Chapitre 29

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- Tu as changé en un an, remarqua-t-il.

- Pas assez malheureusement, déplora Ali. J'aurai voulu être plus grande.

- Pas besoin quand on a ton talent à l'épée. Mercutio m'a raconté ta sélection. Tu n'as fait qu'une bouchée de ton adversaire.

- C'est vrai, se vanta Ali. Et d'Ambroise aussi d'ailleurs.

Elio prit tout d'un coup un air inquiet.

- J'ai su ce que tu avais fait avec son bouclier. Tu n'aurais pas dû. C'était dangereux. Les mages parlent. Ils soupçonnent quelque chose.

- Je ne vois vraiment pas le problème Elio ! J'en ai marre de me cacher ! On croirait entendre Vitali.

- Tu ne comprends pas Ali. Tu te rappelles la proposition de Mirio ? Tu te doutes bien que plus tes pouvoirs feront parler de toi, plus ce groupe s'intéressera à toi.

- On n'arrête pas de me parler de potentiel gâché. A force de vouloir limiter mes pouvoirs, c'est sûr que je ne vais jamais connaitre mes capacités. Peut-être que ça serait une bonne chose que le Conseil soit au courant.

Elio voulut dire quelque chose mais Ali l'en empêcha.

- Et j'en ai marre que l'on se dispute pour ça. Ça fait un an que je ne t'ai pas vu et c'est tout ce que tu trouves à me dire ?

- Excuses-moi Ali, tu as raison. Et si je te faisais visiter la Citadelle ?

- Avec plaisir.

Il l'emmena dans différents endroits de la place forte. Elle put découvrir à la fois les salles d'entrainements, les dortoirs (même si tous les mages ne vivaient pas à la Citadelle) ainsi que différentes salles au mobilier ancien. Le bâtiment respirait la noblesse mais discrètement, contrairement au manoir Pandore. En suivant Elio, elle passa devant une arcade qui donnait sur une pièce ronde. Un bruit d'eau ruisselant attira son attention.

- Et ici, c'est quoi ?

- La salle des souvenirs. En hommage aux mages morts en service.

Ali s'approcha. Elle comprit que le ruissellement provenait d'une fontaine placée au centre. Elle remarqua que de l'herbe poussait tout autour. On pouvait observer du lierre grimper au mur sans ordre précis ainsi qu'un toit de verre qui laissait passait quelques rayons de lumière, créant un arc-en-ciel avec la fontaine. Le seul endroit épargné par la végétation consistait en une plaque de marbre gravée avec le nom des mages. Ali passa sa main dessus en se demandant si un jour le sien y figurerait aussi.

Un nom attira son attention. Gennaro Pandore. Elle se retourna vers Elio qui était resté dans l'embrasure de l'arcade. Il la regarda avec une réelle souffrance sur le visage. Ali retira brusquement sa main. Elle avait l'impression d'avoir découvert quelque chose qu'elle n'aurait pas du savoir. Bizarrement, elle repensa à sa conversation avec l'étrange vieille femme lors de la soirée d'Ignacio Pandore. Quand elle avait insisté sur le fait que la famille d'Elio « comptait tellement sur lui, le dernier garçon des Pandore ». Elle s'avança doucement vers lui.

- Elio ?

- Ah, tu aurais fini par le savoir à un moment ou à un autre. Gennaro était mon frère ainé. Il était mage guerrier comme moi. Cela n'avait pas dérangé mes parents car ils comptaient sur moi à l'époque. Il aurait eu vingt-six ans cette année. Il a été tué en mission. On n'a jamais su pourquoi ni comment. On nous a renvoyé son corps et ses effets personnels sans plus d'explications.

- Le médaillon, c'était à lui ? devina Ali.

Elio le sortit de sous son uniforme.

- Oui. Son bien le plus précieux. Il contient une source élémentaire de feu. Je ne voulais pas le porter car il représentait sa fierté d'appartenir à la famille Pandore. Une fierté que je n'ai plus.

- Tes parents ont dû être tristes quand tu es parti pour l'Académie.

- Surtout déçus. Et soulagé de s'être débarrassé de moi pendant un temps. J'admirais mon frère. J'aimerai savoir pourquoi il est mort. Mais maintenant que je suis enfin mage guerrier, je commence à comprendre qu'il y a des choses qui valent la peine de se sacrifier.

Elio semblait plus âgé à cet instant. Il avait un regard si déterminé. Ali sentit son cœur se gonfler. Les pas de deux mages passant devant la salle la ramenèrent au moment présent.

- Je vais devoir y aller. Tina doit m'attendre.

Elio ne répondit pas tout de suite.

- Je vais bientôt partir en mission, annonça-t-il d'un ton neutre.

- Où ça ?

- Je ne peux pas t'en dire plus. Je ne pourrais pas rentrer avant un long moment. Tu salueras Louise de ma part.

- Compte sur moi.

Au moment de quitter la salle, Ali serra soudainement Elio contre elle. Elle resta ainsi pendant quelques secondes. Elle le relâcha sans plus d'explication et rejoignit Tina dans le grand hall.

- Tout va bien Ali ? lui demanda-t-elle. Tu as l'air ailleurs.

- Oh oui. J'étais juste perdue dans mes pensées.

- Il ne faut pas t'inquiéter tu sais. La guerre n'est pas pour tout de suite.

- Je n'ai pas peur.

- Ça tombe bien. Les formateurs ont reçu pour ordre d'accélérer votre formation. Je ne vais pas t'épargner.

Ambroise choisit ce moment pour passer devant elles. Il jeta à Ali un regard dédaigneux. Elle lui aurait bien fait bouffer son arrogance. Elle ne lui avait pourtant rien fait. Il passait son temps à la regarder d'un air mauvais. Certes, elle l'avait battu lors des sélections mais il avait quand même été choisi alors elle ne voyait pas pourquoi il ressentait autant d'animosité envers elle. 

Elle décida de l'ignorer encore une fois. Il était étrange comme son père. Elle regretta immédiatement cette pensée. Elle n'avait pas le droit de le comparer à son père. Elle n'était pas dans état normal aujourd'hui. Elle se revit en train d'enlacer Elio. Ce n'était pas son genre d'être aussi démonstrative. Elio, oui, il avait toujours été comme ça. Mais pas elle. Si elle devenait sentimentale, ça n'allait pas le faire. Surtout vu le contexte. Elle se ressaisit en se disant qu'elle avait juste voulu lui dire au revoir.

Une fois rentrée à l'Académie, Tina lui précisa bien que l'assemblée à laquelle elle venait d'assister devait rester confidentielle. Ali dut prendre sur elle pour ne rien raconter à Louise.

Minuit sonnait quand Ali se réveilla le ventre grondant. Elle n'avait pas pris le temps de manger. N'étant pas à sa première escapade nocturne, elle décida de se rendre aux cuisines. Elle savait qu'avec un peu de magie, la porte, plus qu'ancienne, pouvait s'ouvrir. Elle se fit un festin de viande séchée accompagnée de fromage et se laissa tenter par une poire en dessert.

Elle remonta par l'escalier de service. Elle avait atteint la porte de son dortoir quand un bruit la fit se figer. Elle se colla au mur, dissimulant au mieux sa respiration. Elle aperçut une silhouette sortir des dortoirs de la spé guerrière. Apparemment, elle n'était pas la seule qui aimait sortir la nuit. Elle reprit son souffle et se décolla du mur pour tenter de deviner qui pouvait être la silhouette. La grande taille et les longs cheveux blonds ne la trompèrent pas. Alors comme ça, Ambroise avait décidé de faire un petit tour. 

L'Académie Des MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant