Chapitre 50

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Diane

Je monte lentement les escaliers. Arrivée devant la porte de la chambre de Rakael, j'ai peur, je veux rebrousser chemin. Mon malaise s'accentue quand j'approche ma main pour tourner la poignet. Je chasse mes idées noires et entre. 

La chambre de Rakael n'est pas très grande et est très simple. Elle se compose d'un lit double, d'une armoire et d'un bureau. Il possède aussi un balcon donnant directement sur la forêt. Le loup-garou avait pour habitude de sauter directement de son balcon pour rejoindre sa meute dans les bois. 

Des souvenirs heureux remontent quand je m'avance à l'intérieur de la pièce. Je me revois à six ans, courir après Rakael qui m'avait volé le jouet avec lequel je m'amusais. Je nous revois adolescents, prenant des photos en grimaçant, photos qui sont d'ailleurs accrochées au mur. Je nous revois tous les deux allongés sur son lit nous racontant des anecdotes, quelques jours avant que tout ne bascule et que je sois envoyée à Venator. Que de bons souvenirs ! 

Mais aujourd'hui, Rakael est seul dans son lit. Ses yeux sont clos et son corps est couvert de sueur. Sa respiration est sifflante. Il s'agite dans son sommeil et remue des lèvres. Je m'approche un peu plus pour écouter ce qu'il dit.

- Li...v... a...

- Comment ? 

Je colle mon oreille à sa bouche pour mieux entendre.

- Il hallucine à cause de la fièvre, explique une voix venant du pas de la porte. 

Surprise, je sursaute. Je me retourne vivement et tombe sur Livia. Elle porte une bassine d'eau dans laquelle elle a déposé un linge blanc. Elle s'avance vers le lit et s'assoie sur le bord, de l'autre côté de moi. Elle dépose la bassine sur la table de chevet et attrape le linge mouillé. Elle l'essor avant de le passer délicatement sur le visage brûlant de fièvre de Rakael. Je la regarde faire sans rien dire. 

La sorcière est impeccablement coiffée et maquillée, comme à son habitude. Elle n'a pas changé depuis la dernière fois que je l'ai vu, si ce n'est le pli sur son front qui trahi son inquiétude. Pour une fois elle ne me lance pas de pique et se contente de m'ignorer pendant qu'elle s'occupe du loup. 

Je me focalise à nouveau sur mon ami. Il gémit de douleur, toujours dans les vapes. Un gros frisson parcours son corps et sa respiration devient laborieuse. Ses gémissements reprennent de plus belle, son visage se déforme en une grimace de douleur. Son corps se tend et se soulève légèrement sur le matelas. Rakael se met à délirer et dit des choses sans queues ni têtes. Livia attrape sa main, ferme les yeux et murmure un incantation. Je ne sais pas exactement ce qu'elle lui fait mais ça a l'air de marcher puisque la vague de douleur part, et mon ami s'effondre à nouveau dans son lit. 

- Comment va-t-il ? J'ose demander à la sorcière. 

Elle me jette un coup d'œil que je ne parviens pas à interpréter avant de regarder à nouveau son petit ami. Elle ne dit rien et continue d'éponger la sueur qui dégouline sur le visage de Rakael. Au moment où je me dis qu'elle a décidé de m'ignorer royalement, elle finit par parler :

- Pas très bien. Cela fait déjà deux jours qu'il se bat contre le venin du vampire mais son état ne s'améliore pas. J'essais de l'aider du mieux que je peux avec ma magie, en le soulageant de la douleur mais malheureusement ce n'est pas suffisant. Je ne peux pas le soigner, seul lui peut le faire. Je déteste le voir souffrir ainsi et ne rien pouvoir faire.

Livia semble à bout elle aussi. Sous son fond de teint je remarque ses cernes. Elle non plus n'a pas dormi dernièrement. Elle doit vraiment aimer Rakael. 

- Li...via...Murmure Rakael entre deux respirations sifflantes. 

La sorcière attrape la main du loup et lui chuchote qu'elle est là. Elle l'embrasse sur le front et lui caresse tendrement les cheveux. Son toucher semble apaiser Rakael qui se détend un peu. Lui aussi doit vraiment aimer la sorcière. A cette pensée, mon cœur se serre. J'ai toujours été la première personne à qui Rakael pensait dès qu'il arrivait quelque chose et moi aussi c'était à lui que je pensais en premier. Mais aujourd'hui c'est différent. Rakael a Livia. Ils forment un très beau couple d'ailleurs. Quant à moi, mes pensées se tournent en permanence vers Théophile. Je me demande tout le temps comment il va, ce qu'il fait, si il tient le coup. Rakael et moi avons tous les deux trouvé quelqu'un d'autre à qui nous rattacher. Et cette transformation de notre relation me rend nostalgique. 

Nous restons plusieurs heures en silence, à veiller sur Rakael. Parfois, l'une de nous descends pour s'occuper d'Éléonore et d'Aurore. De temps en temps, la Chasseuse monte aussi pour vérifier l'état de son fils. Mais elle supporte mal de le voir souffrir ainsi. Nous avons fini par la coucher lorsque les premiers rayons de la lune ont caressé la terre. 

Deux autres jours se sont déroulés ainsi. Livia n'a jamais quitté le chevet de Rakael. D'autres personnes sont venues lui rendre visite. Toute la meute de la Lune Rouge l'a soutenu dans son supplice. De même que des amis du lycée et aussi certains professeurs. Mon père et ma mère sont restés plusieurs heures à lui parler sans savoir si il pouvait nous entendre. 

Pour ma part, je rentrais chez moi le soir, m'occuper de ma mère inconsolable par la mort de son meilleur ami. Je rendais visite tous les jours à Éléonore avant d'aller veiller sur mon ami. L'état de celui-ci a empiré. Toujours en proie à des hallucinations, ses délires se sont accentués. Il semblait atrocement souffrir et même les incantations de Livia n'arrivaient plus à l'apaiser.  

Cela fait bientôt cinq jours qu'il lutte pour sa survie. J'ai entendu dire qu'en général un loup-garou se sauve dans les quatre premiers jours suivant la morsure d'un vampire, passé ce délai, il meurt presque à tous les coups. Certains arrivent encore à lutter quelques jours avant de rendre leur derniers souffles. L'espoir que Rakael survive est donc de plus en plus mince. 

Éléonore semble avoir perdu l'espoir. Elle reste désormais aux côtés de son fils, ne le quittant que pour nourrir son bébé. Elle supplie Rakael en sanglotant. Je reste généralement en retrait, Aurore dans les bras à prier pour un miracle. 

Soudain, dans l'après-midi du cinquième jour, alors que je suis seule avec le loup-garou et que je lui parle de tout et de rien comme autrefois en lui serrant la main, il ouvre les yeux et fixe le plafond. Ses iris jaunes sont en partie envahies par un liquide noir. Je comprends qu'il s'agit du venin du vampire qui l'a mordu. 

Je me doute que si le venin a atteint ses yeux, c'est mauvais signe.

Aliumnos- Chasseuse dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant