Chapitre 36

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Diane

A pas de loup, nous sortons de la petite salle. Le plus silencieusement possible, je referme la porte derrière nous. 

Nous nous faufilons dans les couloirs sombres, à l'affût du moindre bruit. Les flammes des torches chancellent sur notre passage, projetant nos ombres sur les parois. Je n'ai absolument aucune idée de notre direction, mais Théo semble sûr de lui. Il tourne à certaines intersections, s'arrête parfois comme pour se remémorer le chemin et continue dans un nouveau tunnel. Je me demande quel chemin il suit. Il ne doit pas savoir où se trouve l'entrée de la grotte, je pense qu'il nous entraîne vers le grand carrefour qui débouche sur la pièce principale, celle où se tenait Mélanie la première fois. L'idée que l'entrée de la grotte se trouve non loin de ce carrefour à dû lui traverser l'esprit, tout comme moi. J'espère qu'il ne se trompe pas et que la sortie n'est pas bien loin. 

 Je suis étonnée de ne croiser personne. Est-ce normale que l'on puisse circuler librement dans cette immense caverne ? J'ai ma réponse à cette question au moment où nous nous approchons du grand carrefour. Ce carrefour ressemble à la place principale de la grotte. Les portes donnant sur la salle du trône sont grandes ouvertes et il se dégage de la pièce une grande agitation. En effet, à l'intérieure, une centaine de créatures sont présentes et parlent dans un brouhaha incompréhensible. La majorité de ces créatures sont des vampires mais je repère une dizaine de loups-garous et deux sorcières. 

Nous échangeons un regard interloqué avec Théophile. Que font-ils tous réunis ici ? 

Des bruits de pas et des éclats de voix nous parviennent soudainement d'un tunnel perpendiculaire au notre. Des créatures se rapprochent de nous ! Elles ne vont pas tarder à déboucher sur le carrefour et ne manqueront pas de nous surprendre. 

Nous nous reculons précipitamment dans un recoin de notre couloir. Impossible de rebrousser chemin, le couloir est long et linéaire, les créatures surnaturelles nous découvriraient immédiatement. Nous trouvons un renfoncement dans une grosse pierre à l'entrée de notre tunnel. Nous nous y cachons et attendons. 

Les bruits se rapprochent de plus en plus. Je tente de calmer les soubresauts incessants de mon cœur causés par l'adrénaline et la peur. Théo serre ma main fort dans la sienne, me communiquant sa force. Je resserre ma prise sur le manche du poignard avec mon autre main comme pour me dire que je ne suis pas sans défense. Cela me permet de me calmer un peu et de me concentrer sur mon rythme cardiaque. 

Deux vampires passent juste devant nous, à moins d'un mètre de distance. Je bloque ma respiration, et je me fige. A côté de moi, Théo ressemble à une statut. J'ai l'impression d'être une proie tétanisée qui se cache dans un bosquet, attendant le moment fatidique où elle se fera prendre. 

Fort heureusement, les vampires sont trop occupés à se disputer pour faire attention à ce qui les entoure. Ils continuent leur chemin sans nous repérer, se dirigeant d'un pas pressé vers la salle ouverte. 

Je relâche la pression qui tendait mon corps comme un arc. Je me rends compte à ce moment que je serrais la main du Chasseur tellement fort que mes jointures sont devenues blanches. Je délasse nos doigts un peu gênée. Théophile ne me lâche pas tout de suite la main et y dépose une petite caresse avec son pouce. Son toucher me fait frissonner. Il me sourit quelques secondes avant de reprendre son air grave et sérieux. Lorsque nos mains se désunissent je ne ressens plus que la froideur de l'arme que je tiens toujours.  

Théo me fait un rapide geste pour me dire "en avant" et, tels des ninjas, nous nous glissons sans un bruit de renfoncement en renfoncement. Nous sommes à présent cachés derrière une cavité près des portes de la pièce où se tiennent nos ennemis. C'est le moment le plus délicats. Un seul faux pas et ce sera la fin. 

Je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil curieux à l'intérieur de la salle. Nos ennemis sont là juste devant nous, si près que je peux distinguer certains détails, comme l'odeur de transpiration qui se dégage d'un loup-garou ou le sourire mielleux de Circé. Les créatures sont rassemblées autour de Mélanie et celle-ci s'exprime avec fermeté.

- J'ai envoyé le message au Traqueur. Le rendez-vous est fixé pour demain soir. Nous ne pouvons être sûr qu'il ne cherchera pas à nous tendre un piège en amenant une petite armée avec lui. Nous devons donc être prêt à les recevoir. Il faudra tous les tuer sauf lui et l'Ensorceleuse. Nous les ramèneront ici et chacun d'entre vous pourra leur faire subir tout le mal qu'ils vous ont causés. Mais je veux qu'une vingtaine d'entre vous reste ici au cas où les choses tournent mal. Il faudra être prêt à égorger "l'abomination". 

Un frisson d'horreur me parcours l'échine. Je déglutis difficilement. Il faut absolument que nous nous échappions et que nous prévenions mes parents du piège tendus par les rebelles. 

Soudain, je remarque quelque chose de familier sur une table en pierre près du trône de Mélanie. Avec stupéfaction je reconnais mon arc. Il n'en reste que des débris mais c'est bien lui. Que fait-il ici ? Pourquoi les vampires l'ont-ils ramené ici ?  Et pourquoi Mélanie ne l'a-t-elle pas tout simplement jeté ? Pourquoi le garder ici ? Peut-être qu'il lui rappelle un passé qu'elle n'arrive pas à oublier malgré tout ce qu'elle peut en dire... 

La vue de mon arc brisé de cette façon me rempli de chagrin. Je m'y étais tellement attaché ! Il était tout ce qu'il me restait de la famille de mon père. Et maintenant je n'ai plus rien. 

Brusquement, alors que mes pensées sont tournées vers mon arme, mes mains se mettent à vibrer. Trente secondes plus tard, l'arc se trouve dans ma main, en un seul morceau. 

Je suis stupéfaite par ce qui vient de se produire. Je regarde à nouveau la table en pierre près du trône mais les restes de l'arc qui s'y trouvaient quelques instants plus tôt ont disparus. 

Théophile fixe mon arc d'un air stupéfait, ne comprenant pas bien pourquoi l'arme a soudainement fait apparition dans ma main. 

Je suis la première à saisir la portée de mon acte. Je me maudis mentalement, j'ai encore tout fait foiré.


Aliumnos- Chasseuse dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant