Epilogue

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Ils ne sont pas rentrés tout de suite. Ils se sont convaincus mutuellement qu'un petit retour aux urgences était de mise avant de rentrer, et ils ont pris la voiture de Julien pour y aller. Cela faisait bien six mois qu'il n'avait pas conduit, le tremblement de ses mains ne semblait jamais vouloir cesser. Tous les deux étaient restés dans une espèce d'état de choc, de frénésie difficile à expliquer à des personnes qui n'avaient pas vécu ce qu'ils venaient de vivre.

Aussi était-ce compliqué d'expliquer à l'infirmier d'accueil des urgences que Jérémy était sur le point de retomber dans les pommes à cause des efforts qu'il venait de faire et que Julien s'était fait attaquer et qu'on avait essayé de lui graver un truc sur le front.

Le pauvre infirmier devait se dire Putain pourquoi c'est toujours moi qui me tape les alcoolos qui se sont battus, et c'était avec un roulement d'yeux à peine dissimulé qu'il leur avait indiqué la salle d'attente.

Julien déteste les urgences de Thonon. Déteste leurs sièges en plastique terriblement inconfortables, déteste le 'tic-tac' incessant de l'horloge, déteste les infirmiers qui sont passés devant eux tout à l'heure sans leur accorder le moindre sourire, la moindre information s'ils allaient passer bientôt, malgré le fait que Jérémy s'était endormi sur son épaule et que lui tenait un énième mouchoir sur son front, comme un con.

Ils ont simplement vérifié très rapidement qu'il n'avait pas de côtes cassées (il semble que non, il va juste avoir beaucoup d'hématomes ; il est l'équivalent d'un cafard humain, increvable et résistant).

Puis ils ont enfin emmené Jérémy en observation, jugeant à raison que son état était plus inquiétant. Mais Julien déteste l'attente seul, à ne pas savoir ce qu'ils lui font, s'il va aller mieux. Il n'a qu'une envie, c'est de se jeter dans le couloir et de secouer tous les infirmiers qui passent en leur demandant où il est.

A un moment, une infirmière arrive, s'arrête à sa hauteur, mais Julien n'ose pas avoir l'espoir que ce soit pour lui. Elle lui parle, mais Julien n'entend rien, c'est comme si une vitre en plexiglas les séparait.

"... vous voulez bien ?"

Une question. Il est obligé de relever le menton et de croiser ses yeux patients. L'air d'incompréhension qu'il lui sert doit lui faire comprendre qu'il n'a rien écouté.

"Votre mouchoir. Vous voulez bien l'enlever, que j'y jette un coup d'œil ?"

Julien l'a tenu si longtemps contre son front que le sang a séché contre le tissu, et le geste lui semble anormal lorsqu'il baisse enfin son bras. Il était resté si longtemps dans cette position qu'il en a des fourmis dans tout le biceps.

"Il est où ? Julien croasse, sa voix toujours dans le fond de sa gorge."

La dernière fois qu'il a parlé, c'était pour tenter d'expliquer ce que Jérémy avait, et depuis, deux heures et demie se sont écoulées.

"Votre ami ? L'infirmière demande d'une voix si douce que Julien a l'impression que c'est un ange qui lui parle. Je pense qu'ils l'ont gardé pour passer la nuit en observation. Ils ne vous ont pas prévenu ?"

Julien secoue lentement la tête. Non, personne ne l'a prévenu. Il aurait pu passer la nuit sur cette putain de chaise en plastique avant qu'on ne daigne le prévenir.

"Je vais vous emmener le voir. Laissez-moi juste finir le pansement."


Ça n'étonne pas tant que ça Julien de le voir dans le lit d' hôpital. Il aurait seulement cru qu'il y serait plus tôt. Au fond, il s'en veut de ne pas l'y avoir emmené dès le début. Ça lui aurait évité de se trimbaler cette saleté si longtemps.

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