Chapitre 13 : Julien dit la vérité

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«Ça va, mec ?»

Ça tire Julien hors de ses pensées, et il rencontre le regard interrogateur de Jérémy. Il s'est détourné de la vaisselle et fixe Julien.

Il a repris seulement aujourd'hui la plonge, et même si Julien est inquiet de le voir faire tant de choses épuisantes alors qu'il tousse toujours, une petit part de lui, probablement un peu égoïste, se réjouit de le voir à ses côtés. Il a repris la plonge pile le jour de la St-Sylvestre. Sa présence manquait à l'arrière des cuisines de la brasserie, même dans le plus grand des silences. Ils peuvent se taire, mais au moins ils se tairont à deux.

La lumière du plafond se fait violence sur leurs visages, créant des ombres qui accentuent peut-être celle qui s'est fait une place dans le cœur de Julien. Il a dû se trahir tout seul à regarder si longtemps dans le vide, ou à ne pas répondre à une question, ou à s'arrêter d'éplucher pendant un moment.

«Ben oui ça va super, je me défonce les mains à éplucher des courgettes, il rétorque, avec une pointe acerbe qu'il pousse dans sa voix.»

Bien esquivé, Julien.

Jérémy souffle, visiblement peu satisfait de la réponse. Il n'est pas complètement aveugle, il a bien remarqué le silence, les cernes, le tremblement des mains. Julien a tendance à oublier qu'il sait observer et qu'il ne s'en fout pas totalement de lui. Jérémy peut croire que c'est le manque. Ça l'est, en partie seulement.

Mars se rapproche et ils sont encore infiniment loin des 150 000 euros requis pour rembourser le grand JD. Julien y a beaucoup réfléchi. Il n'y a qu'un moyen d'obtenir plus de thunes sans braquer de banques.

Et il est hors de question que Jérémy le sache.

Se taire sur le sujet alors que l'idée le ronge, s'incruste dans chacune de ses pensées, dans chacun de ses rêves... C'est ça, le vrai calvaire.

«Tu me le dis, si y a quelque chose qui te tracasse, hein ?»

Sa main sent le Paic citron quand elle vient se poser sur son épaule. L'odeur de la compassion.

La gentillesse de Jérémy le déstabilise, lui enfonce un couteau dans le cœur. Ne fait rien pour arranger le sentiment de culpabilité.

«T'inquiète.»

Julien se dégage d'un petit recul de l'épaule et tente d'ignorer combien le regard de Jérémy s'éternise sur lui alors qu'il se remet à éplucher ses courgettes.


Ils ne voient pas la nouvelle année débuter dans l'arrière des cuisines, comme Julien aurait pu parier dans son pessimisme. Ils la voient commencer sur le chemin du retour, lorsque les clameurs dans les maisons et les feux d'artifice dans le ciel explosent tout à coup, sans prévenir. Cela les fait sursauter, Julien en tombe presque dans le fossé, et Jérémy rit mais son rire est couvert par le bruit des feux d'artifice. Ils avaient oublié quel jour, ou plutôt quelle nuit on était.

«Bonne année, ducon.

- Bonne année, connard.»

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La vérité éclate le lendemain, sans que Julien ne le veuille particulièrement. Si ça n'avait tenu qu'à lui, elle n'aurait éclaté qu'une fois la dette remboursée, une fois la chose faite.

C'est un mail équivoque du grand JD qui fait éclater l'harmonie qui régnait jusque là, si l'on peut parler d'harmonie. Le poids du mensonge par omission empoisonnait un peu l'harmonie.

Julien ne peut même pas l'intercepter, vu que le mail atterrit directement sur la boite mail de MisterJDay. Un mail qui propose sobrement le 15 mars comme 'date de fin'. Qui signe sobrement l'arrêt de mort de Julien, en d'autres termes. Cet enfoiré a pensé Julien plus honnête qu'il ne l'était.

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