❛ alcoholic kiss

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Nous avions passé notre première nuit dans cette maison qui me rappelait une panoplie de souvenirs oubliés. Ma vie d'avant, comme je la surnommais, surgissait à l'intérieur de mon esprit, défilant à une vitesse fulgurante. Cela faisait plusieurs mois que j'étais au service de Jinyoung et il suffisait de ce temps pour me transformer en un homme amnésique à l'égard des meurtres qu'il avait commis. La seule chose qui n'avait pas changée, je tuais toujours pour la bonne cause.

J'aiguisais mon sabre, assied sur le balcon, observant le soleil d'une fin de journée étinceler d'une teinte jaune-orange à travers le ciel parsemé de sombres nuages cotonneux, la journée magnifique contrastait avec la nuit ensanglantée. C'était comme si la nature se voilait la face à l'encontre de cette violence et des cadavres, comme si elle souhaitait nous duper en nous répétant que tout allait bien, que tout s'arrangerait pour le mieux. Les arbres étaient dénués de feuillages, laissant leur branches nues pointer les cieux, tout était en train de s'éteindre. Le corps inactif des feuilles sèches jaugeait le gazon terne, offrant un paysage morne qui se rapprochait de plus en plus d'un hiver précoce. L'ambiance était silencieuse, déprimante et je me retrouvais seul pour l'affronter. Jinyoung refusait de sortir de la chambre, marmonnant des raisons à travers un reniflement accablé. La soirée l'avait achevé et il devait être rongé par l'inquiétude, contrairement à moi, il avait une famille, des amis, des gens à qui il tenait. Néanmoins, je n'étais pas assez confiant pour le réconforter en lui tapotant amicalement l'épaule. Quelque chose m'en empêchait, un détail me bloquait pour devenir officiellement son support moral.

Je me levais, attrapant mon carquois et mon arc, prenant la direction d'un minuscule lac immobile et dégagé d'arbres. Il se trouvait à une dizaine de mètres, il suffisait de connaître le chemin et le tour était joué. J'écoutais les oiseaux chanter, comblant l'atmosphère muette de leurs sons mélodieux, rien que ça, l'apaisement augmentait à l'intérieur de ma tête tourmentée. Les troncs commençaient à disparaître jusqu'à ce que je me retrouve à marcher sur une pelouse résistant au changement de saison. Une brise vaguait dans cet air dépouillé de végétation trop pressurisante, créant un mouvement à l'intérieur de l'eau où les rayons du soleil reflétaient doucement. Je prenais place sur le gazon verdâtre, échappant un long soupir démontrant une détente croissante.

Je ne pouvais m'attarder longtemps ici, le danger rôdait sans cesse, même dans un endroit paisible tel que ce lac stoïque. Un parfum de fleurs mélangées à un froid humide maquillait le léger vent, promenant l'odeur végétale à travers le paysage. J'aimerais être ici avec Jinyoung, lui faire découvrir cette place pouvant diminuer ses craintes et sa douleur amère, mais seul mon corps et mon esprit m'avaient accompagnés. Je ne pouvais lui en vouloir, comme je le répétais, c'était normal de se morfondre lors de ces situations où l'impuissance tordait ton cœur, mais c'était la pire idée à employer, car tu laissais la vulnérabilité te commander, nourrissant tes faiblesses et empêchait au courage de reprendre le dessus. Je connaissais ce genre de moment, les ayant expérimentés, alors je comprenais le prince. Je comprenais la plupart de ces émotions, de ces sentiments, parfois, il était comme un reflet. Une meilleure réflexion, certes rouillée par l'anxiété, mais une réflexion compatible avec la mienne.

Je restais plusieurs minutes à réfléchir avant d'entreprendre la capture d'un animal pouvant servir de repas. La nourriture ayant été conservée ici n'était que de la viande sèche - pour me plaire - et de l'alcool. C'était plutôt étrange comme inventaire, mais on devait survivre avec ces aliments. J'installais une flèche sur la corde de mon arc, que je bandais, prêt à attraper la bête croisant mon chemin. Mes pas s'allégeaient, devenant inaudible et mon cerveau vibrait d'une attention pointilleuse, souhaitant chasser avec un succès fulgurant. La luminosité extérieure baissait, mais n'empêchait pas ma recherche. Après l'effort venait le réconfort, ce fût ainsi qu'un lapin à l'attitude insouciante, aux grandes oreilles qui semblaient écouter les sons et au minuscule nez reniflant l'air, qu'il bougeait à un mètre de moi. Je dirigeais mon arc vers lui, étirant la corde pour la relâcher suite à un moment de concentration. La flèche vint se loger à travers son petit corps inoffensif, me soutirant un instant de gloire intérieure. Je m'approchais de la bête, morte, avant de la prendre par les oreilles. La flèche sortie de sa chair, je retournais vers la maison, heureux de ma capture.

𝐊𝐈𝐍𝐆𝐃𝐎𝐌 𝐈 | 𝐣𝐣 𝐩𝐫𝐨𝐣𝐞𝐜𝐭Où les histoires vivent. Découvrez maintenant