L'or a disparu

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Le lendemain est pareil aux autres jours. Le vieil homme soigne ses volailles, et comme c'est son jour de marché, il descend au bourg faire ses emplettes. Sur le chemin du retour, il rencontre le pauvre musicien aveugle du village.

-La charité, mon bon monsieur, la charité s'il vous plaît.

Peine perdue, main tendue dans le vide, l'avare passe droit, tête haute, n'ayant même pas daigné répondre au malheureux, l'ayant seulement poussé un peu de son chemin parce qu'il gênait sa marche.

La soirée est venue; avec elle, un fameux coup de fusil qui a permis de mettre à son menu un lapin et deux perdrix superbes. Il est flatté de ce coup. Il se reconnaît bien là: un fin fusil.

Le soleil décline à l'horizon. Il est temps d'aller fermer la porte du poulailler et les volets, sans oublier ceux de la maisonnette.

-Coot, coot...

Réveillées dans leur premier sommeil, les poules protestent, puis se rassurent en entendant la voix continue:

-C'est moi, dormez.

Les volets de bois de la fenêtre de la maisonnette sont maintenant fermés: CLAC! CLAC! Ils ont résonné dans le soir et le père Grégoire sent son cœur battre plus vite à l'idée de tâter de nouveau son or, le caresser, le regarder. Il fait un peu frais ce soir. La forêt chante une sorte de complainte mélancolique.

_ Brr, pas chaud! songe le père Grégoire.

Et il met de suite, dans la cheminée, d'énormes bûches qui ne demandent qu'à brûler sous une allumette amicale.

Un, deux, trois: un crépitement suivit d'un autre, et bientôt les flammes se montrent, s'élèvent, orange, jaunes, rouges et bleues. Elles dansent sur les murs, dans l'âtre, elles éclairent la pièce, le profil osseux du père Grégoire et tout semble bien.

Enfin, tout semblait, car dans la minute qui va suivre le drame va éclater, brutal et inattendu.

Le père Grégoire se dirige vers sa chère paillasse pour... on le devine, sortir son trésor, l'admirer des heures durant.

Mais un cri éclate au-dehors, inattendu, inquiétant, qui réveille les poules. Elles caquettent à qui mieux mieux et battent des ailes. Elles se bousculent dans leur enclos, ne sachant ce qu'il y a.

_ Faut voir ça, pense le père Grégoire.

Il n'attend pas; il s'empare de son fusil, il ouvre la porte déjà verrouillée, il la laisse battante, il se presse, inquiet. Déjà, il est dehors. Il écoute, il tâche de savoir.

_ Un renard, sans doute, pense-t-il.

La nuit est noire, privée de lune. Elle s'est cachée derrière un cortège de nuages. Le vieil avare arrivé au poulailler sans voir deux petits hommes pas plus grands que son arme qui s'élancent vers la cabane. La nuit les sert. Le père Grégoire tâtonne, tente de deviner quelle est la bête venue pour manger ses poules. Il ne comprend pas: tout a l'air en ordre; les mailles de la clôture sont nettes de trou. Mais alors, que s'est-il passé?

Forêt, toi qui chantes sous le vent, diras-tu ton secret? Elle continue son chant plaintif, mais elle ne trahira pas la confiance mise en elle.

_ Je n'y comprends rien, se dit le père Grégoire en se grattant la tête.

C'est un véritable mystère.

Mystère? Il est chez toi et tu vas le découvrir.

Parce que la porte n'était pas fermée, le vent, à l'aise, est entré dans la pièce comme chez lui et en a profité pour souffler la bougie. En revanche, le feu continue son ballet joyeux et clair. Il a un air complice qui échappe au père Grégoire. Il semble chuchoter quelque chose.

Oui, mais quoi?

La porte est refermée, l'homme s'approche maintenant de sa couche et glisse sa main sous la paillasse dans l'espoir d'en sortir comme chaque soir le sac d'or. Mais non, ce n'est pas possible! Sa main rencontre le vide, le vide absolu. Il a dû se tromper.

Voyons... Voyons. Les doigts explorent de nouveau, le sang circule plus vite dans ses veines, son cœur bat à tout rompre, son visage s'empourpre. Il faut se rendre à l'évidence:

LE TRÉSOR A DISPARU.

Et la question se pose:

_ Mais comment? Personne n'est venu. Personne. Alors, comment?

L'homme se tâte, se met à genoux, allume la chandelle, promène sa faible flamme sous la couche.

Rien, RIEN! RIEN!!! Peut-être dans les coins? les recoins? Pas plus là qu'ailleurs... c'est à n'y rien comprendre, à en perdre la tête. D'ailleurs, sa tête éclate; la sueur ruisselle sur son corps. Il s'assied lourdement, essayant de rassembler ses esprits, de recomposer le puzzle.

Mais les éléments principaux sont absents. Et ou les trouver?? où? où?

Le trésor de GrégoireWhere stories live. Discover now