souffle, se tenant la poitrine comme si son cœur allait s'échapper d'un moment à l'autre, comme si sa poitrine prenait feu, priant pour ne pas tomber dans les pommes, priant pour que ça n'inquiète pas Julien. C'est perdu d'avance, bien sûr, parce que Julien ralentit le pas exprès pour lui, lui propose de faire des pauses, demande sans vraiment demander s'il va bien.

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