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Le trois heures piles
Le tableau verdoyant de la campagne Irlandaise se dessinait, encore et toujours, à perte de vue, à tel point qu'on venait à se demander si le pays ne s'étendait pas ainsi jusqu'au bout du monde. Juillet, bien installé, n'avait daigné inviter chaleur et soleil éclatant aussi, cet été n'en avait que le titre, encore une fois. Je n'étais pas vraiment là pour le voir cependant je ne peux qu'imaginer la frustration d'entendre la pluie battante contre les volets, de patauger dans la boue à l'heure où Demeter est censée répandre couleurs et abondance pour fêter le retour de sa fille sur terre. Fort heureusement, je sais votre imagination au moins aussi fertile que la mienne, la scène ne doit donc point vous apparaître si floue que cela.
C'est ainsi que juillet continuait de s'effilocher, à la fois aussi fugace qu'un éclair et interminable que ces longues nuits d'hiver. Le jour où Dawn reçut enfin les résultats de ses B.U.S.E., le temps n'était guère plus clément que depuis le début de ses vacances. Elle mâchouillait sans grande conviction ses flocons d'avoine insipides alors qu'à l'étage, elle entendait la lourde silhouette de son oncle s'extirper de ses draps. Pourquoi des flocons d'avoine, tandis que l'univers entier semble s'être mis d'accord sur l'absence totale de plaisir gustatif que peut procurer une telle mixture ? Rien de bien sorcier.
« T'élever c'est balancer suffisamment d'argent par les fenêtres comme ça, j'vais pas en plus dépenser des milliers pour t'engraisser. ».
Que d'aimables paroles en ce doux foyer...
Dawn avait pris seize ans en mai dernier, déjà onze années qu'elle hantait le cottage laissé à l'abandon de son oncle et elle aurait été bien incapable de mettre le doigt sur ce que cet état de fait lui inspirait.
Et c'est alors qu'elle déglutissait difficilement sa bouillie infâme et pâteuse qu'un hibou grand-duc vint élégamment toquer de son bec contre le carreau de la fenêtre de la cuisine. Pas réellement pétrie d'impatience, Dawn s'arracha à sa chaise pour venir ouvrir au rapace. Il tendit la patte et n'oublia pas de lui offrir un hululement courroucé quand elle lui offrit un geste impatient de la main après avoir récupéré sa lettre, en guise de remerciement. Visiblement parfaitement insatisfait, l'oiseau s'échappa à tire d'aile à travers la fenêtre restée ouverte tandis que Dawn fit sauter le sceau de Poudlard sans un sourcillement.
Au même instant, Audric franchissait la porte de la cuisine, l'esprit encore embrumé par l'alcool de la veille. Jamais il n'aurait eu l'imprudence de formuler un tel soulagement à voix haute mais pourtant, il l'était, soulagé. L'on était samedi, et par conséquent il n'avait pas à sauter dans sa voiture pour rejoindre l'open space à Dublin où il travaillait depuis tant d'années à présent qu'il avait cessé de les compter. Et dire qu'un peu plus d'une décennie plus tôt, il était en passe de grimper les échelons, nouvel acquéreur d'un charmant petit cottage en pleine campagne, fiancée à sa petite-copine de faculté, une vie simple et sans histoire...
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𝙻𝚊 𝚏𝚒𝚗 𝚍𝚎 𝚕'𝙰𝚞𝚋𝚎
FanfictionDawn est née un jour, est morte un autre. Entre ces deux journées banales au possible, entre ces deux évènements dont l'univers entier se fiche, elle a laissé derrière elle un macabre sillage, un long fil conducteur tâché de rouge à l'apparence ter...