Le trésor de Grégoire

La rencontre

Le jour se lève radieux parmi le chant des oiseaux et le parfum des fleurs. Dans le logis du père Grégoire, un rayon de soleil égaré vient lui chatouiller le nez. Le vieux se réveille en grognant et cherche à chasser ce qu'il croit être un cauchemar. Mais les trois pièces qui brillent sur la table le détrompent tout net. La colère le prend à la gorge. Trois misérables sous, voilà ce qui lui reste de sa fortune si péniblement amassée. Trois sous! De quoi vivre tout au plus une journée, et en outre, il n'y a plus de pain

_ Quelle poisse! grommelle le vieux en se levant.

Il fait sa toilette hâtive et déjeune frugalement d'un verre de lait et d'un morceau de fromage de chèvre tout en ruminant sa vengeance. Il est stupéfait.

Comment, lui, qui est si redouté de tous, a-t-il pu se laisser dépouiller par ces d je gnomes?

Jetant son fusil sur l'épaule, il empoche ses trois sous, claque la porte de sa maison, oublié de donner à manger aux poules et entre dans les bois d'un pas décidé, la vengeance au cœur, le regard dur.

Pourtant, tout est clair et serein sous les grands arbres. Les oiseaux chantent à plein gosier, les lapins gambadent et se saluent gentiment à l'aide de leurs longues oreilles. La vie est là, partout. Mais de petits nains?... POINT!! Aucune trace de bonnet de couleur vive et de barbiches blanches. Il s'en montre mécontent, d'autant que les lapins alertés, fuient devant ses pas, entraînant dans leur course les faisans dorés et les biches douces.

Le vieil homme rumine son désarroi tout en avançant dans la clairière.

Il s'arrête. Un pas écrase les feuilles sèches, s'arrête un instant puis repart. Le père Grégoire décroche son fusils de l'épaule et le tient devant lui, bien serré.

_ Qui va là? se dit-il.

Il a peur, mais il est vite rassuré, car du fourré sort une silhouette bien connue: celle de la mère Cornélia qui fait comme chaque jour sa cueillette de champignons. Lui n'a plus peur à présent, mais c'est elle qui tremble. Pourtant, elle tente un pauvre sourire à l'adresse du vieux qui ricane et fourre sa main dans sa poche. Il y sent les pièces tressauter sous ses doigts.

_ Un seul geste d'amitié et tu retrouveras une pièce d'or.

La phrase revient dans son esprit et son avarice le guide.

_ As-tu de champignons, la mère?

_ Oui, et je vais les vendre au village. Il faut bien vivre.

_ Combien les vends-tu? demande-t-il d'un air circonspect.

_ Oh! dit-elle, encore sur ses gardes, ce que vous voudrez bien me donner.

Il lui tend une pièce en disant:

_ Prends et remet-moi ta cueillette.

La mère Cornélia est stupéfaite.

Ses mains tremblent de surprise. Elle donne les champignons.