En un clin d'œil.
En réalité, le temps est une chose distordue par les idées de l'homme et par son manque d'imagination. Selon certains savants, trop en avance sur leurs congénères, et qui par conséquent se firent rapidement brûler, une minute peut durer une heure ou une seconde, selon le point de vue. Bien entendu, il est très difficile de discuter de ce sujet, faute de mots adéquats. En effet, ceux-ci ont été crées par les humains, et nous parlons ici d'une idée inexplicable dû au manque de ressources intellectuelles. L'humanité se limite elle-même dans les moyens qu'elle a créée - nous avons d'ailleurs ici un parfait exemple d'incapacité à converser sur ce thème : personne ne peut maintenant avoir l'audace de dire qu'il a compris ce qui vient d'être expliqué. Le simple que fait que cette idée, un jour, ait atterri dans un cerveau humanoïde est déjà un miracle inexplicable.
Mais revenons à cette histoire. Le temps que le prince Aslan close et rouvre ses paupières blondes, il se passa un nombre incalculable de choses qui, selon les intelligences obtuses et inconscientes de la théories énoncée plus haut, prendrait un temps considérable à être exécutées. Par exemple, un moine vicieux élabora une encre empoisonnée et avec, réécrit entièrement l'Ancien Testament, afin de tuer quiconque le lirait. Ou alors un castor construit un barrage avec les tuyaux d'évacuation d'un château voisin, créant un déferlement de coprolites dans la salle du trône. Ou encore, un autoproclamé messie organisa un concert de death metal du haut de sa croix.
Et dans la citadelle du palais royal de la ville de Krank-sous-Bois, en-dessous du balcon de la façade ouest, eu lieu un événement bien moins impressionnant, du fait de sa non-visibilité et de - selon les normes compréhensibles - sa durée quasi-nulle. Rapprochons-nous et supprimons les contraintes du réalisme. Morfydd - car c'était bien lui - leva donc ses mains, et clôt, lui aussi, ses yeux. Et le temps s'allongea. Comme une guimauve étirée et reétirée par le forain appelé communément Dieu, si c'était bien lui, le temps était malléable à souhait. Il prenait des formes variés et s'adaptait au moule de lexistence avec la lenteur - ou rapidité - et l'aisance d'un serpent élastique. À présent, il se rendait beaucoup plus long qu'il ne l'était réellement. Et cela, uniquement pour une personne. Morfydd rouvrit ses yeux, fenêtres qui donnaient sur la nuit. Autour de lui régnait un silence assourdissant. Pas le genre de silence agréable, celui d'après les bruits trop intenses, qui cajole les oreilles, qui fond comme du miel au soleil. Pas le genre de faux silence, brisé par le murmure du vent ou danimaux minuscules. Non, c'était un silence lourd, abrutissant, qui donnait envie de crier pour le rompre à jamais. Qui transperce les os avec sa pointe de vide, qui casse les sons avant qu'ils ne naissent. Et dans ce silence, tout allait lentement, très lentement. Les drapés de soies immobiles dans le mouvement, les oiseaux coincés dans l'air solide, et la lame de la hache qui touchait les poils de nuque du condamné. L'apprenti de La Mort souffla, créant un couloir de vie au milieu de l'atmosphère compactée par le temps. Il devait se ressaisir. Il sortit de sa poche le sablier orné et vit le dernier grain de sable tomber au ralenti dans l'ampoule inférieure, illuminé un instant par le soleil de glace. Il le remit dans sa poche avant l'impact de la chute, et tendit un bras vers le billot. Il sentit alors dans son corps le monde extérieur. Chaque mouvement imperceptible et freiné par l'étirement, il le sentait à lintérieur de lui. Ils créaient des vagues infimes, des bouillonnements de sang à peine perceptibles remuaient ses cellules et les replaçaient dans un ordre différent. Morfydd sentit même la froideur du métal lui chatouiller larrière du cou. Pendant ce moment qui sembla durer plusieurs éternités - et tel était peut-être le cas, il ne réalisa pas que l'air devenait d'un liquide graisseux autour de ses doigts, qu'il passa du rouge au vert et au violet, puis par des couleurs qui n'existaient même pas, qu'il résonna de petites décharges bleutées, et enfin qu'il se tendit comme un élastique pour se relâcher soudainement, formant une ligne de vide qui atterrit dans lil du futur - ou pas - macchabée. Il y eu une explosion invisible, qui souleva des spirales de terre séchée, et l'espace reprit sa forme initiale.
Du brouillard de poussière sortit une forme immatérielle et transparente comme du verre. C'était le condamné, ou plutôt, la part visible et commune de son âme. La silhouette regarda autour d'elle avec un air surpris, mais dans ses yeux évanescents, on pouvait voir une pointe de soulagement. Il fixa Morfydd avec méfiance.
«Je ne vous imaginais pas comme ça, dit-il tandis que ses yeux scrutaient le moindre coin de son visage.
- Je suis son apprenti, répondit Morfydd, mal à l'aise.
- Ah, d'accord. Enchanté dans ce cas-là.»
Il fit mine de tendre sa main, mais se ravisa.
«Vous savez, continua-t-il, je pensais que ça faisait plus mal que ça.
- Ce n'était pas le cas ?
- Eh bien... j'ai juste ressenti une sorte de picotement, et ensuite... C'est la première fois que vous faites ça ?
- Oui, marmonna le jeune homme. Ça se voit tant que ça ?
- Pas du tout, répliqua lâme avec un sourire. C'est juste que vous semblez un peu stressé.
- Oh... oui, vous avez raison, un peu, dit Morfydd. Vous devriez y aller maintenant.
- C'est vrai, au revoir... Enfin, adieu me semble plus adapté.»
Ainsi, dans un vrombissement de réalité, l'âme s'évapora. Morfydd ne sut pas bien où elle allait, mais elle semblait avoir un but. Quand enfin elle eut complètement disparu, le jeune homme s'en alla lui aussi.
Puis le temps revint à son cours habituel, comme un ruisseau de montagne dégelé à la venue du printemps. Voilà ce qu'il s'était passé, le temps que le prince Aslan cligne des yeux.
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Comment Détruire Une Légende
General Fictioncontient de nombreuses choses moyenagesques, dont un prince, des sorciers, un château et de la magie, entre autres. en tout cas soyez patients, mesdames, messieurs et non-binaires, car mon taux de motivation est aussi élevé que la durée de vie d'un...