Chapitre 3 : Au crépuscule de l'enfance

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Le soleil n'allait pas tarder à se lever.

Aujourd'hui, c'étaient leurs derniers jours. Trois jours après leurs fêtes, les Mirs devaient quitter la capitale comme le voulait la tradition.

Aujourd'hui, c'était le dernier jour d'Alan, il allait être exécuté pour le crime de lèse-majesté. Tous les Mirs, leurs sœurs et leurs conseillers étaient aux différents balcons du palais qui donnaient sur la cour intérieure. L'anxiété régnait.

Aujourd'hui, c'était leur dernier jour au palais, ils devaient être heureux et garder les joyeux souvenirs de leur enfance.
Aujourd'hui, Alan, leur frère, allait être tué, il était petit, gauche, pas très malin, mais c'était leur frère et là, il allait mourir !
Aujourd'hui sera leur dernier jour, plus rien ne sera pareil.

Une douzaine d'étrangleurs sortirent de l'obscurité de la nuit sans lune pour préparer la scène du crime. Des hommes habillés de ténèbres de la tête au pied ne révélant que leurs yeux sans vie. Nés et façonnés pour tuer. Des esclaves à qui on arrachait la langue dès l'enfance pour que les morts ne sachent pas qu'ils sont morts avant leur exécution, des esclaves émasculés, pour qu'ils circulent librement dans les ombres des harems tels des spectres silencieux.

Ils cherchent leurs proies avec leurs yeux ternes et les chassent impassiblement avec leur corde.

Alan apparut enfin habillé d'une robe blanc immaculé, tenue officielle des condamnés à mort, pour faire mieux apparaître leur couleur de peau. Il était las, épuisé et surtout résigné. Ces trois derniers jours l'avaient complètement métamorphosé. Deux tueurs le tiraient par ses bras pour le remettre à ses assassins qui l'attendaient sur l'estrade d'exécution.

Welat regarda ses frères et sœurs, sur les balcons du palais, ils avaient tous la tête baissée, personne ne regardait Alan, leurs yeux ne pouvaient quitter leurs pieds. "Résigné !" Pensa Welat, ils vont tuer notre frère et nous sommes résignés comme des bêtes. Non, se reprit-il, les bêtes à qui on arrache un être cher se débattent et mugissent. Nous, nous sommes juste résignés, encore plus bas que les bêtes. Rojinne, ne supportant pas la scène, se jeta dans les bras de Welat. En fermant les yeux, ce dernier l'enlaça en retour puis les rouvrit soudainement et la repoussa, « honteux murmura-t-il.

— Quoi ? Tenta Rojinne.

— Personne n'est résigné, reprit-il s'efforçant d'ordonner ses pensées, nous sommes juste honteux de notre faiblesse, honteux de laisser notre frère mourir.

— O-oui, répondit-elle sans vraiment savoir où il voulait en venir. Welat alla au bord du balcon et l'attrapa des deux mains pour s'accrocher, comme s'il avait peur que ses pieds ne reculent à nouveau. Il regarda à droite et à gauche pour s'imprégner de la réaction des autres. Nous sommes tous faibles, se répéta-t-il. »

Dans le même temps, Alan montait pesamment les escaliers de l'estrade qui allait être son lieu d'exécution. Il s'arrêta et regarda le vieux mur du palais criblé de balcon. Sa surface, rongée par les lierres, ne lui avait jamais semblé aussi éreintée. Son regard se précisa sur les balcons pour espérer y déceler ... Y déceler quoi déjà ? Le premier visage qu'il vit était celui de Yusuf, son pauvre conseiller qui sans maître allait être renvoyé par sa faute. Mais lui, il allait mourir, cela devait être suffisant pour payer le désarroi causé. « Mourir ? Murmura-t-il, non, je ne veux pas mourir », instinctivement ses yeux cherchèrent celui qui pouvait le sauver, il le trouva dans les bras de sa sœur. "Welat", souffla-t-il avec joie, ce dernier repoussa Rojinne pour venir vers le balcon, son cœur se mit à battre plus fort. «C'est toujours lui qui m'a sauvé», l'espérance le regagnait. Puis plus rien, Welat le fixait, déterminé, mais immobile. Avec l'espérance revient l'anxiété. Je ne veux pas mourir, se répéta-t-il.

Call of the throneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant