IX.

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Dans une des rues principales de Krank-sous-Bois.

Quelques heures après l'exécution, Morfydd jouaient des coudes au milieu de la foule qui essayait manifestement de l'étouffer. L'air surchargé pesait lourd sur ses épaules, sur ses muscles fragiles et sur son cerveau qui allait exploser. Pour la première fois depuis un long bout de temps, il ressentait quelque chose, plus qu'il n'aurait dû. Il sentait le vent glacial qui s'insinuait par les trous de ses vêtements, il sentait la chaleur des gens pressés autour de lui. Il lui semblait avoir conscience de sensations qui n'étaient pas les siennes, et cela lui déplaisait fortement. Des élancements muets remontèrent le long de ses jambes engourdies pour atteindre sa tête. Ses pieds nus commençaient à s'ankyloser, prenant une délicate teinte bleutée. Au même moment où le jeune homme réalisa qu'il allait avoir besoin de chaussures, un gargouillement provenant de son estomac se répercuta sur ses côtes. Il tâtonna sur ses poches, luttant toujours contre la nuée humaine et son mal de crâne. Des pièces, et en grande quantité, tintèrent les unes contre les autres et provoquèrent un doux son – ce son allait bientôt heurter les oreilles en radar d'un quelconque gueux, et Morfydd, par précaution, essaya daccélérer son laborieux mouvement. Il lui fallait faire quelques courses.

D'un rapide coup dil qu'on aurait pu qualifier de miraculeux, il aperçu une ruelle sur sa gauche. Comme toutes les ruelles de Krank-sous-Bois, elle était sombre, poussiéreuse et peu avenante. Mais à l'inverse des autres, elle avait l'air totalement vide. Personne n'en sortait, personne n'y entrait. C'était comme si elle n'était pas là. Malgré ça, au-dessus des odeurs de pourriture de la foule, des vagues fumets mijotés s'en échappaient avec certitude, et ils firent fortement gronder le ventre de Morfydd. Arrêté et bousculé par la masse mouvante de la population, il fixait cet endroit qui semblait si calme. Sans savoir pourquoi, il éveillait des souvenirs enfouis dans sa mémoire, dont il ne se rappelait même pas les avoir vécu. Ce qu'il savait, en revanche, c'était que ses orteils allaient définitivement tomber s'il n'agissait pas. Alors, avec effort, il se tourna dans la direction de la ruelle et entreprit d'avancer.

Après une traversée digne d'Ulysse rentrant chez lui, il fut violemment rejeté dans l'allée, trébucha puis tomba sur les genoux. Péniblement, il se releva entre les maisons décrépites à colombages rongés par les mites et le temps qui formaient les parois de la ruelle. Au loin, en face de lui, il apercevait les lourds remparts du palais royal, perdus dans le brouillard. L'atmosphère était différente ici. Le ciel brumeux avait beau être encore clair au-dessus de sa tête, Morfydd respirait un air de nuit. La pression avait disparue, et avec elle son mal de crâne. Le bruit de la vie, pourtant à quelques pas derrière lui, n'était plus qu'un murmure étouffé. Et devant lui, au milieu du chemin, une étrange installation barrait le passage. Une échoppe, pensa Morfydd. Entourant une table massive, quatre piquets en bois étaient fichés dans le sol. Par-dessus étaient étendues des étoffes rapiécées, retenus par des planches maladroitement fixées et des cercles de métal tordus, formant un toit et des murs bruissants de teintes rougeoyantes. Suspendues par des chaînes cliquetantes, des lanternes se balançaient doucement – il n'y avait pas le moindre vent. Elles répandaient une lueur dorée et une odeur de cire fondue autour d'elles. Sur le côté, dans une marmite, un ragoût bouillait dans un bruit d'éclaboussures. Le tout formait un ensemble fumant dans l'air gelé, lumineux dans les ombres, qui affectait un air brinquebalant malgré son immobilité. Les bruits vaporeux et métalliques se mêlaient aux fumets qui venaient chatouiller les narines de Morfydd. Enfin derrière la table, dans l'obscurité des tissus, une petite silhouette saffairait. Avec des mains comme des abricots secs, elle déplaçait des pots et diverses denrées sur un étagère cachée dans le fond. De grosses bagues noires alourdissaient ses doigts qui s'agitaient méticuleusement. Des symboles étranges semblaient se mouvoir sur certaines d'entre elles, gravés profondément. La silhouette lui tournait le dos. Inconsciemment impressionné par ses gestes précis et le cadre qui les entouraient, Morfydd s'approcha silencieusement. Avant même qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, sans se retourner, la silhouette demanda :

Comment Détruire Une LégendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant