Le trésor de Grégoire

Marché en main

Soudain, un rire cristallin éclate dans la pièce et un autre lui répond, limpide. Le père Grégoire sursaute et ses yeux fouillent l'ombre pour en distinguer les auteurs, quand deux petits barbichons sautent sur la table sans aucune gêne et se campent en souriant devant notre bonhomme médusé.

Ils se présentent sans tarder.

_ Je suis Plouc, dit le premier, et voici mon ami Tim. Ne cherche plus ton or, car c'est nous qui l'avons pris et il se trouve en sûreté.

Et comme le père Grégoire fait mine de se lever pour décrocher son fusil, il l'arrête d'un geste de la main en lui disant:

_ Ne bouge pas, car tu le reverras si tu permets que nous discutions un moment avec toi.

Leurs petites personnes respirent la sagesse en même temps que l'insouciance, les inquiétudes des hommes leur étant totalement étrangères.

_ Pourquoi es-tu si méchant? demande Plouc en fronçant le nez d'une façon comique.

L'avare grommelle quelque chose entre ses dents.

Plouc poursuit:

_ Si tu aimais les gens, ils t'aimeraient en retour; mais au contraire, tu refuses tout contact avec eux, tu es dur, amer, égoïste. Tu te rends malheureux en un mot.

Tim approuvé chaudement de la tête le discours de son ami, tandis que le père Grégoire trop abasourdi par cette étrange situation et ce non moins étrange discours, ne trouve rien à répondre.

_ Nous venons te proposer un pacte, reprend le nain, un contrat si tu veux, et foi de barbichon, nous le tiendrons.

_ Foi de barbichon, répète Tim en écho.

Plouc fouille dans la poche de sa veste et en sort trois petites pièces d'argent qu'il montre à son interlocuteur ahuri.

_ Tu vois ces trois sous, dit-il, ils t'appartiennent, et chaque soir, si dans ta journée, tu as fait un geste charitable, uns duo petit geste d'amitié, nous te restituerons une pièce d'or. Qu'en penses-tu?

Le père Grégoire hausse les épaules et retrouve sa voix pour déclarer:

_ Ridicule! Parfaitement ridicule. Je veux mon or, un point c'est tout et je le chercherai, quitte à vous exterminer tous, un par un, s'il le faut!

Il frappe de son poing sur la table pour accompagner la menace qu'il vient de faire. Cela ne trouble en rien le charmant Plouc.

En effet, le rire perlé du début de la conversation, résonne de nouveau.

_ Mon pauvre grand-père, ne sais-tu pas que nous sommes insaisissables et que la forêt est bien grande?

Réfléchis à ma proposition et dis-toi aussi qu'avec ces trois sous tu ne pourras pas faire grand-chose. Je te laisse. Adieu!

Les deux gnomes s'inclinent poliment devant le vieux avant de sauter de la table. En un rien de temps, ils ont disparu.