Chapitre 45

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Diane

Après tout se passe très vite. 

Ma mère se relève, une expression au visage que je ne lui ai jamais vu. Ses prunelles bleues deviennent deux trous noirs sans pupilles, signe d'une haine incommensurable. Tout son corps tremble de rage. Un halo foncé et terrifiant l'entoure, ses longs cheveux auburn volent autour d'elle, soulevés par un vent invisible. Sur son épaule, la marque des sorcières scintille de mille feux, sa magie bouillonnant dans ses veines.

A cet instant elle me fait peur. 

Toute sa fureur est dirigée vers la sorcière traîtresse qui vient d'assassiner Amarok. Toute la puissance de l'Ensorceleuse envahit l'air, nous forçant à nous courber sous sa pression. Puis, dans un hurlement inhumain, ma mère explose, relâchant toute sa magie contre Circé. Une forte lumière blanche inonde la grotte, nous aveuglant momentanément. Je suffoque, incapable de supporter la puissance de la sorcière. Tout le monde se jette par terre avec terreur. Je n'ai jamais vu une telle magie, c'est comme si l'essence magique de ma mère s'évadait de son corps pour se diriger vers sa cible. Et rien ne peut l'arrêter.

La magie touche Circé de plein fouet. La traîtresse est projetée contre la porte de la salle du trône, telle une poupée désarticulée. La porte se déforme sous la force de l'impact, se creusant comme un petit cratère. Je suis estomaquée. A ma connaissance, jamais dans l'histoire d'Aliumnos, une sorcière n'a pu en toucher une autre avec sa magie. On nous a toujours dit qu'un tel acte est contre nature et que c'est pourquoi il est impossible.

Pourtant, sous nos yeux ébahis, Circé est encastrée dans la porte, ou plutôt, ce qu'il reste de Circé. En effet, la magie de l'Ensorceleuse l'a carbonisée. Son cadavre brûlé crépite encore de cette énergie blanche qui s'est échappée de ma mère. Il est encore possible d'apercevoir les cheveux blonds de la sorcière tombant de son crâne rabougri. Cette scène, digne d'un film d'horreur me fait frémir. 

Un silence de cathédrale règne dans le souterrain. Personne n'arrive à comprendre ce qu'il vient de se passer. Moi non plus, je n'en reviens pas, je n'ose y croire.

Maman a tué une autre sorcière. 

Je tourne lentement la tête dans sa direction. La lumière aveuglante s'éteint, le halo noir entourant tantôt ma mère s'évapore tandis que ses cheveux retombent sur ses épaules. En revanche, ses yeux ne reprennent pas leur couleur originelle. Ils passent de noir à une couleur presque translucide, ce qui m'inquiète. Ma mère devrait retrouver une apparence normale, or tout son corps est secoué de spasmes. 

Mon père est le premier à réagir. Le visage alarmé, il accoure vers sa femme, juste au moment où celle-ci chancelle. La peur m'étouffe alors que je m'approche à mon tour. Maman ne devrait pas réagir ainsi, certes elle devrait être fatiguée mais là elle semble à l'article de la mort ! 

Quand j'arrive à ses côtés j'entends mon père l'implorer:

- Ana mon amour, qu'est-ce qu'il se passe ? Réveille toi ! Reste avec moi...

Je me penche à mon tour sur ma mère affaissée dans les bras du Traqueur. Je suis frappée par sa couleur blafarde. Ses yeux translucides sont révulsés et elle ne semble pas nous voir. Son corps continu de trembler et un faible gargouillis sort de sa bouche. Tout à coup, les spasmes se font plus violents et du sang pourpre s'échappe de son nez, ses yeux, ses oreilles et sa bouche. 

- Papa qu'est-ce qui lui arrive ? Pleuré-je effrayée. 

- Je...Je ne sais pas, m'avoue mon père. 

Il semble paniqué et démuni. Son visage se recouvre de larmes, la terreur et l'incompréhension le déformant. A le voir comme ça je réalise la gravité de la situation. Soudain, ma mère se met à hurler à la mort. Sa voix se casse à force de crier. Elle semble agoniser devant nous, se tordant de douleur.

Ma mère se meure. 

Cette réalisation me fait prendre la tête. Je revois tous les moments heureux passés avec ma mère, et je ne peux pas imaginer un monde sans elle. Puis je repense à l manière dont je lui ai parlé il y a quelques heures à peine. Est-ce vraiment les dernières paroles qui je lui aurais dites ? Ma mère va-t-elle me quitter en pensant que je la hais ? C'est impossible, elle ne peux pas mourir, elle ne peux pas abandonner ainsi. Je ne survivrais pas à sa mort.

Tentant le tout pour le tout, je passe mes mains sur le thorax de l'Ensorceleuse essayant de guérir le mal inconnu qui la ronge. Mais ma magie refuse de passer dans le corps de ma mère. C'est comme si il n'y avait rien à guérir. Impuissante, j'explose en sanglot.

- Maman ! Maman !

Je l'appelle en vain, la sorcière ne réagit toujours pas. Mon père la berce tendrement dans ses bras et essuyant la sueur qui coule du front de l'Ensorceleuse.

Brusquement ma mère a un sursaut et elle se redresse en position assise. Ses yeux reprennent leur couleur éclatante: bleue océan. Puis elle ouvre la bouche comme si elle voulait dire quelque chose. Mais ce ne sont pas des mots qui sortent de ses lèvres, c'est une boule bleutée, de la même couleur que les yeux de maman qui s'en échappe. Dans un souffle, ma mère se libère de cette étrange énergie. En même temps que la boule sort de sa gorge, les yeux de ma mère perdent peu à peu de leur couleur pour finir blancs. Sur son épaule, son tatouage vert, symbole de son appartenance à la race des sorcières, se fane et devient noir, comme lorsque les sorcières meurts.  Puis, tel un pantin à qui on a coupé les cordes, ma mère s'effondre. 

- Non ! 

Mon cri de désespoir survient en même temps que l'éclat de rire démoniaque de Mélanie. Cette traîtresse s'amuse de la souffrance de ma mère et de sa mort. Mais moi je tombe à genou en proie à une souffrance morale incommensurable. Je ne comprends pas. Pourquoi le corps de maman a réagit ainsi ? Je refuse de l'accepter.

Je ne sens même pas les larmes qui m'etouffent. Je ne pense qu'à ma mère si belle et aimante, je ne vois que son corps inanimé, que son tatouage éteint.

Le moment de stupeur passé nos ennemis reprennent leurs esprits. Voyant que l'Ensorceleuse ne se réveille pas et que la menace est éliminée, ils lancent une nouvelle offensive.
Mais une explosion nous fait tous tomber à terre. 


Aliumnos- Chasseuse dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant