Des gouttes n'arrêtaient pas de tomber à un rythme quasi-mécanique dans la flaque empuantie au fond de la cellule. Les tintements de ces dernières empêchaient même Sipan de dormaillait la nuit. Il fallait peut-être mieux rester éveillé pour éviter de se retrouver dévoré par les rats. Le plus grand d'entre eux revint avec ses congénères à côté de la flaque, feignant de s'y désaltérer. En réalité, il voulait confirmer que l'ancien commissaire dormait bien.
Il se gratta férocement le museau de ses doigts roses. Un rictus quasi-humain dévoila des dents jaunes.
Sipan avait déjà tué une bonne dizaine de rats depuis qu'il était au cachot, mais celui-ci, le plus grand d'entre eux, était insaisissable. Ces compagnons avaient beau mourir, il en dénichait constamment de nouveaux. Ayant assez de se faire narguer par ces bêtes, l'ancien commissaire simulait le sommeil pour les attirer. Malin comme il était, le gros rat resta prudent et ne s'approcha pas immédiatement. Depuis une semaine, les deux camps se traquaient dans une chasse à mort et Sipan savait qu'ils arrivaient à la fin de leur affrontement. Il était beaucoup trop épuisé pour survivre une nuit de plus. Aujourd'hui, l'un des deux allait y laisser la vie. "Je jure par les anges sacrés de te tuer, s'engagea-t-il, sinon, que je sois maudit, que mon âme ne trouve jamais la paix". Le gros rongeur envoya ses congénères pour tâter le terrain. "Merde" pensa Sipan, s'il s'attaquait à ces rats, il n'attrapera jamais l'autre qui se rendra compte du simulacre de sommeil. Il se promit de se laisser dévorer quelques doigts ou orteils par ces bêtes pour dissiper la méfiance du plus grand. Ceux-ci s'arrêtèrent net et tendirent leurs oreilles aiguisées. Alors que Sipan essayait de déchiffrer leurs attitudes, il entendit des bruits de pas dans les couloirs. Trois personnes s'arrêtèrent devant sa cellule et firent cliqueter de grosses clefs métalliques. Une fois la porte déverrouillée, elle s'ouvrit dans un crissement grave.
«— Mir Welat, voici la cellule de l'ancien commissaire Sipan.
Ce dernier sortit de son lit pour accueillir ses invités. Il essaya de distinguer les visages éclairés par la faible lueur des torches.
— J'aurais voulu vous offrir une meilleure hospitalité dans ma modeste cellule, mais je crains de ne pas être équipé pour l'occasion.
— Es-tu le commissaire Sipan ? demanda Welat laconique.
— La bienséance exige de se présenter avant de solliciter l'identité de l'autre partie, es-tu un chien de Zinar ou de Kendal? le Geôlier sortit sa matraque en hurlant.
— Impudent, tu as un Mir en face de toi, respecte-le ! Welat l'arrêta d'un signe de la main.
— Range ton arme. J'avais fait parvenir un messager hier dans la nuit pour le transférer dans la chambre des gardes en attendant mon arrivée ce matin. Pourquoi est-il toujours dans ce trou ?
— J'ai voulu faire confirmer vos ordres par le capitaine Zinar ce mat...
— C'est moi qui suis le supérieur de Zinar, s'énerva Welat, et pas l'inverse, il n'a pas à confirmer mes ordres. Va t'en maintenant, laisse nous seuls.
— Un Mir ? Marmonna Sipan, j'avais bien entendu alors. Êtes-vous un Mir de la dynastie ? Non, que ferait un Mir de la dynastie ici, vous devez être un sang bleu.
— Non, je ne suis pas de l'ancienne noblesse.
— Père Erdelan nous a dit que vous étiez en cachot depuis une semaine, intervient Heval, à votre emmurement la nouvelle de l'investiture de Mir Welat devait pourtant déjà être parvenue à Avashine.
— Vous êtes vraiment un Mir de la dynastie alors... mais je n'étais au courant de rien, faut croire que le conseil communal n'a sûrement pas voulu propager l'information.
VOUS LISEZ
Call of the throne
FantasíaC'est l'histoire d'une dynastie au bord de l'effondrement, celle des membres de la famille royale qui s'entredévorent pour les miettes de pouvoir. C'est l'histoire de Welat, un bâtard royal qui, au milieu du chaos essaye de se faire une place et de...