Chapitre 30

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Diane

Nous sommes retournés dans notre cellule encore plus terrifiés  que lorsque nous l'avons quittée. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés comme ça sans boire ni manger. J'ai l'impression que ça fait plusieurs jours mais le temps passe toujours plus lentement dans ces situations extrêmes. La torche qui éclairait la cellule s'est définitivement éteinte depuis longtemps déjà, nous plongeant dans un noir complet. Personne n'est venu nous voir, mais c'est l'attente qui rend la situation intenable. Nous n'avons aucune idée de combien de temps nous disposons avant que l'on vienne s'occuper de nous. Plus nous attendons et plus l'angoisse nous étouffe. 

Nous essayons de parler de tout et de rien avec Théophile dans une faible tentative de diversion. Mais nous finissons toujours par nous taire, chacun enfermé dans ses propres peurs. Nous dormons beaucoup aussi, enfin nous essayons. Des cauchemars me viennent à chaque fois que je ferme les yeux et je me réveille souvent en hurlant de terreur. Théophile et moi avons pris l'habitude de dormir collé l'un contre l'autre. Déjà parce que nous sommes frigorifiés et ensuite parce que toute présence familière nous réconforte. Je ne peux plus m'endormir sans son bras autour de ma taille et ma tête au creux de son cou. Nous restons donc tous les deux blottis l'un contre l'autre. 

La cellule commence à empester. Nous avons creusé un trou pour nos besoins au fond de la pièce. J'évite un maximum d'y aller, sans compter qu'avec les mains menottées c'est très difficile. L'odeur nauséabonde s'imprègne dans nos vêtements mais nous sommes arrivés à un point où ça ne nous fait plus rien. 

N'ayant rien d'autre à faire, je me pose cent fois les même questions. Mais à quel jeu malsain les vampires se prêtent-ils maintenant ? Vont-ils nous laisser mourir de faim ? Espèrent-ils que nous nous entre-tuons ? Je n'arrive même plus à réfléchir correctement. La faim et me tord le ventre, chaque minute qui passe me rend plus faible. 

Et puis, alors que je pensais qu'on nous avait tout bonnement oublié, la porte blindée s'est ouverte en grand, faisant apparaître un jet de lumière dans notre cellule. Je ferme les yeux de longues secondes pour leur permettre de s'habituer à nouveau à la lumière. Mais même après quelques secondes mes yeux me font encore atrocement souffrir, je dois les plisser pour tenter d'apercevoir quelque chose. C'est le loup-garou qui se tient devant nous. Son nez se fronce et il fait une grimace de dégoût, sûrement à cause de l'odeur que doit dégager la cellule. 

Notre appréhension s'amplifie. Ma gorge s'assèche, mon estomac se soulève et tout mon corps se tend anxieusement. Les bras de Théophile se resserrent autour de moi, comme si notre étreinte allait pouvoir nous sauver. 

- Toi, aboie le colosse en désignant mon ami, tu passes en premier. 

Devant notre manque de réaction, le loup-garou perd patience et vient m'arracher le Chasseur. Je cri pour le retenir et m'agrippe à lui mais rien n'y fait, Kratos m'assène un violent coup de pied qui m'envoie mordre la poussière. 

- Diane ! Hurle Théo terrifié en se débattant comme un beau diable.

Mais il disparaît derrière la porte qui se referme en un grand bruit sourd. Nos cris, qui pendant un instant ont brisé le silence qui nous entourait, s'éteignent aussi vite qu'ils sont apparus. Et me voilà de nouveau dans le noir, seule et dans un silence profond qui m'étreint la poitrine. 

Je suis terrifiée. Ne pas savoir ce qu'il se passe c'est peut-être encore pire. Que vont-ils lui faire ? Le tuer ? Mais pourquoi l'auraient-ils gardé en vie jusqu'à maintenant ? 

Quelque chose de salé s'écrase sur mes lèvres et je me rends compte que je pleure à chaude larme. Je pleure tellement que j'ai l'impression de m'étouffer. Une crise de panique me secoue le corps. Cela faisait longtemps pourtant que je n'en avais pas fait. Je pensais m'être guérie, je pensais que j'allais mieux, mais je me rends compte à présent que ces sentiments apaisants étaient trop fébriles et qu'ils disparaissent très vite pour laisser mes anciens sentiments d'insécurités remonter. Je ne suis pas une guerrière mais une petite fille apeurée. Une sorcière incapable. 

Des spasmes secouent tout mon corps tandis que je me recroqueville sur moi-même. Ma respiration se fait laborieuse, je n'arrive plus à inspirer de l'air. La température de mon corps s'élève d'une dizaine de degré. Une boule remue en moi et remonte le long de mon abdomen. Cette boule me brûle chaque partie du corps qu'elle traverse. Elle remonte vers ma gorge et la douleur me fait hurler. Mes doigts tremblent et piquent comme si des milliers d'aiguilles s'y enfonçaient. La boule fini par arriver dans mon cerveau qui semble prendre feu. Je m'attends à ce que ma tête explose sous ce supplice. Mais au lieu de ça, je continue de souffrir tandis que le picotement atteint la moindre de mes cellules nerveuses. 

Et tout à coup, je vois Marianne. Je reconnais sa chambre où j'avais l'habitude de venir réviser pour des contrôles. La sorcière est allongée dans son lit et dort à poing fermé. Sur sa table de nuit, je vois une photo de nous deux souriants en regardant l'objectif. Soudain, ma meilleure amie ouvre les yeux et me regarde bouche-bée. 

- Diane ? Oh mon Dieu, Diane ! Mais où es-tu ?

Je comprends alors que, à l'instar où je suis dans la chambre de la sorcière, cette dernière se trouve dans ma cellule. Tout comme je respire le doux parfum des fleurs disposées sur sa commode, elle sent la puanteur de ma cellule. Je ne sais pas comment cela est possible. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle magie. Un couloir spatio-temporel s'est créé entre nous deux, nous permettant d'être l'une avec l'autre. 

Mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur le pourquoi du comment, je dois prévenir la sorcière de ce qu'il m'arrive. Celle-ci n'arrête pas de parler, de me demander ce qu'il se passe, de me dire que tout le monde est très inquiet pour moi. 

Je la coupe et vais droit à l'essentiel :

- Ecoute moi bien Marianne, j'ai été kidnappée par des vampires avec un ami Chasseur, ils nous retiennent prisonniers dans leur repère. Vous n'arriverez jamais à le trouver avec la magie, nous sommes dans une sorte de grotte, plusieurs mètres sous terre. C'est Mélanie qui commande les vampires, elle veut se venger de mes parents, tu dois les prévenir, elle veut les attirer dans un piège !

La sorcière me regarde d'un air paniqué. 

- C'est horrible ! Ne t'en fais pas, nous allons te sortir de là ! Tiens bon !

Les paroles de mon amie se dissipent alors que je me retrouve de nouveau dans ma cellule, seule.

La brûlure dans mon crâne disparaît et me laisse pantelante sur la terre boueuse de la cellule. Mon corps reprend une température normale tandis que ma migraine s'estompe. Je suis couverte de sueur, des gouttes de transpiration dégoulinent le long de mon visage. 

J'essaie de reprendre mon souffle et me repasse en boucle ce qu'il s'est passé. J'ai réussi à communiquer avec mon amie malgré les menottes bloquant mon pouvoir. A moins que tout cela ne soit qu'un rêve.

La porte de la cellule s'ouvre à nouveau et Kratos jette sans ménagement Théophile. Ce dernier s'étale de tout son long dans la boue. Je rampe à ses côtés et remarque qu'il est à la limite de l'inconscience. Il est trempé de sueur et couvert de sang. Une multitude de trous percent sa peau. Quand je tente de lui prendre la main, je suis saisis d'effroi: il lui manque un doigt.

Je cri épouvantée. 

- Mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?

Incapable de me répondre, il se contente de geindre faiblement. Je veux l'examiner dans les détails mais le loup-garou ne me laisse pas faire et m'emporte avec lui en me murmurant d'un ton à faire frémir les morts : "à ton tour sorcière".



Aliumnos- Chasseuse dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant